19 Février 2015 À 19:30
L’Afrique devient, ces dernières années, de plus en plus attractive en raison de ses ressources naturelles et humaines ainsi que des réformes institutionnelles introduites au nom de la «bonne gouvernance». De surcroit, avec le déplacement du centre de gravité de la croissance mondiale en faveur des pays émergents, le continent redevient un enjeu stratégique aussi bien pour les pays émergents que pour les anciennes puissances. D’où l’importance graduelle accordée à de nouvelles formes de partenariat se démarquant des schémas classiques basés sur les «conditionnalités», le cantonnement des pays africains au statut de pays exportateurs de matières premières à l’état brut et des mécanismes externes de financement (aide publique au développement, endettement à des taux d’intérêt volatiles) favorisant l’exportation en Afrique de modèles de développement inadaptés aux réalités africaines.
Conscient de son enracinement historique en Afrique, le Maroc a fait, durant les deux dernières décennies, de cette coopération Sud-Sud une des priorités de sa politique étrangère. Le discours prononcé par le Roi du Maroc lors de sa dernière visite en Côte d’Ivoire : «… la coopération, hier basée sur la relation de confiance et les liens historiques, est, aujourd’hui, de plus en plus fondée sur l’efficacité, la performance et la crédibilité…», témoigne éloquemment de la volonté de ce pays d’instaurer des relations marquées par le sceau du pragmatisme et de l’efficacité économique.
C’est dans cette perspective que la multiplication des visites royales en Afrique subsaharienne réaffirme l’engagement du Maroc à œuvrer de concert avec tous les pays du continent en faveur de la solidarité africaine, de la croissance partagée et du développement humain et du maintien de la paix et de la sécurité en Afrique. En effet, la coopération entre le Maroc et les autres pays africains revêt, désormais, un caractère multidimensionnel. Eu égard au volet économique et financier, il est opportun de souligner que les années 2000 ont constitué un tournant majeur dans le cadre des relations du Maroc avec les autres pays africains. Effectivement, nous avons assisté au cours de cette période à la montée graduelle des investissements directs à l’étranger (IDE) des opérateurs économiques marocains aussi bien publics que privés dans le continent, ainsi qu’à l’évolution des échanges commerciaux. Ainsi, entre 2000 et 2013, le stock des IDE marocains en Afrique se chiffre à 16 milliards de DH, soit une évolution de l’ordre de 200% des investissements marocains en Afrique. Dans ce stock, le Mali, le Gabon, le Sénégal et la Côte d’Ivoire absorbent respectivement 34, 15, 14 et 13%. Il convient de souligner que dans le total des IDE marocains, l’Afrique accapare plus de 85%.
C’est dire l’importance qu’accordent les entreprises marocaines au continent. Ces investissements portent sur des secteurs stratégiques pour le développement des pays partenaires, à savoir les télécommunications, la banque, les assurances, le logement, le BTP, l’agriculture, les industries pharmaceutiques, l’extraction minière, etc. Ils revêtent un caractère stratégique de par l’importance qu’ils accordent à la transformation sur place des ressources naturelles et la mise en place des unités industrielles pour la fabrication de certains produits de consommation intermédiaire sans avoir à les importer. Deux cas de figure traduisent largement la vitalité de ces investissements. Il s’agit du projet de mise en place d’une unité industrielle en vue de la fabrication des engrais par le biais de la combinaison des ressources naturelles du Maroc (phosphate) et du Gabon (gaz). Un projet qui ambitionne de jouer un rôle capital dans la sécurité alimentaire en Afrique par le biais de l’exportation d'engrais adaptés à la qualité des sols africains. Un deuxième exemple est celui de la mise en place d’une cimenterie en vue de la fabrication du ciment indispensable au renforcement des infrastructures en Côte d’Ivoire. S’agissant des relations commerciales, nous avons assisté, pendant les dernières années à une évolution considérable des échanges commerciaux entre le Maroc et les pays de l’Afrique subsaharienne.
En effet, le volume des échanges est passé de 8 milliards de DH en 1998 à 36 milliards en 2011, soit une augmentation de l’ordre de 300%. Ce qui représente une évolution annuelle équivalant à 13%. L’étude approfondie de la structure des exportations marocaines montre une tendance à leur diversification et la montée en puissance des produits à forte valeur ajoutée, à l’instar des équipements industriels, matériel de transport agricole, câbles électriques et les produits pharmaceutiques ainsi que les engrais. Malgré cette évolution, les échanges commerciaux entre le Maroc et les pays de l’Afrique subsaharienne restent largement en deçà du potentiel des échanges offert par les pays du continent. D’où l’importance de redoubler d’efforts en matière de promotion des exportations marocaines et de lutte contre les obstacles entravant le commerce entre le Maroc et les autres pays africains.
Au-delà de l’aspect financier et commercial, la contribution du Maroc à la coopération Sud-Sud se manifeste également dans le soutien technique qu’apporte le Royaume aux pays africains. À cet égard, sur les 92 accords et conventions signés avec le Mali, la Guinée-Conakry, la Côte d’Ivoire et le Gabon, lors de la dernière tournée royale en Afrique subsaharienne, pratiquement 90% portent sur la coopération technique. Ainsi, le Maroc joue un rôle édifiant dans la formation des ressources humaines africaines par le biais de la formation initiale et continue. Aussi, par le biais d’échange d’expériences avec certains pays désirant tirer profit de l’expérience marocaine en matière d’agriculture, de développement humain et d’assistance en matière d’ingénierie financière. Certains dirigeants africains présents lors de la septième édition du Salon international de l’agriculture à Meknès n’ont pas hésité à annoncer que le Plan Maroc vert constituait un exemple de réussite en matière d’agriculture qui devrait inspirer nombre de pays africains.Plus encore, l’opération de régularisation des migrants subsahariens résidant d’une manière illégale au Maroc est un jalon supplémentaire qui vient réaffirmer la volonté du pays de rendre cette coopération Sud-Sud solidaire, efficace et agissante.
Toutes ces considérations font du Maroc un partenaire incontournable dans le processus de développement socio-économique ainsi que celui de prévention et de gestion des situations de crise sur la scène africaine. Dans ce sillage, le Maroc mobilise les outils de la coopération tripartite en vue de trouver des financements bilatéraux et multilatéraux afin de faire bénéficier les pays africains du savoir-faire marocain et du transfert de technologie vers les pays qui en ont besoin dans le cadre de leurs projets de développement. Le Maroc est engagé avec certains pays, à l’instar de la France, le Japon, la Chine, les pays du Golfe et d’autres institutions comme l’Union européenne ainsi que des agences de développement (PNUD, etc.) dans la mise en œuvre des projets de développement dans les pays africains. De même, le pays sous l’égide de l’ONU joue un rôle fondamental dans la consolidation de la paix en Afrique à travers l’envoi des contingents militaires (Congo, RDC, Côte d’Ivoire, Mali et Centrafrique). Ce qui est la preuve du rôle primordial que joue le Maroc dans le renforcement de la coopération Sud-Sud et de la coopération Nord-Sud.
Cela vaut au Maroc une reconnaissance africaine et internationale pour les efforts déployés dans la réussite de la coopération Sud-Sud. Preuve en est l’accueil par le Maroc du Forum africain pour le développement organisé par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), tenu pour la première fois hors d’Addis-Abiba. Aussi, le choix du Maroc parmi 9 pays africains pour domicilier le Fonds Africa 50 de la Banque africaine de développement (BAD) est une autre illustration de la reconnaissance de sa crédibilité dans son investissement pour le développement des pays africains.
Cette consécration ne serait-elle pas le reflet d’une «Afrique qui commence à faire confiance à l’Afrique» ? Pour reprendre le discours d’Abidjan du Roi du Maroc. Dit autrement, le Maroc, absent de l’Union Africaine, ne s’est jamais éloigné de son continent africain. Cela sans oublier le soutien apporté par le Maroc aux pays de l’Afrique de l’Ouest confrontés à la crise sanitaire due au virus Ebola. En effet, quand les trois pays d’Afrique de l’Ouest frappés de plein fouet par l’épidémie d’Ebola se retrouvent de plus en plus isolés en raison de la suspension des vols programmés par les compagnies aériennes, Royal Aire Maroc fait partie des rares compagnies à maintenir ses plans de vol habituels vers Conakry, Monrovia et Freetown.