Fête du Trône 2006

Les peines peuvent aller jusqu’à la prison à perpétuité

Adopté par les deux Chambres du Parlement, le projet de loi 27-14 relative à la traite des personnes apporte des définitions précises de la traite des êtres humains et des concepts de l'exploitation. Côté sanctions, le texte prévoit des peines très lourdes quand le délit est accompagné de circonstances aggravantes. Elles peuvent aller de 5 ans d’emprisonnement à la prison à vie. Sans compter les amendes qui peuvent culminer à 6 millions de dirhams.

La traite des personnes est sévèrement réprimée par la loi.

18 Août 2016 À 18:56

Adopté par la Chambre des représentants le 31 mai 2016, le projet de loi 27-14 relative à la traite des personnes a été approuvé par les conseillers le 2 août. Le texte, qui intervient en application d'une nouvelle politique nationale dans le domaine de la migration et de l'asile, vise à adapter la législation nationale aux normes internationales. Il s'inscrit aussi dans le cadre des différentes recommandations issues des mécanismes de conventions et des mesures y afférentes, essentiellement celles du rapporteur spécial des Nations unies sur la traite des êtres humains.

Ce projet de loi comprend des définitions précises de la traite des êtres humains et des concepts de l'exploitation et de la victime, conformément aux orientations adoptées à l'échelle internationale, notamment le Protocole de Palerme. Dans le détail, le texte stipule que toute personne qui recrute, transporte, transfère, héberge ou accueille une autre personne par la menace de recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre, aux fins d’exploitation de cette personne, se rend coupable du délit de traite des personnes. Et de ce fait, elle est passible d’une peine d’emprisonnement de 5 à 10 ans et d’une amende de 10.000 à 500.000 DH.Le texte de loi précise que l’exploitation englobe la prostitution d’autrui et d’autres formes d’exploitation sexuelle, y compris par des supports pornographiques, le travail ou les services forcés ou contraints (mendicité forcée…), l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, le prélèvement et le trafic d’organes, l’exploitation à des fins d’expériences biomédicales, ainsi que l’exploitation de personnes pour commettre des actes criminels ou dans des conflits armés.

La sanction prévue par le texte de loi (5 à 10 ans et une amende de 10.000 à 500.000) est beaucoup plus lourde si le délit est assorti de menaces de mort, de séquestration, de torture ou de diffamation. De même, la sanction est encore plus lourde si le coupable est armé ou s’il est fonctionnaire ayant profité de son statut pour commettre son forfait, si la victime, consécutivement au délit commis, souffre d’un handicap chronique, d’une maladie organique, psychologique ou mentale incurable ou si le délit est commis par deux personnes ou plus en tant qu’auteurs ou complices, ou si le coupable est un récidiviste.

La loi est encore plus sévère (20 à 30 ans de prison et une amende de 200.000 à 2.000.000 DH) si la victime est mineure ou si elle se trouvait dans une situation de vulnérabilité (personnes âgées, femmes enceintes, déficient mental, handicapé physique) ou si l’auteur est le conjoint, un ascendant, un descendant ou le tuteur de la victime. La même peine d’emprisonnement est assortie d’une amende allant de 1 à 6 millions de DH si le délit de traite de personne a été commis par une bande criminelle ou transfrontalière, ou si le délit s’est soldé par la mort de la victime. Si le délit est associé de la torture ou à des actes barbares, la loi prévoit l’emprisonnement à perpétuité comme peine.

Avis du CNDH

Suite à la demande émanant du président de la Chambre des conseillers, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) vient de publier son avis sur le projet de loi 27-14 relatif à la lutte contre la traite des personnes. Les recommandations du Conseil visent à contribuer à la mise en œuvre effective des dispositions de la Constitution relatives à la prohibition et à la lutte contre toute discrimination en raison du sexe, la mise en œuvre des engagements internationaux du Maroc en matière de lutte contre la traite des personnes, ainsi que la précision de certaines définitions et dispositions du projet de loi pour l’harmoniser avec son objet et son objectif, à savoir la lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, indique un communiqué du Conseil. Ainsi, le CNDH souligne l’adéquation de la définition relative à la traite adoptée dans le projet de loi avec la définition figurant dans le Protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée. Le Conseil apprécie également l’insertion de l’incrimination de la médiation dans le processus de la traite des personnes.

Le CNDH recommande toutefois l’insertion dans le projet de loi des termes spéciaux relatifs à la traite des personnes en particulier, à savoir l’exploitation d’une situation de vulnérabilité, l’esclavage, les pratiques similaires et la victimisation secondaire de la victime (s’entend d’une victimisation qui ne résulte pas directement d’un acte criminel, mais de la réaction d’institutions et de particuliers envers la victime). Au regard de la gravité variable des infractions relatives à la traite, le CNDH recommande de différencier les sanctions en fonction de la gravité des infractions. Le CNDH souligne également que les dispositions du projet de loi doivent s’appliquer à toutes les formes de traite des personnes, qu’elles soient de nature nationale ou transnationale et qu’elles soient ou non liées à la criminalité organisée. Par ailleurs, le CNDH soutient les mesures d’incitation des témoins à dénoncer les infractions liées à la traite. Il recommande, à cet égard, d’introduire une disposition permettant d’assurer la protection des témoins, des experts et des dénonciateurs en ce qui concerne les infractions de traite des personnes.

Dans son avis, le Conseil a mis l’accent sur la nécessité d’appliquer le principe de la non-responsabilité des victimes de la traite pour les actes illégaux commis sous la contrainte ou pour les infractions commises par la victime de la traite directement liées à la traite. En effet, pour le Conseil «un consentement authentique n’est possible et reconnu sur le plan juridique que si tous les faits pertinents sont connus et que la personne exerce son libre arbitre». 

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