30 Novembre 2017 À 13:57
L’activité bancaire sous sa forme participative fait ses premiers pas au Maroc, mais… sur une voie non encore entièrement balisée. Les premiers crédits labellisés participatifs sont, en effet, déjà octroyés, mais dans des conditions non optimales. Ils doivent d’abord être plus chers que les produits classiques vu qu’ils sont désavantagés comparés à ces derniers sur le plan fiscal. Mais, ce ne serait qu'une question de temps. Un effort sera, en effet, consenti par le gouvernement pour se diriger vers une équité fiscale, tel qu’il ressort du projet de Budget actuellement au Parlement.r>Cette activité naissante pâtit également de l’absence de l'assurance participative Takaful, dont la mise en place est en cours. De ce fait, les prêts accordés actuellement, en l’occurrence Mourabaha immobilière pour l’achat de logements, ne sont pas adossés à une assurance pour couvrir les risques de décès et d’invalidité. Ce qui expose les clients, mais aussi les banques aux risques en cas de sinistre. Un risque qu’il revient à chaque banque d’évaluer pour voir si cela vaut la peine de s’y mettre, note Mohamed Wail Aaminou, directeur général d’Al Maali Consulting Group, cabinet de conseil et de formation en finance islamique. Mais, également pour les clients pressés de contracter un crédit participatif sans attendre l’assurance Takaful. Ceux-ci s’engagent, en tout cas, une fois celle-ci prête, à contracter une assurance, indique Wail Aaminou.
Mais, pour cela, ils doivent patienter plusieurs mois. La sortie de l'assurance Takaful n'est pas pour demain. Les plus optimistes l'annoncent pour le premier trimestre de l’année prochaine. Des professionnels ne se hasardent pas à avancer une date, tel ce directeur d’une compagnie d’assurance de la place qui évoque comme argument la complexité du chantier. Celui-ci nécessite la préparation d’une multitude de projets de circulaires et d’arrêtés, fait remarquer notre interlocuteur qui indique que la profession et l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) sont en contact permanent depuis des mois, pour faire avancer ce chantier. Ces réunions de travail portent sur plusieurs aspects, dont les ajustements à apporter au plan comptable en lien avec les spécificités de l'assurance participative. Autant dire que ce chantier demande du temps. «Lorsqu’on est en construction, il faut se donner le temps qu’il faut», argumente-t-il, précisant qu’«il ne faut pas confondre rapidité et précipitation». Surtout que l'assurance Takaful n’est pas le seul chainon manquant à l’écosystème de la banque participative, relève l'assureur ayant requis l'anonymat. Manquent également à cet échafaudage, le marché des Sukuks (émission obligataire Charia compatible) et la création d'un indice boursier Sharia compliant qui sont nécessaires à la mise en place d'un marché financier participatif.r>Notre assureur fait remarquer que les banques ont eu quatre ans pour mettre en œuvre les dispositions de la banque participative, contenue dans la loi bancaire adoptée en 2013. Et pour la loi sur le Takaful publiée en septembre 2016, il faudrait aussi, à ses yeux, accorder du temps à la profession.
Ce nouveau segment bancaire a donc besoin d'un marché financier participatif pour fonctionner normalement. Son absence pose, en effet, des problèmes relatifs à deux aspects : placement et refinancement, explique le DG d’Al Maali Consulting Group. Certes, les banques participatives peuvent actuellement fonctionner sans ce marché, puisqu’elles disposent d’un capital de départ et des dépôts des premiers clients et que la pression ne s’exercera pas sur ces liquidités, vu le faible niveau d’activité au début. Toutefois, relève-t-il, la rentabilité de ces banques sera impactée, puisqu’elles ne pourront pas placer leurs excédents sur le marché. À rappeler que la première émission souveraine de Sukuks au Maroc, ne cesse d’être reportée. Initialement prévue au premier semestre 2017, elle a été annoncée pour le mois de septembre dernier par Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib. Mais toujours rien !
Les agréments pour exercer cette nouvelle activité bancaire ont été accordés par le Comité des établissements de crédit aux demandeurs début janvier dernier. Il s’agit au total de cinq agréments pour la création de banques participatives et trois autres pour la création de fenêtres dédiées. Il s’agit pour la première catégorie de CIH Bank en partenariat avec la Qatar International Islamic Bank qui ont créé Umnia Bank ; BMCE Bank of Africa conjointement avec le groupe Dalla Al Baraka (Bank Al Tamweel Wa Al Inma) ; la Banque Centrale Populaire avec le groupe saoudien Guidance (société financière spécialisée dans le financement immobilier) qui ont donné naissance à Bank Al Yousr ; Crédit Agricole du Maroc avec l’Islamic Corporation for the Development of the Private Sector «ICD», filiale de la Banque islamique de développement avec Al Akhdar Bank ; et Attijariwafa bank avec Bank Assafa. Le Comité des établissements de crédit, composé de deux représentants de la Banque centrale, dont le gouverneur en sa qualité de président, et de deux représentants du ministère chargé des Finances, dont la Directrice du Trésor et des Finances extérieures, a également émis un avis favorable pour autoriser trois banques à offrir à leur clientèle des produits bancaires participatifs dans le cadre de fenêtres dédiées. Il s’agit de la Banque marocaine du commerce et de l’industrie qui déploiera ses services de banque participative sous l'enseigne BMCI Najmah, de Crédit du Maroc qui a développé l'enseigne Arreda et de Société Générale, Dar Al Amane.