Spécial Marche verte

8 mars : hommage à ces femmes ordinaires au courage extraordinaire

La ministre de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, Bassima Hakkaoui, estime que la situation de la femme marocaine a connu une nette amélioration au cours des dernières années. Dans un entretien accordé au «Matin» à l’occasion de la Journée de la femme, la responsable gouvernementale s’exprime sur plusieurs dossiers à polémique : le projet de loi relatif à la lutte contre la violence à l’égard de la femme, le plan ICRAM, la réforme du Code de la famille, le mariage des mineures…

Bassima Hakkaoui. Ph.Kartouch

07 Mars 2014 À 17:40

Le Matin : Comment évaluez-vous, en général, la situation de la femme au Maroc ?Bassima Hakkaoui : En comparaison avec plusieurs pays arabes et musulmans, les différents indicateurs liés à l’égalité et à la participation de la femme marocaine témoignent d’une nette amélioration de sa situation au cours de la dernière décennie, et ce grâce d’une part à l’apport et la participation qualitative et quantitative de la femme elle-même dans le processus du développement humain, et d’autre part à la volonté politique de Sa Majesté le Roi et de l’ensemble des forces vives de la Nation. Une conscience collective s’est développée : il ne peut pas y avoir de développement ni de démocratie sans l’émancipation de la femme et sa participation égale et équitable à la gestion des affaires publiques. Confortée par la nouvelle Constitution de 2011 et traduite dans le programme gouvernemental 2012-2016, cette situation se consolide de plus en plus et ouvre de nouvelles perspectives pour relever les défis de l’égalité effective au niveau régional et local.

Le plan «ICRAM» a suscité un grand débat au sein de la société. Que répondez-vous aux critiques des associations ?Les critiques des associations liées au plan gouvernemental pour l’égalité baptisé «ICRAM», et non «IKRAM», ont porté sur le surnom qu’ils ont qualifié d’aumône, alors qu’il s’agit simplement des initiales d’une approche que nous avons mise en exergue et qui constitue un défi pour la bonne gouvernance liée à l’égalité et à la recevabilité de l’État. Elle privilégie la concertation et la convergence des initiatives gouvernementales pour promouvoir les principes d’égalité. ICRAM est tout simplement une : Initiative concertée pour renforcer les acquis des Marocaines.

Concrètement, où en est la mise en œuvre du plan «ICRAM» ?Après un long processus de concertation avec les départements gouvernementaux, l’année 2013 s’est caractérisée par l’adoption du Plan gouvernemental pour l’égalité (PGE) en Conseil de gouvernement, le jeudi 6 juin 2013. Pour relever les défis de la coordination intersectorielle et instaurer une approche de suivi et d’évaluation de ce plan, le gouvernement a adopté, le jeudi 27 juin 2013, le décret relatif à la constitution de la commission ministérielle pour l’égalité. Cette commission a tenu sa première réunion le 13 septembre 2013 sous la présidence du Chef du gouvernement. Elle avait pour objectif de faire un premier bilan de mise en œuvre du plan ICRAM et de discuter des difficultés liées à son opérationnalisation, notamment les défis liés à la convergence des efforts.

Nous avons mis en place également un Comité technique interministériel composé de directeurs et directrices représentant les différents départements gouvernementaux. Ce comité est chargé du suivi opérationnel afin de rendre compte de la mise en œuvre des dispositions du plan gouvernemental et de prendre toutes les dispositions nécessaires pour réussir sa coordination et son suivi. Je précise que c’est un plan ambitieux, déjà en cours de mise en œuvre, qui se décline en huit axes majeurs et définit 24 objectifs et 157 mesures principales de mise en œuvre, parmi lesquelles figure,t la création de l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination et de l’Observatoire national pour l’amélioration de l’image de la femme dans les médias. Néanmoins, l’Intégration de l’approche genre dans la planification et la programmation du budget de tous les départements gouvernementaux a été l’exploit majeur durant l’année dernière, puisque la loi organique des Finances adoptée en Conseil de gouvernement a pris en considération l’approche genre.

Où en est le projet portant création de l'Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination ? Et dans quelles mesures les avis du secteur associatif ont-ils été pris en compte ?Le projet de l’APALD est presque finalisé. Il est piloté par une commission scientifique indépendante, selon une approche concertée. Cette commission a étudié plus de 90 mémorandums émanant des ONG de droits des femmes, des associations de développement, des syndicats, des partis politiques et de différents d’acteurs actifs. Le projet a fait également l'objet d’étude et d’avis de la Commission de Venise relevant du Conseil de l’Europe, connue pour son expertise dans le domaine ainsi que de la Délégation ministérielle aux droits de l’Homme. Le projet de loi sera déposé bientôt dans le circuit d’adoption.

Le projet de loi portant sur la violence à l’égard des femmes n'a pas convaincu les associations féministes qui ont formulé plusieurs griefs (méthodologie et définition de la violence, la criminalisation de tout acte de violence, lien avec l’enfance...). Que pensez-vous de cette réaction ?À l’instar de tous les chantiers menés par le ministère, nous n’épargnons aucun effort de coordination intersectorielle et de concertation avec la société civile. Il s’agit là d’un projet de loi élaboré en étroite collaboration avec le ministère de la Justice et qui a fait l'objet de plusieurs conférences débat à l’échelle nationale et régionale. Sans oublier le nombre de propositions recueillies auprès des associations actives en la matière. Aujourd’hui, nous sommes fières d’avoir élaboré un projet de texte réaliste, réalisable et porteur de lourdes sanctions à l’égard des harceleurs. C’est un projet qui envisage un certain nombre de sanctions contre les actes de violence physique ainsi que morale, accorde une attention particulière au combat contre les mariages forcés. Il incrimine les actes de harcèlement sexuel (propos ou gestes à caractère sexuel ou dans le but d'obtenir un acte de nature sexuelle). Il stipule des peines dans certains cas où l’acte de harcèlement est commis par un époux, un tuteur de la victime ou encore un membre de sa famille.

Le mouvement féminin continue de pointer du doigt certaines dispositions du Code de la famille jugées inéquitables comme l’autorisation de la polygamie et le mariage des mineures. Une révision du Code de la famille est-elle prévue en la matière ?Je reste convaincue que l’arsenal juridique doit être en permanence à l’écoute des avancées solides de la société. En revanche, et avant toute décision éventuelle de révision, une évaluation de la phase précédente relative à l’exécution de la moudawana est nécessaire ainsi que la mise en place de mesures d’accompagnement.

Comment peut-on résoudre le problème du mariage des mineures ?D'abord, il faut connaître d’une façon objective et rigoureuse les différents facteurs de recours au mariage des mineures au Maroc. L’enquête que mène le ministère de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social sur le mariage précoce se trouve dans ses phases finales. Elle nous aidera à travers ses aspects qualitatifs et quantitatifs à mieux cibler notre intervention. Mais nous considérons que la promotion de l’éducation de la petite fille, surtout dans le monde rural, et la lutte contre la pauvreté et la précarité sont des mesures de taille, et ce parallèlement à l’entrée juridique qui reste essentielle pour rehausser le niveau de conscientisation de la société.

Quelles sont les priorités actuelles de votre ministère au niveau du dossier de «la femme» ?Le premier axe stratégique est relatif à la mise en œuvre du plan ICRAM ainsi que la finalisation du texte instituant la Haute Instance de la parité et de la lutte contre toutes les formes de discrimination. La seconde priorité porte sur le décret instituant l’Observatoire national pour l’amélioration de l’image de la femme dans les médias. Le troisième axe a trait au projet de loi sur la violence à l’égard des femmes. Également, maintes actions sont mises en œuvre pour assurer l’autonomisation sociale et économique des femmes tant en milieu urbain que rural, ainsi que la garantie d’un accès égal et équitable aux postes de prise de décision aux niveaux administratif et politique. 

Copyright Groupe le Matin © 2025