19 Janvier 2016 À 18:26
Pays émergents frappés par l'effondrement des cours des matières premières, commerce mondial perturbé et risque de déflation : l'économie mondiale, soutenue par le colossal essor de la Chine ces dernières années, est aujourd'hui menacée par son ralentissement. Le Fonds monétaire international (FMI) n'y va pas par quatre chemins : il a exprimé mardi son inquiétude sur les «répercussions» de l'essoufflement du géant asiatique «sur d'autres pays par la voie du commerce et du recul des cours des produits de base», peu après la publication des chiffres de la croissance chinoise en 2015. Avec une croissance qui a reculé à 6,9% l'an dernier, le niveau le plus bas depuis 25 ans, l'économie chinoise s'essouffle et ce sont les pays émergents qui en subissent d'abord les conséquences. «Les pays producteurs de matières premières sont déjà en train de payer le prix fort» de la chute des cours provoquée par la chute de la demande chinoise, a expliqué à l'AFP Christine Rifflart, auteur d'une récente étude de l'OFCE, intitulée «Pays émergents : la fin de la très grande illusion». «Ce ralentissement marqué en Chine engendre des dégâts collatéraux qui se traduisent par des récessions très marquées dans les pays exportateurs de matières premières» qui se retrouvent avec des dettes importantes accumulées en période de croissance, quand il leur était facile de se financer sur les marchés, a-t-elle ajouté. «Nous sommes beaucoup plus inquiets sur les perspectives des pays émergents hors Chine et, en particulier, les pays producteurs de matières premières» que par le ralentissement du géant asiatique, a reconnu Jean-Michel Six, le chef économiste de l'agence de notation Standard and Poor's pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique.
«Leurs marges de manoeuvre sont très faibles», admet Mme Rifflart. D'autant que les États-Unis ont commencé en décembre à resserrer leur politique monétaire. Par conséquent, ces pays font face «en même temps à une dégradation continue du côté chinois et à un resserrement de la politique monétaire américaine», ce qui pénalise leur capacité d'emprunter sur les marchés financiers pour combler la chute de leurs revenus. L'économiste de l'OFCE est pessimiste. «Le ralentissement chinois se produit à un moment où la situation des émergents est déjà très dégradée. Je ne vois pas les ressorts de la croissance à moyen terme pour les pays producteurs de pétrole ou exportateurs de matières premières», a-t-elle expliqué.
Avec la croissance chinoise qui recule et les pays émergents qui se retrouvent sous la menace de la récession, le commerce mondial est également pénalisé. «Il y a un effet domino, via des effets réels comme le ralentissement de la demande et donc baisse du commerce», juge Mme Rifflart. Les pays développés ne sont pas épargnés. En Europe, par exemple, l'Allemagne se retrouve dans une situation inquiétante : Berlin expédie, en effet, près de 7% de ses exportations vers la Chine. Une situation qui, par ricochet, expose aussi les pays voisins. En outre, pour faire face à la chute de la demande interne, l'industrie chinoise cherche à écouler sur le marché mondial ses excédents à des prix défiant toute concurrence, bénéficiant d'une devise qui s'affaiblit face au dollar. «Avec ses surcapacités, la tentation existe pour le géant asiatique de vouloir vendre davantage de produits à l'étranger. C'est un risque déflationniste pour le reste du monde», assure Olivier Garnier, chef économiste groupe à la Société générale. Cette tendance n'arrange pas les affaires de la Banque centrale européenne (BCE), qui aura bien du mal à atteindre son objectif de 2% d'inflation cette année avec la chute des prix des importations chinoises, couplée à l'effondrement des prix du pétrole et des matières premières.
Dans des secteurs industriels, comme la sidérurgie, l'Europe et les États-Unis ont déjà commencé à sentir les effets du ralentissement chinois, comme l'a récemment dénoncé le ministre de l'Économie Emmanuel Macron, qui a demandé la mise en place de mesures pour protéger l'industrie européenne.