18 Mai 2017 À 17:52
Éco-Conseil : La lecture des émotions du client constitue désormais une démarche importance pour réussir une négociation. Pourriez-vous nous en dire plus ?Hanane Oubidar : Pendant plusieurs années, la négociation était un art stratégique où vendeur et acheteur pouvaient se livrer à des stratagèmes complexes et intelligents pour gagner la partie : mettre en place plusieurs alternatives, avoir une réponse parfaire pour chaque objection… Aujourd’hui et grâce aux différentes études scientifiques dans ce domaine, il est devenu clair que pour bien réussir ses transactions commerciales et ses négociations, il est impératif de comprendre le rôle des émotions. Savoir déchiffrer les émotions clés chez son interlocuteur (colère, anxiété, déception, enthousiasme…) peut s’avérer crucial pour mener à bien sa négociation. Combien de marchés avons-nous «ratés» parce que nous avons mal discerné la réaction de notre prospect ? Combien d’échecs avons-nous subis parce que nous n’avons pas su nous maîtriser face à une réaction mal interprétée ? La lecture des émotions s’impose dans les deux sens : comprendre les émotions qui animent notre interlocuteur et surtout se connaître soi-même et savoir gérer ses réactions en développant notre intelligence émotionnelle.
Comment peut-on lire et décoder les émotions d’un client ?Apprendre à lire et décoder les émotions de nos clients est une compétence aujourd’hui nécessaire dans toutes les situations de la vie. L’intelligence émotionnelle est une compétence qui nous permet de gérer nos émotions et d’apprendre à les communiquer de manière pertinente sans leur laisser le pouvoir de mener la danse ! Pour apprendre à devenir plus intelligent émotionnellement, une première étape s’impose à nous, et comme le disais si bien Socrate «Connais-toi, toi-même», apprendre à se connaître consiste à nommer ce qu’on ressent et pourquoi on le ressent, quels sont ces états internes qui nous habitent face à des situations du quotidien et quelles interprétations nous donnons à ces réactions. L’observation de soi et des autres peut nous aider à apprendre à déchiffrer ce monde des émotions qui nous laisse parfois sans défense face à nous-mêmes, avant que ça soit face aux autres. Pour y arriver, deux comportements sont à adopter systématiquement : le premier consiste à observer les réactions physiques de mon client (les gestes, la posture, les expressions du visage…) Ils peuvent nous être très utiles pour déchiffrer les émotions que ressent l’autre. Cela consiste aussi à devenir empathique et tenter de comprendre la source même du comportement de l’autre, au lieu d’être dans le jugement. Le deuxième comportement consiste à s’autoriser à mettre des mots sur ce que nous ressentons. Des phrases simples et pratiques qui peuvent nous rendre plus humains aux yeux de ceux qui nous entourent : «je suis vraiment heureux», «je suis ravie et enchanté», «merci, je me sens comblé»…
N’ayons pas honte d’exprimer les belles choses qui nous animent, au même titre que les émotions qui nous perturbent, sans utiliser le «tu qui tue», qui ne sert qu’à vider son sac et à envenimer les relations ! Apprendre à remplacer les phrases du type : «vous ne m’avez pas compris», «vous êtes en tort» par des phrases que vous débutez par «JE» : «je me suis mal exprimé» ou «j’ai un avis différent sur le sujet». Exprimer ses émotions et apprendre à les gérer quand le tsunami émotionnel nous tombe dessus n’est pas un exercice facile, c’est pour cela qu’il faut s’exercer, en prenant du recul dans les situations du quotidien, chez nous, avec nos proches, pour pouvoir ensuite transposer le même comportement dans le monde professionnel.
Quel type d’action envisager face à un client qui exprime une émotion négative, notamment la colère ?Nos émotions s’emparent de nous avec une rapidité qui peut nous accabler et quand la réaction vient de l’autre, nous sommes tout simplement perdus ! Ce qu’il faut garder en tête, c’est que le processus émotionnel est très lié à nos besoins. La colère est une émotion qui survient quand l’un des deux besoins primordiaux est bafoué : le besoin de reconnaissance ou le besoin d’autonomie. Nous devons alors rester très vigilants et prévenir l’apparition de la colère en nourrissant ces deux besoins, et pour cela, il est préférable de connaître son interlocuteur pour ne pas commettre de bavure. À défaut de le connaître, il est préférable d’éviter les mots ou comportements qui pourraient être mal interprétés par notre client et de garder un discours ouvert, suggestif et surtout bienveillant.