Fête du Trône 2006

«La création de l’Entraide nationale s’inscrivait dans la dynamique de développement social lancée après l’indépendance»

Depuis l’indépendance, l’Entraide nationale est l'un des principaux mécanismes de l’État en matière de développement social et de lutte contre l’exclusion et la précarité. Il y a quelques jours, cette institution célébrait le 60e anniversaire de sa création. Nous avons rencontré son directeur général, Abdelmounaïm Madani. Il nous parle de l’histoire de cette institution, des mutations qu’elle a connues au fil des années, de sa relation avec l’INDH et de son nouveau plan de développement.

Abdelmounaïm Madani.

10 Juillet 2017 À 19:49

Le Matin : L’Entraide nationale vient de fêter son 60e anniversaire, parlez-nous du contexte de sa création par feu S.M. Mohammed V ?Abdelmounaïm Madani : L’Entraide nationale (EN) a été créée au lendemain de l’Indépendance, précisément le 27 avril 1957. C’est une initiative royale pleine de sens, compte tenu de sa philosophie et de son objectif. Elle visait principalement à contribuer à la lutte contre la pauvreté. La création de l’EN s’inscrivait, ainsi, dans la dynamique de développement et de construction du pays. Le Maroc ne disposait, à l’époque, d’aucun dispositif public de l’action sociale. Seules les Associations musulmanes de bienfaisance (AMB) constituaient et structuraient le champ de l’action sociale du Royaume. Toutes les grandes villes du Maroc se dotaient de ces structures de prise en charge des personnes en difficulté, notamment les enfants. Au lendemain de l’indépendance, les AMB constituaient le seul cadre institutionnel de l’action sociale. Pour structurer ce secteur, l’État a lancé l’EN pour assurer le portage de quelques programmes sociaux et fédérer et appuyer les AMB, qui sont passées entre temps sous sa tutelle. Cela a marqué le tout début de la démocratie participative au Maroc. L’État et les initiatives privées se sont associés pour la création d’une action publique dans le social. Compte tenu de son importance, l’EN a été placée à l’époque sous la présidence de S.A.R. la princesse Lalla Aïcha.

Quelles sont les étapes par lesquelles est passée l’EN ?En 1968, l’EN fut érigé en Haut-Commissariat à l’EN. Si la période de feu S.M. Mohammed V était une période d’institution, la période de feu S.M. Hassan II était une période d’institutionnalisation. L’objectif poursuivi était de rapprocher l’EN de l’architecture institutionnelle du pays et de l’insérer dans les mécanismes de l’action sociale de l’État. Quatre ans après, un décret royal a institué le secrétariat d’État à l’Entraide nationale dont la mission était de porter la politique de l’Entraide nationale. Au niveau institutionnel, l’EN était érigée en établissement public relevant du secrétariat d’État. Aujourd’hui, l’Entraide nationale trouve sa continuité dans l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), le chantier de règne de Sa Majesté Mohammed VI, qui a fait de la problématique sociale et de la lutte contre la pauvreté une priorité nationale. Avec le lancement de l’INDH, les activités de l’EN ont connu une redynamisation à plusieurs niveaux. L’EN a aligné ses interventions sur les priorités de l’INDH, notamment le volet relatif à la lutte contre la précarité.

Qu’en est-il de l’évolution des attributions de l’EN ?Depuis le dahir de 1957 jusqu’au décret de 1972, la définition des attributions était très générale, cela tient au fait que l’EN était le seul établissement public en charge du social. Il fallait, en fait, lui attribuer une mission globale lui permettant d’intervenir dans plusieurs domaines. Ainsi, l’EN était appelée à prêter assistance sous toutes les formes et à contribuer à la promotion familiale. D’ailleurs, les premiers programmes d’émancipation de la femme étaient domiciliés à l’Entraide nationale. Les actions d’assistance directe étaient également portées par l’EN.

Comment se déclinent aujourd’hui la mission de l’EN ?Au début des années 2000, l’EN a connu une période de relâchement, due aux difficultés de gestion. En 2012, l’autorité de tutelle a décidé de soumettre l’établissement à une étude pour redynamiser l’institution. Cette étude a été assortie d’un plan de développement qui entame sa deuxième année de mise en œuvre.

Que propose ce plan de développement ?Le plan de développement a confirmé le rôle majeur joué par l’EN en matière sociale. Selon les conclusions, l’EN est l’opérateur national d’assistance sociale dans le cadre de la politique du Royaume en matière de lutte contre la précarité et l’exclusion. Elle est également l’interface privilégiée pour l’écoute et l’orientation des populations ciblées. Le plan de développement a accordé un nouveau rôle à l’EN, en l’occurrence la veille sociale dont l'objectif est d’assurer une disponibilité professionnelle qui permet de repérer, territorialiser et de mesurer les phénomènes d’exclusion sociale.

Quelle a été la feuille de route tracée par ce plan de développement afin d’atteindre ces objectifs ?Le plan de développement avait prévu une stratégie basée sur 4 axes d’intervention et s’articulant autour de 14 programmes, 22 chantiers et 58 projets. Le premier axe d’intervention porte sur la redynamisation des activités de l’EN pour qu’elles soient au service d’une politique sociale maitrisée. Le deuxième axe est relatif au développement d’une expertise en matière d’assistance sociale. Le troisième niveau d’intervention concerne l’aide et l’appui aux pouvoirs publics territoriaux et aux départements ministériels pour relever le défi social. Professionnaliser le modèle de partenariat associatif est le quatrième axe d’intervention de l’EN fixé par la stratégie.

Quel bilan peut-on faire de la mise en œuvre du plan de développement ?Deux ans après sa mise en œuvre, le travail de l’EN devient structuré avec un ciblage catégoriel direct concernant quatre catégories, en l’occurrence les femmes et les enfants en situation difficile, les personnes en situation de handicap et les personnes âgées. L’EN devient l’opérateur national en matière d’assistance nationale dans le cadre de la politique nationale de lutte contre la précarité. S’agissant de la veille sociale, nous avons lancé une grande étude qui sera prête dans les mois qui viennent. Celle-ci porte sur la mise en place d’un dispositif de veille sociale. Aujourd’hui, nous sommes le bras armé du ministère de la Solidarité. Notre travail consiste en l’opérationnalisation de toutes les politiques publiques en matière sociale. Depuis fin 2015, nous avons la charge d’opérationnaliser le volet handicap du fonds d’appui à la cohésion sociale. Des réalisations concluantes ont été enregistrées à ce niveau. Parmi elles figure la mise en place des Centres d’orientation et d’assistance aux personnes en situation de handicap. Il s’agit là d’une nouveauté du plan de développement. C’est notre fierté. Le travail de ces centres s’inscrit dans la rénovation du dispositif des prestations sociales directes, qui se fait désormais selon une nouvelle logique d’assistance sociale. L’autre nouveauté est la création des unités de protection de l’enfance (UPE). Notre objectif est la généralisation de ces unités à raison d'une UPE par province. Nous avions recruté 140 jeunes travailleurs sociaux depuis fin 2016 pour exécuter cette mission. Actuellement, ils sont en phase de tests pilotes pour l’élaboration de dispositifs locaux. Également au menu de 2017, le recrutement de 87 assistantes sociales pour accompagner les femmes en difficulté. Ces assistantes seront déployées dans les nouveaux espaces multifonctionnels des femmes.

Quid des projets programmés ?En 2018, nous allons nous focaliser sur la politique du vieillissement afin de remédier aux insuffisances flagrantes en la matière. L’objectif est de mettre en place un dispositif d’assistance aux personnes âgées. Notre principale mission est d’élaborer et de mettre en œuvre des dispositifs d’assistance sociale territoriaux, inclusifs et intégrés, capables d’accueillir les citoyens démunis. 

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