15 Mai 2014 À 15:53
Cela fait onze ans jour pour jour que la ville de Casablanca a été secouée par de terribles attentats. Le 16 mai 2003, cinq attentats-suicides quasi simultanés avaient visé l’hôtel Farah, la Casa Espana, un restaurant italien et des cibles juives comme le Cercle de l’alliance israélite et un ancien cimetière juif. Ces attentats-suicides ont fait 45 morts, dont 12 kamikazes, et une centaine de blessés. Onze ans après le drame, les victimes directes de l’attentat s’en souviennent encore comme si c’était hier. Les détenus et leurs familles, eux aussi, souffrent encore et n’arrivent toujours pas à tourner la page. Une page noire dans l’histoire que les Casablancais ne sont pas prêts d’oublier.
Pour Louali Leila, comme pour d’autres victimes, les souvenirs de ces événements dramatiques sont aussi vivaces. «Ce n’est pas du tout facile de perdre quelqu’un d’une façon aussi violente et aussi brusque. C’était pour nous une grande responsabilité de soutenir nos familles, de bien élever nos enfants… Même si j’ai un travail, et donc un revenu fixe, je ne peux pas assumer toute seule cette responsabilité. Comme on dit, “une seule main ne peut pas applaudir !” Mais je remercie Dieu, après tant d’années j’ai réussi à garder ma famille réunie, et à bien éduquer mes trois enfants», témoigne douloureusement Leila, qui avait perdu son mari lors des attentats. Toutes ces années n'ont pas réussi à estomper la douleur des familles des victimes ni à faire oublier la cruauté de cet acte barbare.
Au lendemain de l’attaque, les victimes et leurs familles se sont constituées en une Association des victimes du 16 mai. Une initiative qui leur a permis, à défaut de formuler des revendications communes, de partager leur vécu et de rendre la douleur moins vive.Rachida Legdali, présidente de l'Association marocaine des victimes du terrorisme, peine, elle aussi, à tourner la page, à l’instar des autres familles de victimes du 16 mai. «Nous avons réussi à élever nos enfants seules durant 11 ans. Toutes les familles qui ont perdu un être cher ce jour-là, les femmes qui ont perdu leur mari ou leur enfant, n’arriveront jamais à dépasser la douleur», nous confie cette veuve, toujours endeuillée par la perte de son mari.
Présidente de l'Association marocaine des victimes du terrorisme depuis quatre ans, succédant à Souad El Khammal, R. Legdali a trouvé refuge dans le travail associatif, de même que toutes les autres veuves. L'ONG qu'elle préside se mobilise pour défendre les droits des victimes et de leurs familles. Elle joue aussi un rôle d'information et de sensibilisation de la population, notamment la jeunesse vulnérable, aux risques et aux menaces qui pèsent sur la société. «Chaque jeune est susceptible de devenir un terroriste. Il fait face à la pauvreté, peut-être à la non-scolarisation, aux problèmes familiaux, il est donc facilement manipulable, parce qu’il devient très sensible au discours extrémiste», explique Rachida Legdali. L’un des objectifs de l’association est donc de sensibiliser à l’éducation et à l’implication des jeunes dans la vie sociale, et non pas leur marginalisation. L'ONG travaille à cet effet en collaboration avec l'Académie de la région du Grand Casablanca. Elle organise régulièrement des soirées artistiques et des ateliers de sensibilisation dans plusieurs écoles de la ville.