04 Juin 2014 À 14:49
Le Matin : Lors de la sortie de votre dernier album en 2013, il a été annoncé comme étant le dernier opus de groupe IAM. Est-ce vraiment la fin ?IAM : C’est plus une question contractuelle, on a eu le même contrat qui a couru des années 90 jusqu’au milieu des années 2010. On est dans une situation où on joue beaucoup, où les albums fonctionnent, mais pour l’instant on n’a pas resigné d’autres contrats. On n’est plus tout jeune pour faire des disques en indépendant. On aimerait resigner dans une maison de disque, c’est en cours, et si ça se passe ce ne sera pas du tout la fin. Et même si on ne resigne pas un contrat on continuera à faire des lives et à jouer notre musique. Ce n’est pas du sport, on ne raccroche pas, on n’est pas périmés.
Parmi tous vos titres, lequel vous tient le plus à cœur ?Le morceau qui a fait vraiment le tour c’est «Demain c’est loin». C’est celui qui campe une sorte de photographie de la fin des années 90 de nos vies de nos quartiers, de la manière dont on grandit, de notre culture, des relations entre nous. Je dirais que c’est ce titre-là et par la suite, son miroir, «La fin de leur monde». Ces deux titres-là sont des morceaux importants pour le groupe. Pour leur signification et pour le côté performance aussi, car on arrive à les jouer sous des formes différentes.
Y a-t-il eu des moments où vous avez ressenti le besoin de mener une carrière chacun de votre côté ?Dans nos têtes, il n’y a jamais eu de carrière solo, il y a eu certains projets qu’on a voulu mener à bien, on fait tout au feeling, mais le groupe a toujours été le plus important. Après les carrières solos, ce n’est que du bonus, ça permet d’apporter au groupe plus d’expérience. Mais on n’a jamais pensé en terme de carrière, c’était des pauses et des respirations qui permettaient de prendre des pauses par rapport aux projets du groupe.
Vous qui êtes les pionniers du rap français, que pensez-vous de la scène rap aujourd’hui en France ?Nous, on est encore dedans donc pas trop de recul, mais aujourd’hui il y a suffisamment de diversité pour faire son choix et ne pas subir la musique. Aujourd’hui, on a les outils pour ne pas subir la musique et pour faire nos propres choix. On fait ce que beaucoup de médias devraient faire, on ne colporte pas, on ne s’y intéresse pas, on préfère parler du verre à moitié plein que du verre à moitié vide. Il y a des groupes très intéressants qui composent de belles choses, je pense que c’est aussi à eux de travailler pour être devant la scène. Beaucoup de gens s’intéressent aux choses négatives et comme pour tout, il faut arriver à se tourner vers les bons groupes et parler d’eux.
Vous qui avez toujours fait de la musique engagée, que pensez-vous de ce qui se passe actuellement en France et quel rôle pourraient jouer les artistes dans tout ça ?On a besoin de plus d’ouverture d’esprit en France. C’est vrai que les choses négatives sont systématiquement mises en avant et on a besoin de plus d’implication des artistes. Les artistes sont devenus très frileux depuis une quinzaine d’années parce qu’ils sont obsédés par le fait de plaire à tous les publics et de ratisser large. Nous, on n’a pas ce souci, car on réagit en tant que parents. On a des enfants et savoir qu’ils vont grandir dans un pays où le Front national fait 25%, je vais finir par voter avec les pieds, c’est à dire déménager. Ce qui est énervant après les élections, c’est de voir des gens qui justifient le vote Front national comme étant un vote contestataire. Or quand on écoute les micro-trottoirs, les gens se disent contre l’immigration. L’obsession c’est le racisme et la xénophobie, point à la ligne. On a besoin d‘artistes qui prennent position. Le drame de chez nous c’est que des chaines de TV diffusent en boucle des reportages sur l’insécurité, sur la violence, ils prennent le fait divers qui fait la quatrième page et ils le mettent en Une. Les gens finissent par avoir peur et même s’ils vivent en milieu rural et si tout va bien, ils sont capables de voter en faveur du Front national seulement parce qu’ils ont peur.