21 Février 2016 À 15:22
Le maestro Moha Oulhouceine Achibane est décédé à l’âge de 113 ans, le vendredi 19 février vers 5 h 30 du matin, dans son domicile sis au Douar Azrou N’Ait Lahcen, cercle d’El Kebab (province de Khénifra) après une longue maladie.
Depuis sa naissance en 1903, Moha Oulhouceine Achibane semblait destiné à la carrière qui a fait sa renommée. Dès son plus jeune âge, il aimait la chanson et la musique alors qu’il était berger et qu’il menait quelques têtes de bétail paître dans les champs. À cette époque, il apprenait aussi le Saint Coran dans un «Msid» du Douar. Après l’occupation de la région par le colonisateur français, Moha Oulhouceine fut engagé de force avec des jeunes de son âge dans l’armée française. Il a ainsi combattu, dans les rangs de l’armée coloniale, contre l’offensive allemande durant la Deuxième Guerre mondiale.
Après la fin de la guerre, Moha Oulhouceine a regagné le Maroc où il fut affecté au 23e Goum marocain. Il a été par la suite chef Mokhazni à Settat, puis cavalier auprès du commandement militaire à Imilchil et à Boudnib. L’un des moments marquants de sa carrière militaire fut sa révocation de l’armée française, après avoir refusé d’ouvrir le feu sur des Marocains dans une mosquée à Casablanca. Il a par la suite regagné son Douar où il a intégré les rangs de la Résistance marocaine luttant pour l’indépendance du Maroc, vu sa grande expérience dans le maniement des armes.
Sa carrière artistique ne débutera que vers 1950 au centre de Tighassaline (province de Khénifra), où il a formé une troupe composée de seize hommes uniquement. Après ses premiers succès, Moha Oulhouceine a introduit des femmes dans le but d’orchestrer la chanson amazighe avec harmonie dans le cadre artistique d’Ahidous, danse propre de la tribu «Ichakirène».
Il est de notoriété publique que les femmes qui rejoignaient sa troupe n’étaient autres que les épouses des hommes qui y sont déjà. Ainsi, la troupe fut continuellement composée de couples qui partageaient la passion d’Ahidous.
Grâce à sa florissante carrière artistique, Moha Oulhouceine, à la tête de sa troupe, s’est distingué lors de l’organisation des différentes éditions du Festival des arts populaires de Marrakech et au Festival de Fès des musiques sacrées du monde, où il a su orchestrer avec maestria l’art d’Ahidous.
Il s’est également produit à l’étranger, notamment aux États-Unis où il fût surnommé «Maestro» par Ronald Reagan, président à l’époque. Toujours à la tête de sa troupe, Moha Oulhouceine s’est produit par la suite en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas, en Algérie et en Côte d’Ivoire.Moha Oulhouceine s’est marié trois fois. Après le décès de sa première épouse, Rkia, il se remaria avec une femme qui portait le nom de Rabha. Cette dernière l’a accompagné, soutenu et encouragé durant sa carrière artistique.
Quant à sa troisième épouse, elle s’appelle Mamma. Parmi ses six enfants, c’est Lhousseine qui a pris la relève, après que son père a décidé de se retirer volontairement de la scène artistique.Ce grand artiste est titulaire de plusieurs titres honorifiques. Il fût décoré par S.M. Le Roi Mohammed VI à Tanger en 2002, à l’occasion des festivités commémorant la Fête du Trône, du Wissam Al Moukafaa Al Watania, en hommage aux loyaux services artistiques qu’il a rendus à son pays, tant au niveau national qu’international.
Il s’est éteint vendredi 19 février et fût enterré après la prière d’Al-Âsr, au cimetière du Douar Azrou N’Ait Lahcen, en présence de personnalités venues de plusieurs villes du Royaume.Formulons le vœu que des recherches soient entamées, soit par l’Institut royal de la culture amazighe au Maroc, soit par des ONG marocaines, afin de mettre en valeur les paroles, les gestes et les symboles que feu Moha Oulhouceine Achibane utilisait, de son vivant, à la tête de sa troupe légendaire.