05 Février 2015 À 18:02
Le plan du Président américain, qui prévoit 478 milliards de dollars d'investissements en six ans dans les infrastructures, fait écho à celui du président de la Commission européenne, qui entend mobiliser 315 milliards d'euros en trois ans.
Avec une croissance mondiale qui ralentit, en particulier en Chine, «c'est le bon moment pour donner un coup d'accélérateur sur les infrastructures», comme l'affirmait dès septembre le FMI. Le conseil vaut autant pour une Europe empêtrée dans une croissance molle que pour des États-Unis en pleine reprise. Les Américains ont, en effet, grand besoin de moderniser leurs réseaux de transports vieillissants : un tiers des routes est «en mauvais état» et un pont sur neuf est «défectueux», selon la Société américaine de génie civil. De même, le train à grande vitesse reliant Boston à Washington est en retard une fois sur trois.Le constat n'est pas nouveau et M. Obama n'en est pas à sa première proposition sur le sujet. L'an dernier, son précédent plan de 300 milliards sur quatre ans avait reçu l'approbation d'une partie des républicains et «il est probable que le montant final sera proche de ce nombre», prédit Terry Haines, analyste pour la banque américaine Evercore.
«C'est parfait sur le papier», juge Olivier Passet, directeur des synthèses économiques chez Xerfi, plus dubitatif sur la capacité du Président américain à imposer pareilles dépenses à un Congrès contrôlé par l'opposition.Même s'il y parvenait, l'impôt «exceptionnel» sur les bénéfices mondiaux des entreprises américaines, censé financer ce plan, n'aurait pas d'incidence sur l'investissement ou l'activité aux États-Unis, pressent James Henry, de l'ONG Tax Justice Network, qui rappelle qu'une taxe similaire prélevée en 2004 «n'a pas créé le moindre emploi».
En Europe, le futur Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) - dans les transports, mais aussi l'énergie, le numérique, l'éducation, la recherche et l'innovation - souffre plutôt d'une «dimension insuffisante» et d'un «effet de levier pas crédible», poursuit M. Passet.La Commission espère, en effet, multiplier par 15 les 21 milliards d'euros de garanties publiques provenant du budget de l'Union européenne et de la Banque européenne d'investissement (BEI) en attirant les investisseurs privés, mais «aucun ne veut supporter le risque», souligne Éric Heyer, de l'Observatoire français des conjonctures économiques.
Jean-Claude Juncker, qui a reconnu avoir «besoin d'argent sonnant et trébuchant», espère convaincre les États européens de mettre la main à la poche, quitte à ne pas prendre en compte leur contribution au FEIS dans le calcul des dettes publiques et des déficits budgétaires. Cette brèche dans l'orthodoxie budgétaire défendue jusqu'à présent par Bruxelles est «un signal plus important que le plan lui-même», analyse M. Passet. «Il faut que les États amorcent la pompe à investir. C'est la dernière arme qu'il leur reste», ajoute-t-il.Le programme de rachat de dettes («assouplissement quantitatif») annoncé fin janvier par la Banque centrale européenne - 1.140 milliards d'euros de mars 2015 à septembre 2016» - «ne permet pas de sortir du cercle vicieux», déplore-t-il. «On a beau mettre des tonnes de liquidités et avoir des taux bas, sans perspectives de croissance, les entreprises ne mordent pas à l'hameçon».
En France, la Fédération nationale des travaux publics a indiqué en décembre s'attendre à une baisse d'activité de 8%, après un repli de 5% en 2014, «année de la plongée dans la dépression». La baisse programmée des dotations aux collectivités locales - 11 milliards d'euros entre 2015 et 2017 - risque d'accentuer le marasme du secteur.
Alors que le besoin d'investissement est «urgent» en Europe, la Commission doit décider «où et dans quelle logique» orienter le FEIS, selon M. Heyer.La dépense pourra soit combler les lacunes des pays «en retard d'infrastructures» comme l'Allemagne, soit favoriser une «relance keynésienne» dans les pays «en retard de cycle économique» comme la Grèce, le Portugal et l'Italie, résume-t-il.