04 Août 2016 À 17:44
«L'environnement (en termes de devises) évolue si rapidement, le yen s'est renforcé davantage que ce que nous avions prévu», a déclaré un responsable de Toyota, Tetsuya Otake, lors d'un point presse à Tokyo, évoquant notamment l'effet du Brexit qui a fait grimper la devise nippone, considérée comme une valeur refuge.Les nouvelles estimations du groupe, connu pour sa citadine Yaris, ses berlines Crown et Corolla ou son hybride Prius, situent le dollar à 102 yens sur l'année, contre 120 yens un an plus tôt. Le numéro un mondial a en conséquence abaissé ses projections pour l'ensemble de l'exercice qui s'achèvera en mars 2017.
Le bénéfice net est désormais attendu à 1.450 milliards de yens (12,8 milliards d'euros, -37,3% sur un an), au lieu de 1.500 escomptés précédemment. Le profit d'exploitation devrait plonger encore plus lourdement, de 43,9% à 1.600 milliards de yens, affecté à hauteur de 1.120 milliards de yens (9,9 milliards d'euros) par les fluctuations de monnaies. Sur le seul premier trimestre (avril à juin), Toyota a vu son bénéfice net diminuer de 14,5% à 552,5 milliards de yens (4,5 milliards d'euros au taux de change retenu par Toyota), et son gain opérationnel de 15% à 642,2 milliards de yens. «Ces dernières années, nos résultats ont été dopés par les taux de change. Mais ce vent favorable a tourné et nous nous voyons désormais tels que nous sommes», avait averti le PDG Akio Toyoda en mai.
Toyota, qui a maintenu une importante base de production au Japon (40% des véhicules fabriqués), souffre plus encore que ses rivaux du raffermissement du yen, qui renchérit mécaniquement le coût des véhicules exportés, tout en diminuant les recettes encaissées à l'étranger. Nissan, partenaire du français Renault, a ainsi présenté des comptes de meilleure tenue la semaine dernière, car «il essaie depuis plusieurs années de localiser la production au plus près des marchés, ce qui permet de minimiser les risques», explique Yoshiaki Kawano, expert du secteur au sein du cabinet IHS Markit, interrogé par l'AFP.
Derrière l'appréciation du yen se cache «une performance relativement bonne», a cependant assuré le dirigeant de Toyota qui a mis en avant «les efforts de réduction de coûts et un marketing renforcé». Si le chiffre d'affaires a fléchi (-5,7%) sur la période passée en revue, à 6.589,1 milliards de yens (54 milliards d'euros), les ventes ont légèrement augmenté en volume, à 2,5 millions d'unités. Un redressement a été observé au Japon, l'Europe s'est bien portée, la Chine aussi. En revanche, l'activité a décliné en Amérique du Nord, traditionnellement point fort de la firme, sur fond de difficultés de ses modèles hybrides Prius (essence-électricité) dans un contexte de pétrole bon marché.
S'agissant des volumes, la tendance globalement positive devrait se poursuivre sur l'année comptable pour atteindre l'objectif de 10,15 millions de véhicules écoulés sous les marques Toyota, Lexus (voitures de luxe), Daihatsu (mini-véhicules) et Hino (poids lourds). Les recettes devraient néanmoins perdre 8,5% sur un an à 26.000 milliards de yens. Toyota a évoqué des risques persistants en lien avec le ralentissement des économies émergentes et la décision du Royaume-Uni – où le groupe possède deux usines – de quitter l'Union européenne, mais «à ce stade nous n'avons pas une vision pessimiste du marché automobile», a souligné Tetsuya Otake. Par ailleurs, la compagnie de la région de Nagoya (centre) s'est voulue rassurante après les séismes qui ont secoué le sud-ouest du Japon en avril, la forçant à interrompre momentanément sa production. «Les usines accélèrent la cadence pour rattraper nos plans initiaux», a-t-il dit. Fragilisé par cette contre-performance financière, Toyota pourrait en outre perdre en 2016 son titre de premier constructeur mondial qu'il détient depuis 2012. Sur les six premiers mois, il a été doublé par le colosse allemand Volkswagen.