09 Juin 2016 À 17:01
Éco-Conseil : Qu’est-ce que la méthode Kaizen et quelle est sa valeur ajoutée ?Mohamed Taher Mouni : Le Kaizen est un nouveau concept qui puise ses racines dans la culture japonaise. C’est une approche de résolution des problèmes basée sur la réalisation de petites actions successives. Du coup, il s’agit d’amélioration et non d’innovation. En effet, l’étymologie du mot Kaizen reflète sa vraie finalité : «Kai» signifie «changement» et «Zen» signifie «bon ou mieux». Plus précisément, Kaizen signifie «amélioration continue» et peut être appliqué dans tous les processus de l’entreprise. Il est pratiqué par tous les acteurs de la même structure, en utilisant les moyens de bord existants. Cette démarche permet à l’entreprise de gagner en efficacité et en efficience vis-à-vis de ses clients, par le biais de la standardisation des processus et de l’élimination des gaspillages.
Quelles sont les étapes de la mise en place d’une stratégie Kaizen ?Quelle que soit la taille de l’entreprise souhaitant mettre en place une stratégie Kaizen, une étape de planification s’avère indispensable. En effet, avant de se lancer dans un tel projet, il faut s’assurer de l’appui de la direction, définir des objectifs SMART (significatif, mesurable, activable, responsable, temporellement défini) et sélectionner l’équipe de travail. Par la suite vient l’étape de préparation des chantiers, où on collecte les données nécessaires reflétant la situation actuelle, à savoir : les flux, les opérations à valeur ajoutée ou les gaspillages. Cette démarche vient du fait qu’«on doit bien connaitre la situation actuelle avant de penser à l’améliorer». Une fois que les données nécessaires sont prêtes, l’équipe travaille en mode chantier pour la proposition des petites améliorations en adoptant le principe du PDCA (Plan-Do-Check-Act). Ces propositions sont aussitôt réalisées, testées et chiffrées pour prouver leur efficacité. À l’issue de ces chantiers, une présentation pour le comité de direction est nécessaire pour obtenir leur support en cas de besoin de validation d’investissements. La pérennisation de cette approche est directement liée au suivi rigoureux des plans d’action issus des chantiers, et surtout à la communication de l’avancement des améliorations proposées.
Le Kaizen tourné vers «l’individu» constitue le point d’accès de cette méthode à l’entreprise. Dites-nous-en plus.Le Kaizen n’est pas une démarche basée sur la technique, mais plutôt sur l’Homme. Il s’agit de l’adoption d’un état d’esprit basé sur l’abandon des idées fixes et l’oubli de tout paradigme. En d’autres termes, au lieu d’expliquer ce que l’on ne peut pas faire, il vaut mieux réfléchir à comment le faire. Aussi, faut-il réaliser aussitôt les bonnes propositions d’amélioration et ne pas chercher la perfection du premier coup. Un autre principe du Kaizen est celui de la correction des erreurs immédiatement et sur place. De surcroit, le Kaizen adopte le questionnement des «5 pourquoi» pour déterminer les causes racines et ensuite chercher les solutions. Le mode «Yokoten» (mot signifiant extension ou diffusion des bonnes pratiques ou des solutions) permet à l’entreprise de bénéficier des benchmarks et facilite la généralisation des améliorations. Et puisque le Kaizen est «la responsabilisation de chacun pour le culte du mieux», il faut inciter chaque personne de l’équipe à émettre une idée au lieu d’attendre l’idée géniale d’un seul membre. Il faut aussi mesurer les progrès à travers des indicateurs de performance et surtout garder en tête que l’amélioration est infinie et commence «chez soi».
Qu’en est-il du Kaizen dans le contexte marocain ?La culture est un point déterminant de la réussite et de la propagation du concept dans les entreprises marocaines. En effet, au Japon, où le Kaizen connaît un grand succès, la culture est totalement différente de la nôtre. Le respect de l’autre, quel que soit son statut, ou l’acceptation de toute idée émise lors des discussions sont entre autres des comportements que distinguent les Japonais. Au Maroc, d’autres obstacles nuiront à la propagation du concept, tels la négligence de la recherche des causes racines et le contentement de la correction rapide des écarts. Cela est en contradiction avec le principe : «Le processus conduit au résultat». Bref, pour que la société marocaine puisse bénéficier du Kaizen, il faut s’engager de manière profonde pour un changement culturel majeur avant d’entamer le processus d’amélioration continue.