Salon international de l'agriculture de Meknès

Coup de froid sur le commerce frontalier, malgré l'embellie au sommet

La Chine est devenue le principal partenaire de la Russie depuis que Moscou s'est tourné vers l'Est, à la recherche de marchés asiatiques pour compenser les sanctions occidentales sur l'Ukraine et la chute des prix du pétrole.

09 Juillet 2015 À 17:22

La chaleureuse relation qui unit les Présidents chinois et russe, Xi Jinping et Vladimir Poutine, qui se sont rencontrés jeudi pour la huitième fois en deux ans, n'y peut rien : à la frontière commune, récession russe oblige, les vents contraires soufflent fort.Sur le fleuve Amour qui sépare les deux pays, la ville chinoise de Heihe fait face à la russe, Blagoveshchensk, et aligne ses barres d'immeubles le long de la berge, alimentées en électricité par une centrale russe.Ici, le chaland venu du Nord est accueilli par des enseignes en cyrillique. Mais les commerçants souffrent, disent-ils, de la récession qui sévit en Russie.

La Chine est devenue son principal partenaire depuis que Moscou s'est tourné vers l'Est, à la recherche de marchés asiatiques pour compenser les sanctions occidentales sur l'Ukraine et la chute des prix du pétrole.Pékin a signé l'an dernier un mégacontrat de 400 milliards de dollars pour l'achat de gaz à la Russie. Et Moscou est devenu en mai le premier fournisseur de pétrole de la Chine.Les travaux d'un gazoduc long de 4.000 kilomètres, reliant la Sibérie à Shanghai via Heihe, ont démarré la semaine dernière. Un projet qui n'a pu voir le jour, selon le Premier ministre russe Dmitri Medvedev, que grâce à «un niveau de coopération véritablement stratégique extrêmement élevé» entre les deux puissances voisines et anciennement rivales.

Rivaux d'hier, négociants d'aujourd'hui

Au bord de l'Amour – le Heilongjiang en chinois, ou «fleuve du Dragon noir» –, la tension à la fin des années 1960 entre les deux géants communistes était telle que leurs armées se sont brièvement affrontées, faisant des dizaines de morts. Aujourd'hui, les Russes peuvent se rendre à Heihe sans visa pour y faire du négoce, en bateau ou à pied, l'hiver, quand le fleuve gèle. Installé sur une île, un centre commercial de 30.000 m² vend des marchandises de toute sorte, des ordinateurs aux ceintures, tous détaxés.

Mais «si vous ne parlez pas russe, personne ne vous achètera vos fourrures», prévient – en russe – Wang Jianxin devant ses rangées de manteaux de vison, fabriqués côté chinois. Le weekend, les Russes ne sont pourtant plus qu'une poignée à franchir la frontière et déambuler dans le centre commercial : le rouble a perdu près de la moitié de sa valeur en un an, tandis que le PIB russe reculait de 2,2% au premier trimestre.«Je rêve tous les jours que le taux de change s'améliore, glisse Wang. Aujourd'hui, avec 1.000 roubles, vous n'avez rien. Alors les gens ne viennent plus».Au défilé militaire de la victoire de 1945 à Moscou en mai, le président Xi Jinping était invité d'honneur. Et le même mois, les flottes des deux pays se livraient à des manoeuvres communes inédites en Méditerranée.Les deux présidents se sont rencontrés mercredi dans la ville russe d'Oufa, pour un sommet des «émergents» suivi, jeudi et vendredi, d'un autre sur l'Asie centrale.

«Poutine, l'homme idéal»

Vladimir Poutine compte parmi les dirigeants populaires en Chine, fort de son image virile et de sa volonté de tenir tête à Washington, à l'origine d'une petite activité éditoriale à la gloire du maître du Kremlin. La librairie Pouchkine de Heihe propose ainsi un ouvrage intitulé «Poutine, l'homme idéal aux yeux des femmes», mis en exergue dans un cadre en cuivre.

«Depuis que Poutine est au pouvoir, la Chine et la Russie se sont rapprochées. Mais la crise en Ukraine a accéléré les choses», observe Yang Cheng, vice-directeur du Centre d'études russes de l'École normale de Chine orientale.Les Présidents des deux pays sont réputés partager des vues proches sur les droits de l'homme et une même défiance à l'égard des États-Unis.

Et «les relations Chine-Russie sont les meilleures qu'on ait connues depuis longtemps», abonde Ji Zhiye, vice-président de l'Institut chinois des relations internationales contemporaines.«Avec beaucoup de points en commun s'agissant des vues politiques globales», souligne-t-il. Mais la Russie n'était que le neuvième partenaire de la Chine l'an dernier, tandis que la croissance chinoise inquiète «une bonne partie de l'élite russe», selon Alexander Gabuev, du Carnegie Center de Moscou.En attendant, salle vide un vendredi soir au plus populaire restaurant russe de Heihe, l'Amour. Dans un autre, la serveuse, en apportant un bortch, mime un torrent de larmes quand on lui demande comment vont les affaires. 

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