Économie

Pourquoi l'aquaculture peine à décoller

Le potentiel de l’aquaculture marocaine est largement sous-exploité. En dépit des avancées de ces dernières années, la croissance de la filière demeure bridée par diverses contraintes. Risques liés aux aléas climatiques, régime fiscal inadapté, absence d’écloseries de poissons, problèmes de financement… Une étude de la Direction des études et des prévisions financières décortique les tops et les flops de cette activité aux perspectives prometteuses.

07 Janvier 2018 À 14:24

L’aquaculture au Maroc recèle un potentiel en or. Concrètement, les résultats préliminaires de 3 plans d’aménagement font dégager un potentiel de production de 380.000 r>tonnes (t). Dans ce tableau, la pisciculture tient la corde avec 245.000 t suivie de la conchyliculture (110.000 t) et de l’algoculture (24.000 t). C’est ce qui ressort de l’étude réalisée par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) en partenariat avec l’Agence nationale de développement de l’aquaculture (ANDA) et intitulée «Aquaculture marine marocaine : potentiel et nécessité de développement». Faut-il s’en réjouir ? Selon les conclusions de l’étude, malgré les avancées enregistrées ces dernières années, des contraintes brident encore la croissance de cette filière. En fait, le pays ne dispose pas encore d’écloseries de poissons et le seul opérateur actif en pisciculture marine importe ses alevins. Autre contrainte, l’assurance. En effet, les fermes aquacoles sont exposées aux risques liés aux aléas climatiques. La filière nécessite donc, selon la DEPF, un soutien particulier en termes de couverture contre les risques, sachant que l’assurance au Maroc coûte jusqu’à 30% plus cher qu’à l’étranger. Seule la MAMDA propose une offre d’assurance dédiée à l’aquaculture qui couvre le cheptel aquacole, à travers un produit exclusif destiné aux éleveurs de poissons dans les bassins d’eau douce et marins ou aux propriétaires de fermes aquacoles. Selon la DEPF, l’assurance multirisque aquaculture couvre la mortalité du cheptel aquacole suite aux événements pathologiques, météorologies et autres dommages causés aux installations et équipements.  Et le financement ? Selon l’étude, l’aquaculture fait appel à des investissements «importants» aussi bien pour les besoins d’exploitation que pour les structures d’élevage. D’où la nécessité de mettre en place des mesures incitatives pour encourager l’investissement dans le secteur.

Le chapelet des entraves est encore long. Selon les conclusions de l’étude, la concurrence internationale pèserait aussi lourd sur le développement de la filière. Explication : les espèces identifiées pour le secteur aquacole marocain sont produites à des prix très compétitifs sur le marché méditerranéen. Résultat des courses : l’importation de ces produits au marché national pourrait fortement concurrencer les produits locaux. Et ce n’est encore pas tout. La filière se trouve noyée dans une autre impasse : le régime fiscal. Le fait est que les produits issus de l’aquaculture marine, assimilés à des produits de la pêche, sont exonérés de la TVA sans droit de déduction. Ainsi, toute TVA réglée en amont sur les achats (intrants et équipements) constitue une charge supplémentaire au coût de production puisqu’elle n’est ni récupérée, ni répercutée sur le consommateur final en aval. Cette charge est donc supportée par l’opérateur dans sa totalité. Précision importante : heureusement pour les éleveurs, la loi des Finances 2018 corrige cette non-neutralité puisque la TVA à l’intérieur et à l’importation de certains intrants réservés exclusivement à l’aquaculture est tombée. Il s’agit notamment des aliments destinés à l’alimentation des poissons et des autres animaux de l’aquaculture. S’y ajoutent les alevins de poissons et les larves des autres animaux ainsi que les naissains de coquillage. L’étude épluche d’autres contraintes dont l’attractivité limitée de l’offre, les difficultés d’accès au foncier, la faible appropriation des techniques d’élevage pointue, le manque d’implication des acteurs financiers (banque et assurance) et une coordination partielle des intervenants sur le littoral. Pour rappel, le Maroc dispose actuellement de 5 plans d’aménagement couvrant la moitié de son littoral. La filière compte une vingtaine de fermes aquacoles actives et emploie un peu plus de 250 personnes. Elle assure une production de 510 tonnes, soit une production en valeur de 21 millions de dirhams. Deux espèces constituent la quasi-totalité de la production aquacole marine : les huîtres avec une part moyenne de 72%, produites dans la baie de Dakhla et la lagune de Oualidia, et le loup-bar (26%), produit dans la baie de M’diq. Cette production est destinée principalement au marché national pour alimenter la grande distribution et les marchés de l’hôtellerie et de la restauration. Les algues, de plus en plus utilisées dans l’agro-alimentaire, le cosmétique ou encore l’agriculture telle que l’alimentation animale et les engrais, feront désormais partie du paysage de la production aquacole nationale. Elles sont produites dans la lagune de Marchica pour alimenter la filière de transformation. À ce jour, l’ANDA accompagne une vingtaine de projets aquacoles dont la capacité de production dépasse les 3.000 tonnes, en plus d’une écloserie de coquillages. Cette dernière, inaugurée en février 2016, dispose d’une capacité de production de 50 millions de naissains d’huîtres et 10 millions de naissains de palourdes et pourrait assurer l’approvisionnement des opérateurs conchylicoles nationaux tout en limitant les risques sanitaires liés à l’importation. En outre, d’autres projets aquacoles ont démarré leurs installations et les phases pilotes. Leurs productions de croisière atteindraient plus de 4.400 tonnes, et ce, en plus d’une deuxième écloserie dont la production cible est de 100 millions de naissains.                                          

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