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Plus de 820 pensionnaires du sanctuaire Bouya Omar bénéficieront d’une prise en charge médico-psychiatrique

Gardés depuis des années dans des conditions inhumaines, les pensionnaires du fameux sanctuaire de Bouya Omar seront enfin pris en charge médicalement dans les services psychiatriques des hôpitaux proches de leur domicile familial. Le ministre de la Santé vient de donner hier le coup d’envoi officiel de l’opération «Al Karama». Quelque 300 patients sur 822 sont déjà pris en charge.

Pour réussir cette opération, d’importants moyens ont été mobilisés par le ministère de la Santé. Ph. AFP

15 Juin 2015 À 21:22

Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Enfin, les pensionnaires du sanctuaire de Bouya Omar vont retrouver leur dignité. Après des années de tergiversations, le gouvernement a décidé d’agir en lançant «l’Initiative Al Karama en santé mentale» à laquelle le ministre de la Santé El Hossein El Ouardi a donné, hier, le coup d’envoi officiel. Une véritable bouée de sauvetage pour les 822 patients qui sont gardés depuis des années dans des conditions inhumaines à l’intérieur de ce mausolée tristement célèbre. 300 d’entre eux ont déjà été transférés aux services psychiatriques des hôpitaux proches de leurs domiciles familiaux pour une prise en charge tant thérapeutique que sociale gratuite jusqu'à ce que leur état de santé se stabilise et qu'ils puissent réintégrer leur milieu social s'ils le souhaitent.

Pour réussir cette opération, d’importants moyens ont été mobilisés par le ministère de la Santé. Il s’agit notamment de l'augmentation de la capacité d'accueil des hôpitaux psychiatriques, la création de nouveaux services hospitaliers intégrés, le recrutement de 34 médecins et de 122 infirmiers spécialisés en psychiatrie, selon le ministre. La décision de la prise en charge médicale des patients de Bouaya Omar intervient suite aux résultats accablants de l’étude menée, entre août et décembre 2014, par le ministère de la Santé, en partenariat avec les départements des Habous et des affaires islamiques et de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, ainsi que le Conseil national des droits de l’Homme et l’Association marocaine de la citoyenneté et des droits de l’Homme.

Supervisée par 20 psychiatres, cette enquête a confirmé les constats sur les pratiques inhumaines à Bouya Omar qui étaient dénoncées à cor et à cri par les médias et les militants associatifs depuis de longues années. Le gouvernement ne pouvait rester de marbre devant les conclusions alarmantes de cette étude. Aujourd’hui, le ministre de la Santé s’engage à remédier à cette situation et agir en vue de garantir aux patients des conditions de soin qui respectent leur dignité. D'ores et déjà, quelques projets ont été lancés. Trois hôpitaux régionaux dédiés à la santé psychique et mentale sont en cours de construction à Agadir, Kénitra et Kelaat Sraghna. L’Hôpital psychiatrique de Berrechid est en cours de réaménagement. Quatre centres de médecine psychique et mentale seront intégrés dans les hôpitaux publics de Khénifra, Khouribga, El Jadida et Azilal. Quelque 80 psychiatres sont en cours de formation. 


Questions à El Hossein El Ouardi, ministre de la Santé

«Nous avons rencontré beaucoup de résistances de la part des familles»

Pourquoi une telle initiative a-t-elle tardé à voir le jour ?Je ne peux parler que de l’actuel gouvernement. Nous avons mis deux ans à préparer cette initiative. Nous avons élaboré un plan d’action national de prise en charge des maladies mentales et psychiatriques que j’ai présenté à Sa Majesté le Roi à Oujda en juin 2013. Depuis lors, il fallait passer à la deuxième étape de la mise en œuvre qui a pris du retard. Il fallait augmenter la capacité d’accueil des infrastructures existantes et également construire et équiper d’autres unités de prise en charge des maladies psychiatriques, comme celles de Chefcahouen, la région de l’Oriental, Tiznit, Rabat, Marrakech... Jusqu’à l’année dernière, le Maroc ne disposait que de 2.400 lits. Il fallait aussi préparer les ressources humaines. En 2014, nous n’avions que 196 médecins psychiatres englobant le secteur public et privé et 400 infirmiers spécialisés. Nous avons augmenté ces ressources de plus de 100 médecins et plus de 53 infirmiers. Rien que pour cette initiative, nous venons de recruter, il y a une semaine, 34 médecins psychiatres et 122 infirmiers. Nous avons débloqué un budget de 40 millions de DH pour acheter les psychotropes de deuxième et troisième génération. Maintenant, on est en phase d’application de cette initiative.

Bouya Omar est le moteur économique local, comme le souligne l’étude que vous avez menée. Votre initiative n’a-t-elle pas rencontré des résistances ?Nous avons rencontré beaucoup de résistances de la part des familles, d’abord. Les proches étaient réticents, car ils avaient peur que les malades soient pris en charge pendant quelques jours seulement avant de les relâcher dans la nature comme on le faisait avant, faute de structures d’accueil et de médecins en nombre suffisant. Je me suis engagé devant les familles pour qu’aucun malade ne sorte de l’hôpital qu’à la demande de ses proches. Progressivement, les familles vont comprendre que la maladie mentale est guérissable. Concernant les intermédiaires qui travaillent actuellement au sanctuaire, ils seront réhabilités et intégrés dans la prise en charge des patients sur le plan social. Nous avons préparé un plan avec les autorités locales, le ministère de l’Intérieur et les différents partenaires.

Quand prévoyez-vous de prendre tous les patients de Bouaya Omar en charge ?Ils seront tous pris en charge d’ici quelques jours. Il faut les libérer de cette prison. Plus de 70% d’entre eux ne reçoivent aucun traitement. Ils sont dénutris et les signes de maltraitance sont apparents sur leurs visages et leurs corps. Cette situation doit cesser.

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