23 Décembre 2016 À 18:24
Selon la deuxième Enquête nationale sur le handicap (2014), les personnes en situation de handicap (PSH) au Maroc représentent 6,8% de la population, soit près de 2.265.000 personnes qui ont au moins une déficience. Malgré les efforts fournis par le Royaume pour l’inclusion sociale de cette frange de la population et la promotion de leurs droits, notamment le droit d’accès à l’emploi, la situation reste alarmante.
Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est 6 fois supérieur à celui du taux de chômage national. Afin d’ouvrir le débat sur ce sujet et définir des pistes pour l’amélioration de cette situation, le Collectif régional pour la promotion des droits des personnes en situation de handicap a organisé, jeudi à Casablanca, en partenariat avec les associations membres du réseau, une rencontre sur le thème «Quel accompagnement pour l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap dans la région de Casablanca ?» Cette manifestation a été marquée par la participation des représentants du Collectif, de l’Entraide nationale, de l’Agence nationale de promotion de l'emploi et des compétences (Anapec), de nombreuses associations dont Handicap International et Drosos, qui ont tous dénoncé l’absence des représentants du Conseil de la ville de Casablanca et du Conseil de la région.
«Nous sommes très déçus par la non-participation du Conseil de la ville et du Conseil de la région à cette rencontre et nous comptons publier un communiqué pour dénoncer cette attitude qui démontre l’irresponsabilité et la non-implication de ces parties dans la promotion des droits des PSH», a déploré Mohamed Laazri, président du Collectif, qui a affirmé qu’il est grand temps de mettre en place une vision territoriale pour faciliter l’accès à l’emploi des jeunes en situation de handicap. «Nous sommes convaincus qu’il existe aujourd’hui une possibilité d'accès à l’emploi pour chaque travailleur en situation de handicap en fonction de ses aptitudes et de ses ambitions. En tant qu’acteurs associatifs, nous sommes déjà dans l’action pour tendre vers une société plus inclusive. En effet, nous avons constitué un groupe de travail réunissant les différents acteurs de l’emploi de la région de Casablanca-Settat, qui réfléchit depuis janvier 2016 à des pistes d’améliorations de la situation actuelle. Et nous sommes réunis aujourd’hui pour trouver les solutions qui permettront de faciliter l’accès à l’emploi des PSH. En effet, au regard de la complexité de la situation, le Collectif rappelle sans perdre espoir que l’injustice de l’exclusion nous interpelle en tant que personnes en situation de handicap, secteur privé, État et société civile pour consolider nos actions de citoyenneté afin de contribuer au changement de cette réalité», a souligné Laazri.
De son côté, Ahmed Zaid, directeur régional de l’Anapec, a insisté sur l’urgence d’agir pour trouver des emplois adéquats aux PSH notant que le taux de chômage de ces personnes s’élève à 68%. «Avoir un travail permet à toute personne de se sentir en sécurité, d’être autonome et de vivre dans la dignité. Les PSH privées de leur droit au travail sont, en plus de leur handicap, privées de toutes ces choses, ce qui a un impact direct sur leur quotidien et celui de leurs familles. Il faut sensibiliser les entreprises marocaines à ce sujet et les inciter à embaucher de plus en plus de PSH. Il faut également former ces jeunes et les encourager à créer leurs propres projets où ils peuvent travailler en groupe», a indiqué Zaid.À l’issue de cet événement, les participants ont élaboré certaines recommandations pour réduire les inégalités face à l’emploi.
Parmi ces recommandations: mettre en place d’une vision territoriale et un statut du salarié handicapé, élaborer des politiques d’incitation à l’emploi dans le secteur privé en laissant de côté les préjugés, adapter les lieux de travail, assurer une bonne formation destinée au PSH leur permettant un bon niveau d’études, prendre les mesures d’accompagnements et de soutien psychologique et de conseils…
Afin de donner l’exemple et démontrer les capacités des PSH, les organisateurs ont décidé d’inaugurer cet événement par un show présenté par un groupe de musique composé 4 jeunes sourds muets de l’association Annasr. Et pour clore la rencontre, un déjeuner préparé par les jeunes en situation de handicap mental de l’association Anais a été offert aux participants.
Croyez-vous que le Maroc fournisse assez d'efforts pour améliorer l'accessibilité à l'emploi des personnes en situation de handicap ?Nous pensons effectivement que l’inclusion du handicap est une priorité nationale, après la ratification de la Convention internationale relative aux des droits des personnes handicapées et l’adoption de la loi-cadre 13.97 relative à la protection et promotion des droits des personnes en situation de handicap. Par ailleurs, une politique publique pour l’inclusion des PSH est en cours de construction afin d’atteindre une cohérence stratégique. Il y a aussi beaucoup d’efforts positifs basés sur de bonnes pratiques, qui sont fournis par le secteur privé et la société civile, mais qui restent tellement limités face aux nombreux obstacles liés à la question de l’accès des PSH à l’emploi.
Quelles sont les actions à mener pour encourager les entreprises à recruter plus de personnes en situation de handicap ?Malheureusement, le handicap reste le facteur le plus discriminant à l'embauche. Certainement, il y a des efforts, mais au regard de la réalité complexe, la nécessité de renouveler profondément les structures et les pratiques professionnelles est prioritaire. Il faut également améliorer les formations et revoir l’arsenal juridique conformément à l’esprit de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et au cadre constitutionnel national en imposant un quota au niveau du secteur public et privé avec des dispositifs de contrôle efficace. Il faudrait également adopter une vision financière engageante dans la loi de Finances pour accompagner une politique d’inclusion des PSH.
«Mon handicap ne m’a pas empêché de poursuivre mes études. J’ai fait le collège, le lycée, j’ai obtenu mon baccalauréat puis j’ai suivi une formation en informatique. J’aime les nouvelles technologies, c’est ma passion. Mon parcours au travail était normal, comme n’importe quel débutant dans le monde professionnel. J’ai essayé de trouver ma place.Aujourd’hui, cela fait déjà 4 ans que j’occupe le poste de comptable dans cette entreprise.»Anouar Ghatebi, la trentaine, comptable dans un cabinet de gestion et de conseil aux entreprises