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Med Paper et Portucel à couteaux tirés

La confrontation commerciale s’exacerbe entre Med Paper, producteur national de papier en ramette A4, et l’exportateur portugais Portucel Soporcel et ses importateurs. L’audition publique du 19 mai dernier aurait encore jeté de l'huile sur le feu. Détails des arguments des deux principaux protagonistes.

L'affaire remonte au début de l'année 2013 lorsque Med Paper a déposé une requête auprès du ministère du Commerce extérieur pour l’ouverture d’une enquête antidumping sur les importations de papier à l’encontre de l’exportateur portugais.

26 Mai 2014 À 15:45

La guerre du papier ne fait apparemment que commencer. L’audition publique organisée par le département du Commerce extérieur, lundi 19 mai, n’aurait fait, en effet, qu'exacerber le conflit entre Med Paper, producteur national de papier en ramette A4 et l’exportateur portugais vers le marché national, Portucel Soporcel et ses importateurs.

Il est à rappeler que cette confrontation commerciale a éclaté au grand jour lorsque Med Paper a déposé début 2013 une requête auprès du ministère pour demander l’ouverture d’une enquête antidumping sur les importations de papier à l’encontre de l’exportateur portugais. Les conclusions provisoires de cette enquête ont donné raison au producteur national, concluant, en février dernier, à titre provisoire, à l’existence du dumping exercé par ces importations. Toutefois, il fallait attendre les conclusions définitives et une audition publique pour confronter les protagonistes. À l’issue de cette confrontation, le groupe portugais a rendu public, en milieu de semaine dernière, un communiqué où il fait sa lecture des conclusions de cette audition publique. Contacté par nos soins, le PDG de Med Paper, Mohsin Sefrioui, répond point par point au groupe Portucel Soporcel (gPS).

Ainsi, Portucel indique que cela fait dix ans qu'il a développé un partenariat avec ses distributeurs marocains.Réponse de Mohsin Sefrioui : Med Paper a démenti, sur la base des statistiques officielles d’EUROSTAT et de la CCI que les produits Portucel n’ont jamais été exportés au Maroc avant 2010 et qu’ils n’ont envahi le marché marocain que depuis, et ce, «grâce à la pratique de prix de dumping qui défient toute concurrence».Le producteur portugais fait valoir que les caractéristiques et les performances du papier Portucel sont telles qu'elles permettent de satisfaire les besoins d'une grande partie des utilisateurs marocains, ce qui ne serait pas le cas du papier de Med Paper. Pour Portucel Soporcel, les deux types de papier ne seraient pas en concurrence et ne pourraient donc se porter préjudice.L'entreprise portugaise argue également que le prix de son produit a toujours été plus élevé que celui de Med Paper, confirmant l’absence de sous-cotation et soutient que son produit a toujours été le plus cher des papiers importés sur le marché marocain. Ce qui illustre, d’après lui, l’absence de causalité entre les importations de Portucel et le dommage avancé par Med Paper.

Réponse de Sefrioui : en exhibant des échantillons de son produit, Med Paper a expliqué que son papier comportait des caractéristiques physiques, mécaniques et optiques identiques à celles du papier Portucel, reconnues par les laboratoires officiels qui l’ont analysé. Et bien que la ramette A4 de Portucel appartienne à une classe dite premium, elle est vendue au Maroc à un prix inférieur au prix de son concurrent Med Paper appartenant à la classe standard. À ce propos, Med Paper indique que le gPS exporte sur le Maroc 73% de la qualité premium alors que le volume de ses ventes en qualité premium au Portugal ne dépasse guère les 16%. «Est-il donc concevable d’admettre que le Portugal, dont le PIB dépasse plus de 2,5 fois celui du Maroc, n’absorbe que 16% du papier premium alors que le Maroc en importe 73% sinon que le gPS cherche à pénétrer le marché marocain par la pratique de bas prix en attendant d’éliminer d’une manière déloyale son concurrent marocain ?» s’interroge Sefrioui.

Portucel affirme également que le producteur local est le seul et unique responsable de son préjudice. Ainsi, d’après lui, la marge EBITDA est passée de 10% en 2009 à 21% en 2012, année où la production de Med Paper pour le papier A4 a cependant été la plus faible. Dans une situation de pénurie de pâte à papier, Med Paper a ainsi privilégié la fabrication de produits sur lesquels il pouvait réaliser des marges plus importantes, délaissant ainsi l’activité de papier A4, développe Portucel. Celui-ci conclut donc que ce ne sont pas des problèmes opérationnels, mais des problèmes structurels qui grèvent les activités de Med Paper et mettent en cause sa viabilité.

Outre le niveau d’endettement très élevé et le fait qu’elle fait face à des charges d’intérêts qui consomment environ 60-90% de l’EBITDA annuellement, Med Paper a également des coûts excessifs et une gestion commerciale «catastrophique» qui se traduit dans des délais de recouvrement de créances clients de près d’un an et une provision de créances irrécouvrable de 40%, dans des problèmes d’approvisionnement liés à de mauvaises relations avec ses fournisseurs ou encore dans des problèmes de réseau de distribution, affirme Portucel. Là encore, celui-ci dit qu’il ne peut être responsable de ces difficultés, d’autant plus que l’activité de papier A4 de Med Paper n’a jamais représenté plus de 11 à 24% de son chiffre d’affaires entre 2009-2012 et il est particulièrement important de souligner que c’est au moment où les ventes de papier A4 se portent le mieux (2009) que Med Paper fait le plus de perte, fait valoir le groupe portugais.

Sefrioui réplique que ce qui est apparu clairement lors de l'audition, c’est qu’avant de parler de la performance financière, il y a lieu d’apprécier la performance économique de l’entreprise ; celle-ci devrait être appréhendée par l’appréciation notamment du niveau des ventes, de la marge, le délai de stockage, l’approvisionnement… Med Paper souligne que les ventes d’A4 ont chuté entre 2009 et 2012 de 67% alors que le chiffre d’affaires global n’a diminué que de 30% pour la même période et malgré une concurrence déloyale acharnée de Portucel, Med Paper a préféré maintenir ses prix du A4. Par conséquent, conclut Sefrioui, les quantités du A4 vendues sont passées de plus de 7.500 tonnes en 2009 à moins de 2.500 tonnes en 2012. La marge brute globale s’est améliorée grâce essentiellement à la maitrise des coûts. Malgré la fermeture en 2012 de l’usine à pâte à papier au Maroc, Med Paper a continué à s’approvisionner sur le marché international à des conditions plus avantageuses.

En ce qui concerne la performance financière, il a été démontré clairement, selon Sefrioui, que l’endettement net global a diminué sur la même période et que le besoin en fonds de roulement s’est aggravé à cause du délai d’écoulement des stocks. Cependant, les délais de recouvrement des créances clients et les délais de paiement des fournisseurs sont restés comparables à ceux pratiqués sur le marché marocain du papier, note-t-il.Le PDG de Med Paper affirme également que l’aggravation du besoin en fonds de roulement a conduit à un recours, à un financement complémentaire externe, aux meilleures conditions du marché. S’agissant des montants des frais financiers, ils sont restés quasiment les mêmes sur toute la période, note-t-il. 

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