28 Juin 2016 À 17:57
Les biomédicaments innovants coûtent les yeux de la tête, vive les biosimilaires moins chers ! C'est en substance le message des fabricants de ces faux jumeaux, sentant un vent favorable auprès des autorités. Reste le plus dur : convaincre médecins et patients. Contrairement à un générique, réplique parfaite d'un médicament chimique, les traitements biologiques ne sont pas reproductibles strictement à l'identique, en raison de la variabilité même du vivant dont ils sont issus. Les biosimilaires sont en revanche semblables aux médicaments biologiques d'origine en termes de qualité, de sécurité et d'efficacité, et sont soumis comme eux à des essais cliniques, soulignent leurs promoteurs. Leur argument massue : un prix de 20 à 30% moins cher par rapport au biomédicament de référence.
«Les autorités de santé à travers le monde ont compris à quel point les biosimilaires pouvaient les aider», estime David Setboun, président de la filiale française de Biogen, biotech américaine qui s'est lancée sur ce créneau depuis 2011, en s'alliant au coréen Samsung Biologics. «Cela peut être une solution au financement de l'innovation» par les systèmes de santé, en allégeant les coûts de biothérapies dont les brevets tombent dans le domaine public, ajoute M. Setboun, interrogé par l'AFP.Selon une récente étude du cabinet IMS Health, les biosimilaires pourraient faire économiser de 50 à 100 milliards d'euros aux principaux systèmes de santé américain et européen sur la période 2015-2020.L'Union européenne a pris les devants, en autorisant il y a dix ans la première commercialisation d'un biosimilaire du pionnier Sandoz (groupe Novartis). À ce jour, 21 biosimilaires ont été autorisés en Europe, et près d'une cinquantaine sont en développement dans le monde. Leurs fabricants guettent une importante vague d'expiration de brevets de biomédicaments onéreux d'ici 2020, comme l'anti-rhumastimal Humira du laboratoire américain AbbVie. Le français Sanofi a déjà commencé à en subir les conséquences sur son produit phare dans le diabète, l'insuline glargine Lantus, désormais concurrencée en Europe par un biosimilaire d'Eli Lilly, et aux États-Unis à partir de fin 2016.
Le marché américain des biosimilaires a connu un démarrage plus tardif, dû en partie à «un lobbying efficace» des groupes pharmaceutiques, confie à l'AFP Marc-Olivier Bévierre, directeur associé du cabinet de conseil Cepton Strategies.
Mais beaucoup de laboratoires américains s'y sont depuis convertis. L'an dernier le géant Pfizer s'est ainsi propulsé dans la course en achetant le spécialiste des biosimilaires Hospira pour 17 milliards de dollars. En France, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a modifié sa doctrine en mai, envisageant désormais la possibilité d'une «interchangeabilité» du biomédicament d'origine et du biosimilaire au cours d'un traitement, sous réserve de l'accord du patient, d'un suivi clinique et d'une traçabilité des produits. Ce «switch» est crucial pour l'industrie des biosimilaires, qui espère son feu vert législatif en 2017.Mais il a du mal à passer auprès de certains médecins et patients, dont la confiance a été passablement ébranlée par des scandales sanitaires ces dernières décennies, de l'affaire du sang contaminé aux hormones de croissance en passant par le Mediator.«Faire un switch pour des raisons économiques, c'est nouveau, c'est quelque chose auquel les médecins doivent s'habituer», a déclaré mardi Bruno Flamion, professeur de pharmacologie de l'université de Namur et ancien membre de l'Agence européenne du médicament (EMA), lors d'un point presse sur les biosimilaires organisé par Pfizer France à Paris.
«Un traitement qui marche bien, c'est un compagnon. Si on vous l'enlève, ça génère une angoisse énorme et ça risque d'avoir des conséquences sur la thérapie», a relevé lors d'un récent colloque Sonia Tropé, présidente de l'association nationale de lutte contre l'arthrite rhumatoïde (Andar).«Le switch fait très peur aux patients, ils ont peur d'avoir un traitement au rabais. Il y aura beaucoup de travail à faire», a confirmé Yoram Bouhnik, gastro-entérologue de l'hôpital Beaujon à Clichy (Hauts-de-Seine).D'où le souci des fabricants de biosimilaires d'éviter un modèle calqué sur celui des génériques, «perçus en France comme le médicament du pauvre» et pouvant être directement substitués à l'original par le pharmacien, décrypte M. Bévierre.