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Fatima Tabaamrant enflamme la scène de Salé

Comme à l'accoutumée, Fatima Tabaamrant réussit son passage à l’espace de Salé réservé aux artistes marocains. Auteure, compositrice, interprète et bête de scène par excellence, elle a offert un beau spectacle en compagnie de sa troupe de musiciens et de danseurs.

Fatima Tabaamrant reste très à cheval sur le militantisme qu’elle revendique depuis plusieurs années pour contribuer à donner une place au soleil à la chanson amazighe.Ph. Kartouch

14 Mai 2017 À 17:25

Toujours contente de rencontrer son large public, venu spécialement pour savourer ses chansons, Fatima Tabaamrant reste très à cheval sur le militantisme qu’elle revendique depuis plusieurs années pour contribuer à donner une place au soleil à la chanson amazighe qui, selon elle, est restée durant un long bout de temps très marginalisée. «L’art amazigh était considéré comme du folklore. Ce n’est pas le cas actuellement. Mais il faut que l’artiste amazigh soit conscient de sa valeur et il doit être présent à toutes les activités. Il ne faut pas qu’il se sente écarté. Il est, aussi, nécessaire que les conservatoires marocains intègrent l’art amazigh pour le faire évoluer. Sans pour autant délaisser le patrimoine ancestral qui nous aide à garder notre langue, nos traditions et nos costumes. Je suis très contente de voir des jeunes amazighs qui font évoluer la chanson amazighe, mais il faut aussi préserver précieusement notre histoire», souligne l’artiste Tabaamrant dans la conférence de presse qu’elle a tenue avant son concert. La chanteuse a rappelé, dans le même registre, que le militantisme mené par les Raïssate qui l’ont précédée, notamment la Raïssa Sfia Aït El Wassat. «Elle est venue à un moment où il était très difficile pour une femme de chanter. C’est une vraie militante dans l’univers de la chanson amazighe». Dans son point de presse, Fatima a donné son avis sur le statut de l’artiste, en assurant que l’artiste marocain a bénéficié de certains avantages par rapport à ses prédécesseurs. «Il y a encore des difficultés rencontrées au niveau de la mutuelle maladie. Le statut ne doit pas rester uniquement de l’encre sur papier, mais devra être mis en pratique pour que l’artiste puisse en bénéficier. L’artiste marocain a besoin d’être mis en valeur et respecté. C’est le cas aussi de Mawazine où l'artiste devrait être mis plus en valeur. Pour les artistes étrangers, notre pays doit bénéficier de leur présence», précise Tabaamrant, cette Raïssa qui a, à son actif, plus de 160 poèmes, à travers lesquels elle a su briser les tabous pour défendre l’identité amazighe. Native d’Id Salm, elle se forme auprès de grands maîtres, tels que Raïs Moulay Mohamed Belfqih qui l’aide à produire son premier album, en 1985.

Badr Rami offre un concert inoubliable au Théâtre national Mohammed V

Du côté du prestigieux Théâtre national Mohammed V (TNMV), les spectateurs n’ont pas été en reste puisqu’ils furent rassasiés par l’exceptionnelle prestation du chanteur Badr Rami. Cette scène emblématique de la capitale, qui se fait le plaisir d’accueillir, chaque année, les gros calibres invités au festival, a permis au jeune chantre syrien de montrer toute l'étendue de son talent et de rentrer comme ses prédécesseurs par la grande porte. En effet, tout au long de sa brillante prestation, il a fait montre de maîtrise et mis en avant ses capacités vocales, en excellant dans les Mouwachahates et Koudouds Halabiya (chants d’Alep). Cette deuxième soirée de Mawazine restera, sans aucun doute, à jamais gravée dans les mémoires du public du TNMV, car Badr Rami a vraiment laissé une grande impression chez beaucoup de ses fans qui sont venus d’autres villes du Royaume pour le voir. On a eu droit à une ambiance très festive où presque toute l’assistance chantait en chœur les morceaux halabis très réputés dans tout le monde arabe. Ces morceaux qui ont résonné dans la salle du Théâtre furent accompagnés avec virtuosité par les musiciens de l’orchestre, sous la direction du célèbre violoniste, Mohamed Rami Zeïtouni, qui n’est autre que le père du chanteur Badr. Ce dernier n’a pas manqué d’exprimer sa joie et son honneur d’être devant un beau public qui lui fait honneur. «Je suis très ému et heureux d’être devant vous. C’est un plaisir partagé, car je me sens aussi bien marocain que vous», renchérit ce natif de Casablanca, qui porte le Maroc dans son cœur. Cette soirée a été aussi, pour beaucoup de passionnés de ce genre musical, un moment de nostalgie rappelant le grand Sabah Fakhri qui a séduit, durant de longues années, le public marocain. Mais il est sûr que Badr assure la relève et représente magnifiquement le patrimoine syrien et une identité très ancrée. Ce soir-là, il a vraiment réussi le pari d’être l'héritier légitime de la tradition halabie, sans pour autant oublier son deuxième pays, le Maroc, où il est né, en lui rendant hommage à travers l’interprétation la chanson immortelle du Moussiqar Abdelwahab Doukkali «Mana Illa Bachar», qui a, encore une fois, entraîné le public dans une transe joyeuse. Une soirée qui valait vraiment le détour.

La Chypriote Vakia Stavrou ouvre le bal au Chellah

Cette année, ce sont les chants des îles qui sont à l’honneur à la scène du Chellah. Le coup d’envoi a été donné le deuxième jour du festival avec la chanteuse chypriote Vakia Stavrou. Cette belle voix de la Méditerranée qui a retenti dans le ciel du magique site pour le plaisir du fin public fidèle de ce lieu. Accompagnée de son trio musical, le guitariste Carlos Bernardo, le contrebassiste Guillaume Robert et le violoncelliste Octavio Angarita, Vakia Stavrou s’est envolée dans des chants enracinés dans un héritage musical rappelant les sonorités et les couleurs chaudes de son pays d’origine. Un beau mélange de la tradition chypriote et de compositions propres à Vakia, considérée par la presse, comme une voix envoûtante et déchirante, qui emporte par son timbre exceptionnel les plus fins connaisseurs du domaine. Ses compositions sont aussi savoureuses, entraînant le spectateur dans l’essence de la culture méditerranéenne, riche en rythmes et en mélodies, s'abreuvant au contact toutes les cultures du bassin méditerranéen qu’elle porte, également, dans sa voix angélique. Le public a eu droit à un beau voyage à travers les tonalités musicales délicates des trois musiciens virtuoses, très présents dans son dernier Album où Vakia situe son «Alasia» (nom donné à la chanteuse et qui a un lien avec la mer), à travers son inspiration et sa sensibilité exprimée en différentes langues, ce qui la place en tant que révélation de la chanson world. Un univers mariant fado, chanson grecque, nouvelle vague et jazz. 

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