18 Octobre 2014 À 14:35
C’est dans une ambiance de spontanéité, de doutes, d’amertume et de désenchantement que les ex-marchands ambulants du boulevard Achouhada à Hay Mohammadi se sont réunis le 17 octobre à l’espace de jeunes à la résidence «Al Assil» au même quartier. Des hommes et des femmes, jeunes et moins jeunes, se sont retrouvés pour discuter de leur situation actuelle et de leur devenir après l’interdiction de leur activité informelle. Des visages tristes, perdus et hagards marqués par les aléas de la vie meublaient la salle de réunion en attendant une solution à même de sauver leur gagne-pain. D’autres visages rusés, obstinés avec un regard rapide et exubérant guettaient l’offre idéale pour les dédommager. «Nous avons été convoqués par des commerçants qui partageaient le même tronçon de boulevard que nous, mais nous ne savons pas ce qu’ils vont proposer», affirme une vendeuse d’accessoires qui travaille dans le commerce informel depuis plusieurs années avec trois autres membres de sa famille.
Après le lancement de cet atelier d’échange, la fameuse solution a été enfin proposée par des jeunes associatifs de Hay Mohammadi en collaboration avec les autorités locales. Il s’agit d’une association regroupant tous les vendeurs ambulants du boulevard Achouhada. Ce groupement sera appelé «Esprit d’initiative». «Cette réunion est en fait l’assemblée générale constitutive de la nouvelle association qui nous aidera à discuter avec les autorités locales et proposer des solutions appropriées à tous», explique Khalid Bafas, élu président de l’association «Esprit d’initiative» en fin de réunion. «La majorité des commerçants interdits sont des personnes âgées. On ne veut pas occuper l’espace public, mais on ne peut plus exercer un autre métier ou faire une formation dans un autre domaine. Notre état de santé ne nous permet même pas de travailler en tant que femme de ménage», déplore Ezzohra, âgée de 57 ans.
Son amie et compagne dans le commerce informel depuis des années, Zohra Limam, affirme également que la décision d’interdiction est tombée comme un couperet : «J’ai déjà travaillé dans plusieurs marchés de Hay Mohammadi, mais on ne m’a jamais proposé de solution. On se contentait de m’expulser». Selon Khalid Bafas, la nouvelle association serait une force de proposition pour aider les commerçants expulsés à s’intégrer dans le monde du travail, mais également pour participer au développement de la ville. En effet, selon une source officielle, «Esprit d’initiative» serait un moyen de discuter avec les vendeurs ambulants afin de les sédentariser : «Nous avons une séance de travail aujourd’hui avec les propriétaires des étalages pour leur proposer plusieurs types d’activités génératrices de revenus dans le cadre de l’INDH». Selon ce représentant des autorités locales, des triporteurs et camionnettes seront distribués aux ex-vendeurs ambulants notamment ceux qui géraient des étals de légumes, fruits, produits alimentaires, etc.
Ces derniers pourraient être organisés dans le cadre de marchés mobiles comme c’est le cas dans plusieurs pays européens. Ils ne pourront plus choisir un seul emplacement afin d’éviter la création de nouveaux points noirs.D’autres ex-propriétaires de «ferracha» recevraient un capital de 15.000 dirhams qu’ils pourraient développer pour lancer un commerce légal. En outre, les vendeurs de sandwichs et plats cuisinés, une trentaine, seraient dotés de motos équipées de cabines isothermes. Ils seront placés dans des points fixes de 7 h à 22 h. Concernant les femmes, les autorités locales proposent de les intégrer dans des coopératives. Au total, entre 200 à 250 commerçants, dont 150 femmes, seront réintégrés dans le monde du travail de façon légal. «On veut développer chez ces personnes l’esprit d’initiative, les inciter à créer leurs entreprises et à travailler avec dignité», explique un agent de l’autorité locale.
Néanmoins, ce plan de réintégration professionnelle ne concernera que les commerçants résidant à Hay Mohammadi. «Les projets de l’INDH de la préfecture Ain Sebaâ-Hay Mohammadi ne peuvent pas inclure les personnes relevant d’autres préfectures, explique une source bien informée. De fait, on va établir une liste de ces vendeurs avec des fiches de leurs projets afin de les présenter aux autorités compétentes», explique la même source. Et d’ajouter que 70% des commerçants ambulants exerçant à Hay Mohammadi proviennent d’autres préfectures. Pour ce représentant de l’autorité locale, les nouvelles solutions proposées sont à même de mettre fin au phénomène des marchands ambulants et du commerce illicite pratiqué depuis des années dans ce quartier mythique de la métropole.