Mondial de l'Automobile 2006

Indignation après la diffusion d'images brutales de la guerre civile

Le visage de cette femme, terrassée par la douleur, est devenu le symbole des années noires en Algérie. Elle venait d'apprendre la mort de plusieurs proches lors d'un massacre contre des civils. Ph. AF

05 Octobre 2017 À 18:12

L'ENTV, la chaine publique algérienne, a diffusé des images difficilement soutenables des massacres de la décennie noire, le 29 septembre, jour du 12e anniversaire de l'adoption par référendum de la «Charte pour la paix et la réconciliation nationale». Cette signature avait ouvert la voie à la fin de la «décennie noire» ayant opposé forces de sécurité et groupes islamistes après l'annulation, en 1992, de législatives en passe d'être remportées par le Front islamique du salut (FIS). Cette guerre civile, qui a traumatisé durablement l'Algérie, a fait officiellement 200.000 morts, dont de nombreux civils, victimes d'attentats ou de massacres à grande échelle imputés aux groupes islamistes, notamment au paroxysme des violences, entre 1996 et 1998. La charte avait offert le pardon aux combattants islamistes encore dans le maquis en échange de leur reddition, ce que choisirent environ 10.000 d'entre eux.

Le documentaire d'une demi-heure environ, intitulé «Pour que nul n'oublie», s'ouvre par plusieurs minutes d'images de cadavres ensanglantés, hommes, femmes, enfants et même bébés, la tête fracassée par une balle ou le corps déchiqueté par une bombe. Ces images sont entrecoupées de témoignages d'habitants en larmes ou hurlant leur douleur. Elles laissent place à celles du Président Abdelaziz Bouteflika, en campagne en 2005 pour l'adoption de la charte et à celles d'Alger aujourd'hui en paix, dont les habitants vaquent leurs occupations dans les rues ou profitent des jardins publics. Remplaçant la musique sinistre accompagnant les images des massacres, une voix off vante les mérites de la réconciliation.

Ces images, d'une brutalité rarement vue à la télévision algérienne, «accentuent les douleurs des victimes du terrorisme islamiste, jamais apaisées, et approfondit leur traumatisme», s'est insurgé auprès de l'AFP Cherifa Khedar, présidente de Djazaïrouna. Cette association de familles de victimes a toujours dénoncé «l'impunité» dont ont bénéficié, selon elle, les auteurs de massacres et le silence autour des milliers de disparus. Durant la guerre civile, les autorités contrôlaient strictement informations et les images des attentats et des massacres.En 2006, Ahmed Ouyahia, alors Premier ministre après l'avoir déjà été entre 1995 et 1998, avait reconnu que l'État avait délibérément minimisé les bilans. Sur les réseaux sociaux, de nombreux Algériens se sont dits «choqués», y voyant, comme une partie de la presse et des observateurs, une opération de «propagande» du pouvoir, confronté à la crise économique et aux spéculations sur la santé du Président Bouteflika. Le but de cette diffusion est purement électoraliste, renchérit Redouane Boudjemaâ, professeur de sciences politiques à Alger : «C'est une manière de ressusciter la peur du terrorisme. Le pouvoir veut faire peur aux Algériens. C'est le début de la campagne pour la présidentielle de 2019. Le message est clair : il faut soutenir ceux qui ont ramené la paix». Interrogé par l'AFP, Zouaoui Benhamadi, président de l'organisme gendarme de l'audiovisuel en Algérie, dont l'un des membres est l'auteur du documentaire, n'a pas souhaité s'exprimer.                                                   

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