Conférence Internationale Du Sucre

Les consensus internationaux, une évolution de la vision du développement

30 Avril 2015 À 20:11

Si les deux grandes guerres (la première et la seconde) ont marqué un changement certain dans l’histoire du monde, les années 80 marquent incontestablement un changement dans l’histoire de l’économie des pays en développement. 

Les années 80 sont en effet le symbole de la crise de la dette, des échecs des politiques de développement, mais aussi et surtout de l’arrivée des consensus. Ces réunions de pays développés et d’institutions internationales qui sont censées apporter la bonne parole. Mais pour quels résultats ?Par définition, le consensus désigne un accord de volonté sans aucune opposition formelle. Ainsi, le consensus caractérise l’existence parmi les membres d’un groupe d’un accord général (tacite ou manifeste), positif et unanime pouvant permettre de prendre une décision ou d’agir ensemble sans vote préalable ou délibération particulière.

Du point de vue économique, le consensus désigne une doctrine émise par certains pays ou groupes de pays et d’institutions, généralement développés, sur la manière dont d’autres pays, généralement en développement, devraient se développer. La notion de consensus en matière économique a pris toute son importance dans les années 80 avec la crise de la dette. L’échec manifeste des pays en développement a, pour ainsi dire, obligé les pays développés à leur montrer la voie à suivre. L’histoire est marquée par trois grands consensus.

Le consensus de Washington

Historiquement, le consensus de Washington a été le premier à voir le jour. Il se définit comme un ensemble de mesures standard appliquées aux économies en difficulté par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, pour les aider à résorber leurs dettes. Concrètement, le consensus de Washington s’appuie sur dix propositions :• La discipline budgétaire stricte.• La réorientation des dépenses publiques vers des secteurs à fort retour économique sur investissement et la possibilité de diminuer les inégalités des revenus (soins médicaux de base, éducation, infrastructures).• La réforme fiscale.• La libéralisation des taux d’intérêt.• Un taux de change unique et compétitif.• La libéralisation du commerce extérieur.• L’élimination des barrières aux investissements directs étrangers.• La privatisation des monopoles publics et autres sociétés.• La dérèglementation des marchés avec l’abolition des barrières d’entrée et de sortie.• La protection de la propriété privée, dont la propriété intellectuelle.Le consensus de Washington a été suivi à la lettre par les pays en développement, car il était la condition à satisfaire avant de recevoir les aides. Et il faut reconnaître qu’il a eu de bons côtés à l’image des privatisations qui ont permis de réorienter plus efficacement les ressources de l’État dans certains pays. Toutefois, le libéralisme extrême prôné par le consensus a fragilisé les systèmes sociaux et surtout, en retirant l’État du jeu économique, il a laissé place à de nombreuses dérives. Ainsi, face à la crise économique en cours depuis 2007, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer le retour d’un État plus fort, ce qui d’une certaine manière invalide les thèses du consensus de Washington comme le font d’ailleurs d’autres consensus.

Les années 80 sont en effet le symbole de la crise de la dette, des échecs des politiques de développement, mais aussi et surtout de l’arrivée des consensus. Ces réunions de pays développés et d’institutions internationales qui sont censées apporter la bonne parole. Mais pour quels résultats ?Par définition, le consensus désigne un accord de volonté sans aucune opposition formelle. Ainsi, le consensus caractérise l’existence parmi les membres d’un groupe d’un accord général (tacite ou manifeste), positif et unanime pouvant permettre de prendre une décision ou d’agir ensemble sans vote préalable ou délibération particulière.Du point de vue économique, le consensus désigne une doctrine émise par certains pays ou groupes de pays et d’institutions, généralement développés, sur la manière dont d’autres pays, généralement en développement, devraient se développer. La notion de consensus en matière économique a pris toute son importance dans les années 80 avec la crise de la dette. L’échec manifeste des pays en développement a, pour ainsi dire, obligé les pays développés à leur montrer la voie à suivre. L’histoire est marquée par trois grands consensus.

Le consensus de Washington

Historiquement, le consensus de Washington a été le premier à voir le jour. Il se définit comme un ensemble de mesures standard appliquées aux économies en difficulté par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, pour les aider à résorber leurs dettes. Concrètement, le consensus de Washington s’appuie sur dix propositions :• La discipline budgétaire stricte.• La réorientation des dépenses publiques vers des secteurs à fort retour économique sur investissement et la possibilité de diminuer les inégalités des revenus (soins médicaux de base, éducation, infrastructures).• La réforme fiscale.• La libéralisation des taux d’intérêt.• Un taux de change unique et compétitif.• La libéralisation du commerce extérieur.• L’élimination des barrières aux investissements directs étrangers.• La privatisation des monopoles publics et autres sociétés.• La dérèglementation des marchés avec l’abolition des barrières d’entrée et de sortie.• La protection de la propriété privée, dont la propriété intellectuelle.Le consensus de Washington a été suivi à la lettre par les pays en développement, car il était la condition à satisfaire avant de recevoir les aides. Et il faut reconnaître qu’il a eu de bons côtés à l’image des privatisations qui ont permis de réorienter plus efficacement les ressources de l’État dans certains pays. Toutefois, le libéralisme extrême prôné par le consensus a fragilisé les systèmes sociaux et surtout, en retirant l’État du jeu économique, il a laissé place à de nombreuses dérives. Ainsi, face à la crise économique en cours depuis 2007, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer le retour d’un État plus fort, ce qui d’une certaine manière invalide les thèses du consensus de Washington comme le font d’ailleurs d’autres consensus.

Le consensus de Pékin

Considérée comme un pays émergent depuis quelques années, la Chine sort à peine des affres du sous-développement et est donc relativement bien placée pour en connaître les rouages. C’est certainement ce qui lui a permis de forger sa propre vision du développement, matérialisée par le consensus de Pékin. Ici pas d’ingérence ou de contraintes, mais plutôt une politique d’amitié et de respect mutuel. Concrètement, le modèle chinois s’appuie sur des échanges : d’un côté des matières premières pour les pays en développement, principalement africains, et de l’autre l’octroi de prêts et la construction d’infrastructures à bas coûts pour le régime chinois. En référence à sa propre histoire, la Chine insiste sur l’importance majeure des infrastructures dans le développement : celles-ci sont considérées comme le premier pas avant les réformes et la croissance économique, qui elles-mêmes précèdent les réformes sociales et les droits civiques. Cette approche qui crée une rupture par rapport aux exigences de gouvernance strictes des modèles occidentaux, mais qui est surtout très conciliante avec la corruption, séduit davantage les pays africains. Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à faire appel à la Chine, car comme le résume Abdoulaye Wade, ancien Président du Sénégal, «Les contrats qui prennent 5 ans à être signés avec la Banque mondiale prennent 3 mois avec les autorités chinoises ; la Chine s’étant battue pour se moderniser a un sens beaucoup plus grand des besoins de développement de l’Afrique, et est plus adaptée au commerce africain que les Occidentaux». Un avis qui n’est pas forcément partagé par tous.

Le consensus de Monterrey

Mis en place en 2002 par des représentants des pays du Nord et du Sud, le consensus de Monterrey marque une certaine rupture dans la définition du développement. Il est ainsi le premier à rassembler les pays développés et en développement, mais il est surtout le premier à insister sur une intervention efficace de l’État (avec des mesures comme l’adoption de politiques macroéconomiques rationnelles et le réaménagement des dépenses publiques) et sur une plus grande implication du secteur privé dans le développement (avec notamment la facilitation de l’accès des petites et moyennes entreprises au financement local et l’intégration du secteur informel dans le secteur formel).Tout comme les années 60 ont apporté leur lot de théories sur le développement, les deux dernières décennies sont porteuses de consensus. Ces derniers sont censés montrer la voie du développement, mais sans grand succès pour l’instant.


Un consensus est-il nécessaire en matière de développement ?

Si le fait de vouloir trouver des solutions pour faciliter le développement d’autres pays semble partir d’une bonne intention, on peut s’interroger sur la pertinence des consensus. En effet, pour ceux qui sont mis en pratique, ils ressemblent davantage à des décisions unilatérales de pays développés qu’à des accords multilatéraux. Quant aux pays en développement, on les voit rarement exprimer leurs opinions, mis à part au cours du processus de Monterrey. Par ailleurs, étant donné que les pays sont assez différents entre eux (ressources, culture, population, valeurs…), il n’est pas évident que des modèles standard de développement puissent rencontrer le même succès. Et l’histoire récente des pays émergents nous prouve bien que le développement doit être adapté au contexte local et se baser sur les ressources locales.


Le consensus de Washington et ses effets pervers

Le consensus de Washington, du nom de la ville où siègent la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, a mis en place des mécanismes durant les années 80 pour résoudre la crise de la dette. Avec leurs plans d’ajustement structurels (PAS) appliqués à tour de bras, les institutions de Bretton Woods espéraient amorcer le développement dans les pays visés. Toutefois, la croissance n’a pas été au rendez-vous dans la majorité des cas. Au contraire, les PAS ont renforcé la précarité des populations et ont étranglé l’économie locale avec la libéralisation.


Le consensus de Pékin et ses faces cachées

La Chine n’a jamais caché son amour pour ses propres intérêts, ce qui est compréhensible. Et si le consensus de Pékin permet aux pays africains de renforcer leurs infrastructures, il est aussi vrai qu’il fait le lit de la corruption en accordant des prêts sans conditions. Au final, ce ne sont pas les populations africaines qui gagnent, mais plutôt quelques dirigeants. Et comme dans le cas du consensus de Washington, le consensus de Pékin ne permet pas encore le développement.


Le consensus de Monterrey et ses idéaux

À la différence des deux premiers, le consensus de Monterrey est réellement un consensus. En effet, il n’est pas seulement une initiative des pays développés, mais un accord entre les pays développés et les pays en développement. Toutefois, il reste assez théorique et ne dispose pas des outils nécessaires pour mettre en pratique ses décisions. Son succès reste lié à la bonne volonté des États participants, ce qui n’est pas le cas des deux premiers.

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Bouchra Rahmouni Benhida

Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages?: «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée?», Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

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