Spécial Marche verte

Comment refaire sa vie en endossant une étiquette de divorcé(e)

«Et ils vécurent heureux jusqu’à la fin des temps...»
Un discours digne des contes de fées qui ne colle décidément pas avec la société actuelle. En 2012, plus de 56 000 divorces ont été prononcés et nombreux sont ceux pour qui la «seconde chance» est la bonne.

Une femme divorcée «dérange» parce qu’elle est regardée comme rebelle à l’autorité masculine.

04 Février 2014 À 17:49

Le cliché de la jeune femme fraîchement divorcée, qui pleure les larmes de son corps parce que sa vie est fichue est à mettre aux oubliettes. En effet, aujourd’hui, hommes et femmes sont de plus en plus nombreux à ne plus considérer le divorce comme un drame insurmontable. Surtout dans les milieux urbains et financièrement aisés, où le mariage n’est plus un but dans la vie, mais plutôt une étape comme une autre. En cause notamment, les nouveautés de la réforme de la Moudawana, dont entre autres la possibilité pour la femme de demander le divorce.

Nouveau statut, nouvelle vie

Une fois leur divorce prononcé, les ex-époux vont devoir apprendre à vivre avec leur nouveau statut. Pour certains, la situation est plus facile que pour d’autres. Il ne faut pas se leurrer, il est bien plus difficile pour les femmes que pour les hommes de s’habituer à l’étiquette de «divorcé (e)». «Dans notre société, quand il y a divorce, c’est forcément à cause de la femme. Les gens pensent qu’elle n’a pas réussi à rendre son mari heureux, que ce n’est pas une bonne épouse ! “Peut-être, ne sait-elle pas faire la cuisine ? N’a-t-elle pas pu lui donner d’enfants ? Elle aura bien du mal à refaire sa vie, on ne se sépare pas d’une bonne épouse…”», lâche Siham, 37 ans, fraichement divorcée.

À ces femmes est alors attribué l’adjectif «meskina», comme si pour elles la vie était terminée. «Je suis loin d’être meskina ! D’ailleurs c’est moi qui ai demandé le divorce. C’est moi qui ai jeté mon mari et non l’inverse !», renchérit la jeune femme. Le problème va se poser lorsqu’elle voudra refaire sa vie. «Je ne suis plus vierge et cela dérange… À moins que je ne trouve un homme qui soit lui aussi divorcé, j’ai peur que l’on profite de moi», explique-t-elle. En effet, une femme divorcée effraie et dérange parce qu’elle est vue comme échappant à l’autorité masculine : c’est une rebelle, une vipère, une perverse, bref des femmes avec qui il est facile de «s’amuser» sans craindre de les dépuceler et d’être forcé de les épouser ensuite... Les hommes ne sont pas en reste. Les femmes ont tendance à les fuir, surtout quand leur divorce est récent. Elles se disent qu’un homme fraichement divorcé a déjà donné et qu’il n’est pas prêt à se réengager tout de suite. Le problème s’accentue lorsque ces hommes et femmes souhaitent refaire leur vie avec des enfants issus de leur première union.

«J’ai rencontré une femme à qui j’ai dit que j’avais déjà eu deux enfants. Je ne l’ai plus jamais revue», raconte Yassine 41 ans. Une situation quasi similaire pour les femmes à qui on attribue dans la majorité des cas la garde des enfants. «Premièrement, les hommes nous considèrent comme du matériel usagé : “quelqu’un est déjà passé par là”. Comme si nous n'étions plus “très fraîches” et que nous sommes devenues “périmées”. De plus, rares sont ceux qui vont aimer nos enfants comme si c’était les leurs et de là payer pour leur scolarité…»

Pour ou contre le remariage ?

Refaire sa vie est une chose, se remarier en est une autre. Les avis sur la question sont donc mitigés. Certains ne s’imaginent pas finir leur vie seul(e) et sans enfants. D’autres encore pensent ne pas avoir le choix. «Si je veux refaire ma vie, je vais être obligé de me marier même si je n’en ai pas envie. Pour vivre sous le même toit, c’est une obligation si l’on veut être en règle aux yeux de la loi puisque le Maroc ne reconnaît pas le concubinage», déclare Yassine. Cependant, certains et certaines se disent favorables à contourner la loi. «C’est parce que je n’ai connu mon mari qu’après notre union que je me suis rendu compte que nous n’étions pas compatibles. Pour comprendre, connaître et accepter l’autre, il faut d’abord vivre ensemble, sous le même toit, n’en déplaise à certains, c’est ma vie et je ne referais pas deux fois les mêmes bêtises. Si le mariage vient ensuite tant mieux, sinon tant pis», affirme Siham.

Les raisons du divorce

• Caractère : en réalité on ne découvre l’homme avec qui on va partager le reste de sa vie qu’une fois marié, qu’une fois «halal» et parfois cela débouche sur de très mauvaises surprises. • Insatisfaction sexuelle : même si c’est un droit, il y a 10 ans, peu de femmes osaient divorcer pour cette raison. Pourtant l’insatisfaction sexuelle a depuis toujours été mentionnée dans l’islam comme étant une cause légitime permettant aux femmes de demander le divorce.• La belle-famille : aujourd’hui, une belle-mère insupportable, des repas de famille obligatoires tous les dimanches sont des causes récurrentes de divorce. • Le partage du pouvoir : rares sont les hommes qui acceptent de partager l’autorité. Comme la femme travaille, elle demande généralement une répartition des tâches ménagères comme des frais et n’hésite pas à demander le divorce si son époux ne remplit pas sa part du contrat. Monsieur souhaite voir le match de foot au café du coin avec des amis ? Madame sortira alors avec ses copines. Exigez d’elle qu’elle reste à la maison et elle vous demandera le divorce. • Infidélité : messieurs, finis les écarts. La femme d’aujourd’hui ne tolère plus la moindre erreur de votre part. Et avec les réseaux sociaux, elle peut épier vos moindres faits et gestes et vous jeter parce qu’une «nénette» a publié un message tendre sur votre mur… 

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