Spécial Marche verte

Profession : dentiste ambulant

Depuis quelques années, un nombre croissant de dentistes ambulants d'origine syrienne affluent au Maroc. Ces derniers exercent cette profession de façon illégale mettant en péril la santé des citoyens.

Les praticiens ambulants interviennent sur les patients au mépris des règles d'hygiènes.

12 Mai 2015 À 16:45

L'exercice illégal de la médecine dentaire est un grave problème de santé publique qui existe depuis de nombreuses années au Maroc. «Sanii asnane», «hajjam», arracheur de dents dans les souks hebdomadaires…, ces praticiens exercent des actes dentaires sans aucune formation médicale ou professionnelle, exposant leurs patients à de graves complications. Aujourd’hui, une nouvelle catégorie s’ajoute à cette liste de praticiens illégaux. Il s’agit des «dentistes ambulants».

Généralement d’origine syrienne, ces praticiens, qui sont de plus en plus nombreux dans les différentes villes du Royaume (essentiellement dans les villes frontalières telles que Nador, Tanger et Oujda), ne disposent d’aucune autorisation d’exercice. Une mallette à la main contenant un micromoteur, des daviers et le strict nécessaire pour effectuer des actes dentaires, ils sillonnent à pied les quartiers populaires, les cafés, les souks hebdomadaires et font du porte-à-porte munis parfois de cartes visites. Extractions, soins de caries et prothèses dentaires sont les principales prestations proposées par ces dentistes. Pour les patients, le point fort de ces praticiens est le prix qui reste très bas par rapport aux chirurgiens-dentistes. «Les soins dentaires ne sont pas à la portée de tout le monde. Les tarifs appliqués par les chirurgiens-dentistes sont trop chers. Rien que pour extraire une dent, il faut compter au minimum 200 ou 300 DH. Alors que chez un dentiste ambulant cela revient beaucoup moins cher, 50 DH.

Comme je n’ai pas les moyens pour payer des soins dans un cabinet dentaire, je choisis le moins cher», confie Hamid, 32 ans, mécanicien au quartier Deb Sultan à Casablanca. «Nous sommes allés voir un chirurgien-dentiste pour faire mettre une prothèse dentaire à ma mère, ce dernier nous a demandé 5.500 DH, tandis que le dentiste syrien nous a facturé la même prothèse à 1.800 DH. Ma mère est satisfaite de son travail et nous aussi, d’ailleurs. En plus, avec notre ami syrien, on n’a même pas besoin de se déplacer, il vient à la maison et parfois même tard le soir», poursuit-il.

D’après la Fédération nationale des syndicats des médecins dentistes du Maroc, la réalisation des prothèses se fait souvent en collaboration avec d’autres dentistes illégaux marocains «sanii asnane» qui mettent à leurs services les appareils et matériels nécessaires. «Ils opèrent dans les quartiers populaires et ciblent la population à faible revenu. Malheureusement, ces personnes ignorent que leur santé est sérieusement mise en jeu, car ces gens travaillent avec des outils non stérilisés sans le respect du minimum des rigueurs d'asepsie (l'eau de javel diluée dans de l'eau fait office de stérilisation). Ainsi le risque de contamination par des maladies transmissibles par le sang comme le sida et l'hépatite C et B est très élevé», explique Dr Brahmi Siham, vice présidente de la Fédération qui affirme qu’il faut distinguer deux catégories de personnes qui se livrent à ce genre de pratique illégale. «La première est composée de vrais dentistes diplômés dans leur pays, mais n'ayant pas d'autorisation d'exercer, délivrée par le Secrétariat général du gouvernement donc considérés selon la loi comme étant des exerçants illégaux de la médecine dentaire. La seconde catégorie, qui constitue la grande majorité, est composée de charlatans n'ayant ni les compétences ni les qualifications pour exercer», indique Dr Brahimi.

Pour sa part, le «Docteur», Abou Zakaria Souri, un célèbre dentiste ambulant dans la ville de Oujda, assure que ses patients ne risquent rien, car il prend toutes les précautions nécessaires. «Je vis au Maroc avec ma famille depuis 2010. Les conditions de vie ont été difficiles à notre arrivée, mais depuis que j’ai commencé l’exercice de mon métier de dentiste, j’arrive à vivre dignement avec ma famille. Mes patients ne risquent rien, car je prends toutes les précautions en termes d’hygiène. Je pratique des prix qui sont bas par rapport aux chirurgiens-dentistes qui ont des cabinets parce que les personnes issues de milieux défavorisés ne peuvent pas avoir accès aux soins dentaires trop chers. J’arrive de cette façon à bien gagner ma vie», indique le dentiste ambulant avec un dialecte mi-syrien mi-marocain. 

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