04 Février 2015 À 18:16
Le Maroc a consenti, depuis les années 2000, de grands efforts de mise à niveau et de modernisation de ses infrastructures, et particulièrement celles liées au transport. Le réseau autoroutier a, ainsi, connu une extension considérable et le contrat programme aérien a permis d’étendre et de renouveler les aéroports du Royaume, tout en négociant dans des conditions satisfaisantes «l’Open sky». Par ailleurs, la construction du port Tanger Med I et II a bouleversé le trafic maritime dans la Méditerranée et a consacré le Maroc comme une puissance avec laquelle il faut compter dans le domaine. Nous regrettons, toutefois, qu’il n’y ait pas de projet de véritable intégration du secteur, notamment en amont, et que les activités de commerce international des entreprises marocaines restent en deçà des capacités réalisées et des potentialités existantes : proximité avec l’Europe, porte d’entrée vers l’Afrique et importants accords de libre-échange.
En revanche, là où le Maroc accuse un retard tant incompréhensible qu’injustifié, c’est au niveau de son réseau ferroviaire qui n’a presque pas connu d’extension depuis le siècle dernier. L’attention, les efforts et, naturellement, les budgets sont allés davantage vers le réseau autoroutier et des investissements qualitatifs dans le ferroviaire, notamment dans l’aménagement et l’embellissement des gares. Or, à l’heure où le Maroc vise des taux de croissance du PIB d’au moins 7% par an sur une longue période, en vue d’opérer son décollage économique, il est plus que nécessaire qu’il le fasse en s’appuyant, outre les plans sectoriels, les réformes structurelles de compétitivité et les projets d’infrastructures déjà entamées, sur un large programme d’extension de son réseau des chemins de fer.
Les effets d’une telle politique sur la relance économique sont, en effet, considérables, si toutefois quelques conditions sont réunies. Tout d’abord, ce grand programme ne doit en aucun cas servir à financer la balance de paiement des pays fournisseurs. Ce serait, en effet, le cas, si, à l’instar d’autres grands projets, on le sous-traitait intégralement à l’étranger. La relance par la dépense publique et les gros travaux d’infrastructure ne produit pleinement ses effets que si le décideur public intègre cette contrainte. Il faut que ce développement infrastructurel soit mené en grande partie par des entreprises locales. Même si le coût de réalisation est plus élevé dans un premier temps, il finira, courbe d’expérience aidant, par rejoindre la moyenne des pays performants ; et qu’il exerce des effets d’entrainement dont profiteront les entreprises des secteurs en amont et aval. Une fois que ces entreprises auraient atteint la taille critique, elles pourraient, à l’instar des banques, des assurances et des télécoms, exporter leur savoir-faire. Les infrastructures ne sont, dans ce cas, pas une fin en soi, mais une étape d’apprentissage et de préparation des entreprises marocaines, dans le cadre une vision intégrée que nous devons développer. La dernière condition est de réaliser ce programme dans une logique visant à réduire les coûts de production et donc à améliorer la compétitivité des entreprises, d’une part, et à désenclaver les zones visées et intégrer leurs populations au processus de développement, de l’autre. Cette politique a d’autant plus de sens que le Maroc s’est engagé dans la voie de la régionalisation avancée et a consacré d’importants budgets pour le développement de ses provinces du Sud.
Si la dépense publique nécessaire à ce programme est de nature à donner le stimulus dont a besoin l’économie marocaine, immédiatement, pour atteindre des taux de croissance la mettant sur les rails de l’émergence, son intégration dans une vision globale correspondra, à plus long terme, à une volonté de soutenir la compétitivité des entreprises locales (qui en auraient grandement besoin dans le cadre du plan d’émergence industrielle) ; et d’intégrer le maximum de Marocains au process de développement. En revanche, si ce plan est sous traité à l’étranger (comme c’est le cas pour les projets actuels), ses effets, bien que bénéfiques, ne produiront pas l’électrochoc escompté. Nous aurons certes la croissance à long terme que nous cherchons, mais à court terme, l’essentiel du stimulus ira aux pays fournisseurs qui bénéficieront de la relance que nous aurons déclenchée.
Quant au financement d’un tel investissement (dont les coûts sont estimés, en fonction de la nature du site, entre 8 et 66 millions d’euros par kilomètre de lignes pour TGV), le Maroc pourra toujours utiliser ses capacités d’endettement et sa bonne cote auprès des marchés financiers. Par ailleurs, les réformes structurelles réalisées par le gouvernement actuel (compensation, fiscalité, rationalisation des dépenses budgétaires) sont de nature à dégager des revenus pouvant financer une partie du programme.L’un des critères d’investissement les plus couramment utilisés pour classer les pays est la qualité de leurs infrastructures. Celle-ci est réduite, entre autres, à l’intégration de ses territoires et la qualité de son maillage géographique. Elle exerce un double effet sur l’économie. Elle soutient la compétitivité de ses entreprises et facilite la cohésion nationale, car elle permet à toutes ses régions un accès équitable au développement. Les réseaux ferroviaires sont un élément clé de cette intégration. Alors qu’attendons-nous ?