04 Juillet 2016 À 17:05
Éco-Conseil : Quelles sont les principales manifestations de la culpabilité pathologique en entreprise ?Imane Hadouche : La culpabilité pathologique est un sentiment douloureux, intrinsèque, qui fait que la personne se positionne souvent comme «coupable» de tout ce qui ne va pas, même quand cela ne la concerne pas. La personne qui expérimente ce malaise vit rongée par le doute, le remords, les regrets, se sent inférieure aux autres, éternellement incomprise, s’afflige des souffrances inutiles et se remet sans cesse en question. En entreprise, cette culpabilité, sous-jacente, peut entraîner un comportement colérique et agressif de temps à autre, comme réflexe d’autodéfense. La personne rumine sans arrêt les scénarios vécus, et s’en veut pour ses réactions ou sa passivité. La souffrance est tellement forte, l’auto flagellation tellement douloureuse, qu’elle en devient asociale et préfère éviter l’interaction. À l’origine de la culpabilité pathologique, un ou plusieurs événements, où la personne elle-même a violé ou laissé violer une des valeurs les plus importantes pour elle. Les personnes souffrant de culpabilité pathologique peuvent être identifiées au travail, grâce à ce qui a été dit, et grâce à des comportements communs au travail, et qui visent à les protéger de tout reproche et toute critique, et ces personnes sont souvent :• Trop scrupuleuses, trop organisées, trop susceptibles, trop lentes parce que trop précises et elles vivent en tension permanente, comme si elles étaient tout le temps sous une loupe.• Elles font et refont plusieurs fois la même tâche.• Elles préfèrent rester à l’ombre de supérieurs hiérarchiques directs, pour éviter toute responsabilité officielle.• Elles sont anxieuses et cherchent à contrôler les situations et maîtriser leur sujet.• Elles ressentent les événements et les situations conflictuelles dans leurs corps et en tombent littéralement malades : migraine, nausées, vomissements, rigidité au niveau de la nuque et du dos…• Elles ont constamment besoin de feedback positif, d’être rassurées et encouragées.• Elles évitent de prendre des initiatives ou de se montrer créatives.
Comment le manager peut-il gérer ce type de profil ?Il est important de reconnaître les qualités du profil qui sont aussi ses défauts, par exemple : leur capacité à avouer leurs erreurs sans difficulté, leur capacité à se remettre en question face aux conflits, leur empathie, leur respect des règles, leur précision et leur rendu presque parfait… il suffit d’équilibrer et doser ces qualités/défauts. Le Manager peut :• Prendre le temps d’encourager, rassurer et féliciter les petites victoires.• Éviter de blâmer, et remplacer le reproche par des directives précises pour réparer ou améliorer une situation.• Communiquer clairement les délais et préciser ce qui est indispensable et ce qui est superflu dans une tâche.• Rassurer par rapport à une marge d’erreur tolérée (exemple : on ne te demande pas d’être parfait en orthographe, on attend juste une information chiffrée concernant cette simulation).• Rappeler souvent que personne n’est parfait et que tout le monde peut faire des erreurs et se tromper.• Dans les situations conflictuelles, chercher toujours une action correctrice qui va «réparer» les choses et lui faire poser cette action.• Faire réévaluer à la personne son système de valeurs et lui faire prendre un engagement ferme à les respecter et les faire respecter.• Identifier avec la personne et l’équipe qui travaille avec elle, les valeurs importantes et fondamentales à ne jamais violer.
À quel moment le manager est-il obligé de faire appel à un spécialiste ?Il n’y a aucune obligation bien évidemment, mais dans le cas où la personne concernée est le profil parfait pour un poste de responsabilité, ce qui ne serait pas étonnant puisque ce sont des bourreaux de travail, qui maîtrisent leur domaine, il vaut mieux lui proposer de se faire accompagner par un professionnel. Ces personnes ont du mal à franchir le cap et à se mettre «sous les feux de la rampe» ou «sur la sellette» (c’est leur vision des postes de responsabilité). Ce profil peut aussi trouver des difficultés à cohabiter avec les autres, mais ce sont des personnes empathiques, à l’écoute et dans le respect des autres. Pour les gérer au quotidien, il suffit d’éviter les reproches et la culpabilisation, de respecter leurs valeurs et normes, les rassurer et les encourager avec des retours positifs.