14 Février 2016 À 14:30
Innovation, manque de qualifications, spécialisation abondance de l’offre, mais complexité des compétences requises… autant de paramètres qui ne facilitent pas toujours la mission du recruteur. Or, dans la conjoncture actuelle, aucune entreprise n’est prête à sacrifier du temps et de l’argent en risquant de faire une erreur de casting lors d’un recrutement, notamment pour des postes de responsabilités. Bien que les avis soient partagés sur l’utilité d’une telle démarche, les entreprises font de plus en plus confiance aux cabinets de recrutement spécialisés dans la chasse de têtes en particulier pour des besoins très spécifiques qui nécessitent une meilleure connaissance des profils et un certain flair pour identifier le bon profil.
Selon les professionnels, le chasseur de têtes, qu’on appelle aussi «conseiller en recrutement», est un spécialiste ou un consultant chargé de recruter des cadres de haut niveau, avec un niveau de compétences très pointu, pour le compte d’entreprises ou de groupes nationaux ou internationaux. Il doit avoir une maîtrise presque parfaite du marché de l’offre et de la demande d’emploi et une idée bien détaillée et claire du besoin de l’entreprise. C’est justement cette maitrise du besoin de l’entreprise qui fait la force d’un chasseur de têtes. Certains spécialistes vont même jusqu’à chercher à s’imprégner de la culture de l’entreprise pour laquelle ils vont recruter afin de réussir cette mission. Cette aptitude à comprendre et à s’approprier des enjeux, une culture, un environnement, mais aussi des contraintes est déterminante pour le processus de recrutement ciblé. Ce processus devient d’autant plus difficile avec la multiplication des réseaux professionnels et des CVthèques. Il faut donc être connecté et multiplier les investigations pour se constituer une pépinière de talents qui répond auxbesoins.
Le principe d’un chasseur de têtes est basé, le plus souvent, sur une approche directe pour le recrutement des profils rares. «Dans le cadre de la stratégie de recrutement définie avec le client, nous allons aussi faire de l’approche directe ou “chasser” dans des entreprises cibles, mais en procédant de la même manière avec ces candidats, c’est à dire en les qualifiant de manière objective avant de leur proposer cette opportunité», nous explique Sophia Sebti, fondatrice et directrice générale de Batenborch International-Maroc.
Il s’agit donc d’une méthodologie de recherche pointue visant à identifier et débaucher des profils très particuliers. Cette approche nécessite une organisation rigoureuse, avec un enchaînement de process bien planifié, allant de la recherche des entreprises cibles réputées pour être un vivier de talents au repérage des profils intéressants et surtout à la manière de les approcher. Cette dernière est très cruciale, car elle est déterminante pour la suite du processus. Le chasseur de têtes est celui qui maitrise l’art de présenter son offre au candidat qu’il a sélectionné, très souvent, ce dernier est déjà satisfait de son poste de travail, et créer le déclic chez lui pour l’inciter à opérer le changement dans sa carrière professionnelle.
Comment peut-on trouver la «perle rare» ? Et comment en juger ? C’est là toute la subtilité de la mission d’un chasseur de têtes. Il doit être capable de flairer le bon profil où qu’il se cache. Le chasseur de têtes démarre sa quête par un travail de veille et de repérage. Il doit également varier les profils et être en phase avec les transformations des métiers qui s’opèrent actuellement sur le marché des technologies ou des industries par exemple. Par ailleurs, le chasseur de têtes est parfois «aidé» par les candidats eux-mêmes qui veulent être repérés et ayant des références de formation de qualité qui font qu’ils sont une cible facile. Cette question de profils «chassés», nous l’avons posé à Ali Serhani, directeur associé Gesper Services, qui nous a expliqué son point de vue, en notant toutefois qu’il préfère parler de profils à approcher : «Vous êtes diplômés de HEC Paris ou Ponts et chaussées, Polytechnique, Centrale Paris, Yale, Stanford ou Harvard et j’en passe... sachez que vous serez recrutés tout en étant étudiant dans ces grandes écoles et universités. À vous de savoir gérer la suite. Un excellent diplôme ne vous ouvre que des portes. C’est lorsque vous rentrez que vous devez faire votre place et là c’est une autre paire de manches. Attention à ne pas être prisonnier de l’aura de vos diplômes».
Dans un autre cas, le candidat n’a pas un grand diplôme ou un bon cursus académique, mais une expérience plus que probante dans de grandes multinationales avec un passage à l’international «et bien sachez aussi que les radars des chasseurs de têtes ne les “rateront” pas, car leur profil sort du lot et les intéressent», explique-t-il. Un profil peut aussi être facilement repérable s’il sait mettre en avant ses atouts, notamment la maîtrise des langues, «le Maroc est un pays qui s’ouvre à l’international et donc a besoin de ce type de profils, sauf que le reste doit suivre. Il ne suffit pas de maîtriser sept langues pour être recruté par une entreprise. Il faut que vous correspondiez à ce que recherche l’entreprise au niveau des compétences», note Serhani qui tient à remarquer l’importance pour les candidats qui cherchent à attirer l’attention des chasseurs de têtes sur l’importance de peaufiner leurs CV en optant notamment pour des MBA. «Il faut faire le bon choix, mais ce n’est pas parce que vous avez préparé un excellent MBA dans une prestigieuse université que l’on fera appel à vous ! Vous devriez savoir mettre en pratique ce que vous avez appris en théorie et le mettre en pratique au niveau de votre emploi. Sénèque ne disait-il pas : “qu’il n'est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va”» ? Conclut Serhani.
Éco-Emploi : Comment fonctionne un chasseur de têtes ?Sophia Sebti : Il est toujours délicat de parler de manière générale. En ce qui nous concerne, nous avons une approche proactive des talents du marché. Nous identifions les candidats de valeur en amont des besoins de nos clients. Nous les approchons afin de leur faire rejoindre notre vivier de talents à travers un entretien durant lequel nous déterminons leurs compétences comportementales «différenciantes», leur système de valeurs et leurs aspirations. Notre ambition est de les suivre ensuite tout au long de leur carrière et revenir vers eux de manière pertinente avec une opportunité qui soit en parfaite adéquation avec leur profil. Ainsi, dans le cadre des missions de recrutement ou de chasse de têtes pour lesquelles nos clients nous mandatent, notre pépinière de talents est prioritaire et dans laquelle nous opérons une sélection sur la base de critères très fins, puis nous proposons cette opportunité à ces candidats que nous connaissons et suivons dans la durée. En parallèle, dans le cadre de la stratégie de recrutement définie avec notre client, nous allons aussi faire de l’approche directe ou «chasser» dans des entreprises cibles, mais en procédant de la même manière avec ces candidats, c’est à dire en les qualifiant de manière objective avant de leur proposer cette opportunité. Mais le travail de «chasseur de têtes» ne s’arrête pas là. Le recrutement d’un profil clé est vécu comme un moyen et non comme une fin. Nous accompagnons ce candidat que nous aidons à recruter pendant un an, à travers un suivi structuré et approfondi pour l’atteinte des objectifs pour lesquels il a été recruté la première année.
Quels sont les profils concernés par cette méthode de recrutement ?Cette approche peut concerner tous les profils. Chez Batenborch International Maroc et Afrique, et nous tenons cela de notre groupe qui a cette spécialisation depuis 26 ans, nous ciblons les cadres dirigeants, les hommes clés de l’entreprise avec une expertise et un savoir-faire historique sur les fonctions Sales et Marketing.Avec l’arrivée de nouveaux métiers, cette spécialisation s’est étendue à des fonctions nouvelles, telles que la Supply Chain, le digital… pour lesquels nous avons notamment un spécialiste au sein de groupe, souvent basé à Bruxelles, qui nous sert de centre de compétences dans nos recherches.
Comment bien cerner les besoins et éviter un échec de recrutement ?Pour répondre à votre question, je dirai que le plus important est de «parfaitement cerner» le besoin. Le plus fort de notre énergie, de notre temps et de notre investissement se situe dans cette phase amont, à savoir la compréhension des besoins du client et la connaissance de ses enjeux, de ses besoins explicites, mais aussi implicites, de sa culture d’entreprise, de ce qui est attendu de ce futur collaborateur, de l’impact que son recrutement pourrait avoir sur l’organisation…Ainsi, pour éviter un échec, les attentes doivent être extrêmement claires, et la qualité d’un chasseur de têtes se mesure à la qualité de ses questions et de son diagnostic amont.Ensuite, notre approche proactive et le fait de rester objectif et jamais «vendeur» quand on approche un candidat pour une opportunité est aussi un garde-fou. En effet, si le candidat est lui-même et ne cherche pas à se vendre parce qu’on l’a d’abord approché pour le connaître et non pas pour lui proposer une opportunité, ses moteurs réels de choix seront identifiés. Ce qui n’est malheureusement pas souvent le cas, d’où le fait que le client peut se retrouver avec des candidats présentés dont les réelles motivations ne correspondent pas à ce que le client propose. Depuis notre implantation au Maroc en novembre 2013, nous avons récupéré plusieurs clients qui voulaient sécuriser leur recrutement sur la durée et s’assurer que le candidat était pleinement conscient de ses choix et de sa volonté de rester sur la durée pour s’imposer…
Quels sont, d'après vous, les métiers qui ont le plus recruté en 2015 ?En plus de sa spécialisation fonctionnelle, notre groupe a une approche sectorielle. Cela signifie que dans chaque pays où nous sommes présents, nos consultants sont spécialisés par secteur d’activité. Ainsi, pour répondre à votre question, les fonctions commerciales sont toujours recherchées. Après, les métiers qui ont le plus recruté varient selon les secteurs. Chez nos clients dans l’industrie, nous avons vu augmenter des besoins de relève ou d’anticipation de départ à la retraite, dans les directions de site ou d’usine. Dans la banque et l’assurance, avec le développement en Afrique, des besoins en direction générale de filiale sont été fréquents. Dans le FMCG, nous avons recruté surtout dans le marketing, ou l’animation commerciale…
Y a-t-il une particularité par rapport au recrutement de profils destinés aux pays d'Afrique ?Une particularité, pas vraiment, si ce n’est une attention et une vigilance encore plus fortes apportées aux moteurs de choix réels et profonds de nos candidats. En effet, la qualité d’un recrutement se mesure aux réalisations qui seront menées par le candidat, à la création de valeur durant ses fonctions, mais pour Batenborch International Maroc et Afrique, aussi à son épanouissement. Je suis convaincue que «Success is not fulfillment» cela signifie qu’un collaborateur qui réussit sans s’accomplir un jour ou l’autre devient fragile, ouvert au marché. À l’expatriation, il faut encore plus chercher cette stabilité et cet alignement du candidat recruté entre ses attentes et ce qu’il va retrouver.