26 Juin 2017 À 15:49
Les tissus anciens des Médinas au Maroc constituent une richesse patrimoniale inestimable et unique dans le monde. Ils représentent ainsi environ 10% du patrimoine immobilier et abritent à peu près cinq millions d'habitants et des dizaines de milliers d'unités d'activité (dinanderie, bijouterie, tissage traditionnel, poterie, zellige...). Mais ce tissu ancien est en proie à la dégradation. En effet, représentés par une trentaine de médinas, des dizaines de ksour et de casbahs, une dizaine de villes coloniales, ainsi que les villages ruraux historiques, les tissus anciens comptent aussi plus de 250.000 constructions. Pourtant, le nombre de médinas classées au patrimoine national sont au nombre de trente-cinq seulement, selon le dernier rapport de la Cour des comptes. Ces médinas sont dotées d’importantes résidences privées (riads), d’écoles coraniques (medersas), de caravansérails (fondouks), bains publics (hammams), bassins d’eau, fontaines et autres structures publiques.
Le reste des médinas n’est toujours pas classé, bien que le volet juridique représente un outil primordial de la sauvegarde du patrimoine – le classement et l’inscription constituent en effet deux régimes de protection que le législateur a prévus pour assurer la protection juridique du patrimoine culturel national, notamment les monuments historiques et les sites. Selon le rapport de la Cour des comptes, plusieurs contraintes réglementaires régissent encore les domaines du patrimoine et entravent l’opération de classification, à commencer par les lacunes relevées au niveau de la loi 22-80 du 25 décembre 1980 relative à la conservation des monuments historiques et des sites, des inscriptions, des objets d'art et d'antiquité. Des lacunes qui ont eu pour conséquence la lenteur et la complication des procédures de classement de biens meubles classés ou même inscrits et la non-application avec rigueur de la loi susmentionnée.
En outre, le rapport note l’absence de référence aux engagements internationaux du Maroc (notamment la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de Paris de 1972 et la convention de La Haye de 1954 relative à la protection du patrimoine culturel en cas de conflit armé) ainsi que la non-disponibilité d’un texte organisant de façon spécifique les métiers de l’artisanat. Le rapport soulève également la problématique de la multiplicité des intervenants dans le secteur des tissus anciens des médinas. «Les interventions sont multiples et éparses comme elles peuvent être directes (sur la bâtisse elle-même) ou indirectes (sur les infrastructures environnantes), sans qu’il y ait d’objectifs communément partagés», peut-on lire dans le rapport.
Pour pallier ces lacunes, quelques initiatives ont été entreprises dans le domaine des tissus anciens des médinas. Il y a lieu de citer le projet de stratégie nationale pour la réhabilitation du tissu ancien élaborée en 2006 par le Conseil national de l’habitat, une instance créée en 2002 avec pour mission de contribuer à la définition des orientations et des stratégies en matière d’habitat et qui a élaboré un projet de stratégie. Mais bien que cette stratégie soir ambitieuse, elle n’a connu aucune suite. Les activités mêmes du Conseil lui-même ont été pour longtemps gelées. Ce qui interpelle sur la portée et l’importance accordées par les autorités publiques à ce secteur.