03 Février 2016 À 17:49
L’auteur espagnol contemporain le plus lu, Juan Goytisolo, n’a-t-il d’ailleurs pas dit que «si vous laissez séduire par Marrakech, vous verrez qu’ensuite tous les endroits du monde vous paraîtront ennuyeux» ? Lié inextricablement à la ville par une longue passion, Goytisolo est en effet de ces écrivains et artistes qui ont préféré quitter la vie occidentale et rompre toutes les amarres pour gagner l’autre côté de l’horizon.Le dernier à tomber littéralement sous le charme de la ville n’est autre que Xavier Salmon, conservateur général du patrimoine au célèbre musée parisien du Louvre, à laquelle il vient de consacrer un ouvrage intitulé «La belle oubliée de Marrakech. Une Masriya à Mouassine». Dans ce livre trilingue, français-anglais-arabe, dédicacé fin janvier, l’auteur plonge le lecteur dans l’histoire de cette cité magique en lui faisant découvrir à la fois Marrakech d’aujourd’hui et celle d’hier.
Xavier Salmon propose d’emblée, dans cet ouvrage de 70 pages illustré de photos, un embarquement immédiat dans le passé millénaire de la ville en soulignant que les dynasties régnantes successives l’ont enrichie de complexes religieux, funéraires et palatiaux qui aujourd’hui subsistent encore pour nombre d’entre eux et contribuent à la renommée de la cité ocre. Il invite également le lecteur à pousser les portes dérobées qui font surgir un univers d’odeurs et de couleurs d’une ville qui ne cesse de fasciner l’Occident, et aussi à un voyage, celui de l’histoire et de l’ornement. Et c’est cette expérience de la couleur et de l’ornement qu’il convie à découvrir avec «Mouassine», un quartier historique riche de monuments de l’architecture arabo-andalouse, de fontaines et de riads.
À ses yeux, ce quartier, de surcroît le plus ancien de la cité ocre, dispose d’un patrimoine exceptionnel, dont de belles maisons voulues par les classes sociales les plus aisées et un habitat plus modeste. Ce patrimoine civil a constamment fait l’objet de transformations au grè de ses propriétaires. La fièvre immobilière qui s’est emparée de Marrakech il y a quelques années, l’afflux d’investisseurs étrangers, l’attrait pour le neuf et pour une surenchère décorative n’ont pas toujours aidé à le conserver, estime-t-il. L’auteur s’attarde, dans ce contexte, sur «La Masriya de Mouassine» qui a été miraculeusement préservée des assauts du temps et qui enchante aujourd’hui par le raffinement de ses décors, sa maîtrise de la lumière et l’enchantement de ses couleurs. «La Masriya» invite au voyage où le lecteur sera frappé par ce sens de la couleur qui, non seulement marquait les murs et les boiseries, mais aussi l’ensemble du mobilier, banquettes recouvertes d’étoffes et de coussins, nattes et tapis, tables basses, coffres et miroirs disposés le long des pièces ou glissés dans les bahoûs. Et Xavier Salmon de relever que «la Masriya» démontre que le maître n’avait aucunement cherché à embellir la réalité et qu’il ne s’agissait assurément pas d’un rêve. «Je travaille sur le patrimoine de Marrakech depuis fort longtemps pour essayer de le valoriser et permettre aux Marocains de se l'approprier pour mesurer toute la valeur et toute l’importance», a-t-il confié au journal «Le Matin».
La cérémonie de dédicace a eu lieu au Musée «Mouassine» en vue de célébrer en grande pompe l’inauguration, le jour même, de ce nouvel espace culturel installé dans une bâtisse datant du dix-huitième siècle.