29 Septembre 2017 À 18:10
«L’industrie cinématographique : de la chosification des femmes à la parité» est la thématique du premier Forum, auquel ont pris part plusieurs spécialistes en la matière afin de débattre du sujet et toutes les problématiques qui l’entourent. «Dans ce sujet, deux points m’ont paru intéressants, notamment celui de la présence de la femme au cinéma marocain sur le plan quantitatif. Chose qu’on ne peut pas discuter, car parfois même elle dépasse ce qu'exige la parité. Mais le problème se pose au niveau de la qualité et la manière avec laquelle on traite le sujet de la femme et son image. C’est-à-dire que lorsqu’on écrit un personnage féminin, est-ce qu’on écrit un personnage conventionnel ou dynamique et évolutif qui va participer au changement de cette image, bien plus encore, à la mentalité et mémoire collective de la société. Sachant que la fiction a un pouvoir sur cette mémoire collective de la société. Voilà où le bât blesse encore.
Malheureusement, certains de nos collègues et confrères ne travaillent pas suffisamment sur ce sujet et restent dans la facilité d’une image de la femme stéréotypée et ne se cassent pas la tête pour produire une autre représentation. Un autre point aussi important est celui du décalage entre le texte juridique et son application dans la société. C’est vrai que nous avons fait beaucoup de progrès dans les textes, mais il reste la mise en pratique. Nous avons là un problème de moralité, parce que les lois sont faites pour s'appliquer à tout le monde. Il nous reste encore beaucoup de travail à faire dans ce sens», précise le réalisateur et scénariste Saâd Chraïbi. Pour sa part, le sociologue et critique de cinéma Mohamed Benaziz pense que cette vision de la femme dans le cinéma est présente, en général, dans tous les cinémas du monde, pas uniquement au Maroc. «On prend souvent l’homme riche et la femme sexy. C’est tout un conflit entre les droits et la réalité. À propos de la réalité, nous constatons que la conscience du peuple marocain est masculine, sachant que les contes, les chansons et les anecdotes consommés en général incarnent le stéréotype de la femme. Ainsi, celui qui écrit le scénario est lui-même imprégné de toutes ces choses-là qu’il ne peut chasser de son subconscient. Peut-être qu’il ne le dira pas dans son scénario, mais puisqu’il a grandi avec cela, il le pense intérieurement. Cette inconscience reste ancrée dans le subconscient de la personne qui, en écrivant, reste sous l’effet de cette influence. Nous devons lutter contre cette inconscience populaire pour construire une nouvelle conscience qui donne à la femme sa vraie valeur», souligne Mohamed Benaziz.
En effet, comme l’a indiqué Amal Al Idrissi, activiste et chercheur dans les droits de l’Homme, on assiste souvent à une discrimination de la femme dans le cinéma et au stéréotype du genre. Une image toujours stéréotypée qui confine la femme dans des rôles traditionnels, comme la femme au foyer ou victime de violence, qui est là pour son mari, ses enfants… Elle est enfermée dans des espaces privés alors que l’homme est généralement libre de ses mouvements, prend les décisions, la laissant dans la sphère de l’obéissance et de la soumission. «C’est vrai que les textes de loi sont très avancés à propos de la discrimination, mais dans la pratique, rien ne se fait. Une étude a été dernièrement réalisée par la Haute Autorité de la communication audiovisuelle où 70% de la publicité consacre la domination de l’homme et confine la femme dans le rôle du foyer. Donc, il y a un besoin pressant pour une action effective afin d’améliorer la représentation de la perception de la femme dans la société. Il y a toute une bataille à mener par tout le monde, car toute la société est concernée. Et là, le rôle du cinéma et de tout créateur est très important pour lutter contre le personnage stéréotypé de la femme pour lui rendre sa valeur, sa dignité et ses droits», explique Amal Al Idrissi.