14 Janvier 2016 À 19:03
Le Maroc n’a pas intérêt à baisser le rythme de l’investissement. Bien au contraire, il est appelé à «poursuivre le processus d’accumulation de son capital physique». C’est en somme le principal message de l’étude sur le «Rendement du capital physique au Maroc» réalisée par le Haut Commissariat au Plan (HCP) et présentée mercredi à Rabat. Le pays ne doit ainsi «jamais être tenté de résoudre les contraintes du financement de l’économie par la baisse de l’investissement, au lieu d’une politique favorable à l’amélioration de l’épargne nationale», lance Ahmed Lahlimi, haut commissaire au Plan. Un clin d’œil au gouvernement qui avait décidé d’annuler 15 milliards d’investissements publics en 2013.
«Quel que soit le rendement de l’investissement, l’amélioration de l’intensité capitalistique accroit la productivité du travail et, partant, la richesse nationale, l’emploi et les revenus», argue-t-il.Selon l’étude du HCP, le Maroc n’a pas encore atteint le niveau observé dans d’autres pays comparables, au niveau de l’accumulation du capital. Et ce, malgré que le taux d’investissement soit passé de 24,8% du PIB en 1999 à 35,1% en 2010 et à 32% en 2014. L’intensité capitalistique de la Turquie représente deux fois celle du Maroc. Celles de la Corée du Sud et de la Malaisie sont de 6,3 et 3,5 fois respectivement, indique le HCP. Et malgré l’effort d’accumulation du capital durant la décennie 2000, la croissance économique n’a pas connu le même rythme d’évolution que l’investissement. Avec un taux moyen annuel de croissance de 4,4% par an durant cette période et celui de l’investissement de 6,2%, l’efficacité marginale s’est détériorée. Le coefficient marginal du capital (ICOR) se situe à près de 7 unités en 2014.
Toujours selon le HCP, les services ont été le principal secteur qui a contribué à l’intensification des investissements durant les années 2000. Le taux d’investissement réalisé par ce secteur est passé de 36,8% par an en moyenne entre 1998 et 2007 à 45,6% entre 1998 et 2014. Au moment où celui de l’industrie est resté quasi constant, à près de 29,3% par an durant les deux périodes. Celui du secteur de l’agriculture a fléchi de 13% par an à 7,3%. Dans ces conditions, l’intensité capitalistique s’est améliorée de 5,2% par an durant la période 1998-2014 dans le secteur des services au lieu de 4,9% dans l’industrie et 1,2% dans l’agriculture.Toutefois, si l’amélioration de l’intensité capitalistique dans les services a été portée par l’accumulation effective du capital dans ce secteur, celle dans l’agriculture et l’industrie aurait été induite par les baisses d’emplois enregistrées dans ces secteurs.
Le secteur agricole n’a cessé de perdre des postes d’emploi durant toute la période 1999-2014. Il a perdu en effet 13.600 postes en moyenne annuelle et, particulièrement, de manière aiguë entre 2008 et 2014, avec 23.900 pertes d’emploi par an. De même, le secteur de l’industrie a perdu en moyenne 7.500 postes d’emploi par an durant l’ensemble de la période et plus précisément de manière significative entre 2008 et 2014, avec 16.500 par an. «Le modèle actuel de croissance du pays donne aujourd’hui des signes évidents d’essoufflement», estime Ahmed Lahlimi. Il a réitéré son appel à engager le pays dans une réforme profonde de ses structures économiques et une ouverture sur un nouveau modèle de croissance. Pour ce faire, l’étude du HCP préconise de revisiter l’allocation sectorielle des investissements. Objectif : valoriser les larges marges de croissance et d’emploi disponibles dans des secteurs où les taux d’investissement sont en deçà de leur contribution à la valeur ajoutée nationale.
Pour Ahmed Lahlimi, l’approche de la «croissance endogène» montre que la transformation des structures économiques au Maroc, confortée par les intensifications capitalistiques dans l’agriculture et l’industrie, tout en étant accompagnée par la poursuite de l’accumulation du capital humain et l’amélioration de la gouvernance, permettraient, à terme, des gains de croissance de plus de 3 points. Dans cette perspective, la croissance économique potentielle du Maroc devrait se situer globalement entre 7 et 8% en moyenne annuelle.