16 Février 2017 À 21:27
Vingt-deux ans jour pour jour après la signature à Marrakech du Traité constitutif de la comateuse «Union du Maghreb arabe» par les cinq Chefs d'État maghrébins, l’immobilisme de notre Maghreb tant rêvé reste de mise.
L’UMA a-t-elle encore un rôle à jouer dans la construction de l’unité maghrébine ? À l’heure actuelle, nous vivons une triste réalité du Maghreb. Avec des menaces terroristes dans toute la région, un attentisme inquiétant au sommet de l’État algérien, une situation sécuritaire et institutionnelle inédite en Libye, une crise gouvernementale au Maroc, une instabilité politique et sécuritaire en Tunisie, une frontière terrestre qui détient le triste record de longévité de fermeture dans le monde, entre l’Algérie et le Maroc, et ce depuis 1994, et plusieurs autres frontières fermées ou instables entre les pays maghrébins voisins. Sans parler des accusations mutuelles entre les États de sabotage de la marche vers une vraie et forte Union maghrébine. Entre séparations, tensions et enclavements, les citoyens maghrébins subissent, eux, des drames humains intenables, des coûts élevés au niveau économique, social et sécuritaire, et une crise économique généralisée sur l’ensemble des cinq pays avec des conséquences terribles sur les tissus sociétaux de nos pays. Ainsi, la jeunesse maghrébine est la principale victime de cette inextricable et complexe relation qu’entretiennent les États maghrébins avec l’unité des peuples et l’intérêt suprême du citoyen maghrébin. Avec les faibles moyens destinés à l’éducation et la formation, un chômage massif et croissant, des mouvances jihadistes prônant la violence au sein des sociétés et une immigration clandestine de masse, les jeunes maghrébins vivent dans l’expectative et un pessimisme destructeur.
Par conséquent et devant les effets de la mondialisation et ses enjeux vitaux, l’unité maghrébine relève d’une nécessité humaine existentielle pour le peuple maghrébin. Dans cette phase d’incertitudes, les citoyens du Maghreb ont besoin d’espoir et d’action pour affronter les défis actuels et futurs. Par leurs propres moyens et la conjugaison des atouts de leurs pays, ils doivent se préserver de la misère, des inégalités et des tentations de repli. Dans vingt ou trente ans, les Maghrébins vivront dans un monde et un Maghreb différents. Pour que ce monde et ce Maghreb soient viables, nous devons agir en innovant nos paradigmes de réflexion et d’action. Il est temps pour la jeunesse du Maghreb d’œuvrer pour la consolidation d’une opinion publique commune en vue de voir émerger une vraie citoyenneté maghrébine.
À titre de rappel, la dernière réunion des diplomaties maghrébines à Tunis en mai 2016 prônait : «la nécessité de redonner un nouvel élan à l’édification du Maghreb uni, plaider en faveur d'une approche maghrébine pour faire face à la montée de la menace terroriste dans la région, réviser les textes juridiques et les mécanismes d'action de l'Union», et appelé à développer de nouvelles approches d'action pour sortir l'Union de l'immobilisme. Il s’agit malheureusement de vœux sans suite que le Maghreb officiel réitère depuis plus de vingt ans. Et cela continuera ainsi tant que les États maghrébins useront des instances de la désormais défunte UMA pour marquer des points les unes contre les autres. Ils étaient censés, depuis le 17 février 1989, instaurer un climat de coopération sincère, impulser des actions concrètes de complémentarité commerciale et d’intégration économique, élaborer les paradigmes communs dans l’éducation, la formation, la sécurité et l’économie. Et ce avec comme seul intérêt : le bien commun des peuples maghrébins. Quels résultats a-t-on à ce jour ? Le néant et l’avenir sombre pour nos populations. Comment pourrions-nous bâtir une Union maghrébine, sur la base du texte fondateur de l’UMA, avec l’animosité actuelle entre les gouvernements ?
C’est aux citoyens maghrébins de compter sur leur intelligence collective pour avancer vers un réel Maghreb uni et démocratique. Si les instances représentatives officielles des États maghrébins semblent sombrer dans un attentisme stérile, le Maghreb se fait et se fera au quotidien sans attendre l'aval des États. La jeunesse du Maghreb, ses entrepreneurs, syndicalistes, scientifiques et toutes les composantes de la société civile doivent se fédérer dans des organisations maghrébines communes. Les États du Maghreb doivent prendre en considération cette nouvelle dynamique. Et l'une des orientations que le Maghreb officiel doit opérer est d’ouvrir ses instances représentatives aux représentants de la société civile et notamment des mouvements de jeunesse.
Ainsi, pour redynamiser le chantier unioniste maghrébin, l’action commune de plaidoyer doit et peut s’intensifier. Grâce à la créativité et l’innovation dont fait preuve la jeunesse du Maghreb, la société civile maghrébine pourra faire entendre sa voix haut et fort, et avec plus d’impact sur le cours des événements. La flamme maghrébine pourra ainsi être ravivée par les associations de jeunes. De par leur maitrise des réseaux sociaux et des nouvelles technologies de l’information, elles continueront à créer des dynamiques, soutenues et continues, pour rendre à la politique ses lettres de noblesse, et faire de l’intégration maghrébine une question urgente et vitale. Ce qui parait logique, vu les défis immédiats qu’affronte la jeunesse à cause de la désunion du Maghreb officiel. Elle est également éprise d’espoir et d’ambition, et elle ne traîne aucun poids historique pouvant inhiber sa pensée ou son action. Elle transcende les barrières et vit pleinement une citoyenneté maghrébine, virtuelle sur les réseaux sociaux, et réelle quand la mobilité intramaghrébine la permet.
La jeunesse maghrébine veut et peut s’employer sur plusieurs niveaux : l’ouverture des peuples et leur solidarité, la construction de nouveaux concepts d’institutions maghrébines basés sur la démocratie, l’inclusion des jeunes et de la société civile. L’urgence d’une nouvelle impulsion à la dynamique d’unification des peuples du Maghreb s’explique par l’aspiration des jeunes à vivre en paix dans le monde et dans leur région. La propagation incontrôlable des réseaux sociaux et son appropriation par les jeunes les aideront à être de plus en plus écoutés dans la prise de décision politique en vue de la refondation des institutions unionistes maghrébines. À ce titre, la société civile maghrébine doit multiplier son action pour donner un nouvel et fort élan d’unité et de plaidoirie pour la démocratie, les droits de l’Homme, la liberté et la justice sociale. Cela paraît un préalable essentiel pour toute construction unificatrice solide et pérenne.
Face à une Europe puissante économiquement, mais encline à des réflexes souverainistes et populistes, les sociétés maghrébines, et en premier lieu les jeunes, doivent œuvrer sans tarder pour accomplir le rêve historique qu’est le Grand Maghreb uni et démocratique. La société maghrébine est consciente du changement qui affecte en profondeur ses modes de vie et d’organisation. Elle s’est aisément adaptée à la diversité culturelle qui la constitue : arabité, Islam, amazighité, judaïté, nomadisme, africanité et euro-méditerranéité semblent fusionner, et la jeunesse maghrébine vit avec épanouissement une telle richesse. Le succès du projet de civilisation que la jeunesse prône de toutes ses forces ne peut se consolider qu’au sein d’un Maghreb uni, démocratique et riche de toutes ses composantes. Nous sommes les héritiers d’un espace géo-historique basé sur un seul «ADN» socioculturel fécondé par les mêmes civilisations, riches par leur diversité. Cette osmose se manifeste de nos jours par des similitudes culturelles, linguistiques, artistiques, sociales et culinaires d’une clarté incontestable. Les peuples maghrébins ressentent ainsi la nécessité de transformer ces atouts en un construit institutionnel et civilisationnel commun. Ils ont exprimé, lors des derniers soulèvements de 2011, des attentes considérables au niveau économique et social, et des appels virulents pour une meilleure gestion de la chose publique. Ils ont appelé à l’application de l’État de droit et l’amélioration des conditions politiques, juridiques et électorales au Maghreb. Ils exigent de plus en plus l’accès de tous à une éducation de qualité et à la formation, basées sur les principes d’égalité et permettant l’épanouissement et l’ouverture sur le monde. Ils aspirent à l’éducation des générations futures aux droits de l’Homme et à l’égalité entre hommes et femmes. Ils ont toujours manifesté leur générosité envers les plus faibles et leur condamnation de toutes les formes de racisme et d’extrémisme.
L’on ne peut plus miser uniquement sur un État-nation renfermé sur lui-même et comptant sur ses propres moyens faibles et limités. Toutes les analyses tendent vers l’urgence de l’intégration maghrébine économique et, plus tard, politique. À l'heure de la consolidation des blocs régionaux en Europe, en Amérique, en Asie et même en Afrique, le Maghreb reste, hélas, la sous-région la moins intégrée du Globe. Il traîne encore des conflits et des animosités hérités de la période de la guerre froide au lieu de s’activer pleinement pour l’avenir commun du peuple maghrébin.
Il est temps par conséquent de travailler ensemble pour le lancement d’un nouvel ordre maghrébin basé sur la coopération, la solidarité, la libre circulation, la résolution pacifique des différends et le partenariat stratégique entre les cinq pays du Maghreb pour un meilleur avenir commun. Les jeunes maghrébins y sont prêts et peuvent y contribuer activement en construisant une vraie opinion publique maghrébine comme animateur majeur d’un tel objectif. À travers son sens élevé de l’innovation et sa maîtrise totale des réseaux sociaux et des nouvelles technologies de l’information, telles que les Web télévisions et les portails interactifs et multi-usages, l’on pourra voir émerger des espaces permanents et instantanés de débats à travers tout le Maghreb sans obstacles ni frontières. Tous les sujets d’actualité et les questions de sociétés peuvent faire l’objet d’analyse et de consolidation d’opinions au sein de toutes les strates de la société maghrébine. Une telle dynamique aura comme résultat le renforcement de l’idée même de citoyenneté maghrébine. Les citoyens maghrébins auront par la force des choses la possibilité d’exiger le bannissement des frontières et le lancement de jalons et de ponts pour un Maghreb uni, ouvert, fort par et pour le citoyen. Sortons alors de l’insularité des esprits vers la clairvoyance de l’intelligence collective. Cela rendra plus aisée l’entame d’une véritable marche volontariste vers le Maghreb uni et démocratique proclamé par les peuples et transcendant les générations et les périodes.