Économie

La Mourabaha bloque toujours pour le logement social

Malgré l’intervention des Impôts en mars dernier pour lever le blocage sur la Mourabaha immobilière destinée au logement social, le problème persiste, à en croire les notaires. L’opération reste complexe sur le terrain en raison principalement des deux actes de mutation. La loi de Finances 2019 devrait remédier à la situation.

18 Novembre 2018 À 13:39

Le Matin-Éco : La Direction générale des impôts (DGI) a diffusé en mars dernier une note pour régler le problème de la Mourabaha pour le logement social. Mais, à ce jour, la question n'est pas résolue pour les notaires. Pourquoi ?r>Abdellatif Yagou : Effectivement, à la demande des banques participatives, la DGI est intervenue en vue de remédier aux difficultés soulevées par la Mourabaha pour le logement social. Cependant, le problème persiste, en raison de la complexité de l'opération. La Mourabaha, telle qu’elle a été réglementée en droit marocain, reste complexe étant donné qu'elle doit impérativement comporter deux actes de mutation.r>Actuellement, et pour concrétiser les formalités prévues par la note circulaire relative à la Mourabaha pour le logement social, un projet d'amendement de la loi de Finances 2019 circule dans les coulisses et devrait reprendre presque textuellement la note circulaire en ajoutant également le produit Ijara Mountahia bitamlik.r>C'est ainsi que ce projet vise à compléter l’article 93 du Code général des impôts. Cette proposition d’amendement intègre le contenu de la note de la Direction générale des impôts CI 1384/18/DGI prévues pour la Mourabaha, complétée des éléments spécifiques relatifs à l’Ijara Mountahia Bitamlik.

Si le problème persiste, quelles seraient les solutions selon vous ?r>Pour réussir ce produit, tous les intervenants doivent conjuguer leurs efforts en amont et en aval afin de mettre en place une institution Mourabaha qui réponde au contexte marocain. Et aussi se conformer au droit positif marocain, notamment les dispositions de la loi 14.07 sur l'immatriculation immobilière, étant donné que dans la réalité certaines banques ne respectent pas les dispositions de l'article 65 et 66 de cette loi (transfert de propriété à l’inscription sur les livres fonciers de l’acte d’achat), et exigent que la double mutation exigée par la Mourabaha soit effectuée simultanément, donc en violation des dispositions légales en vigueur. Ces pratiques posent beaucoup de difficultés et font supporter énormément de risques aussi bien aux parties à l'acte qu'au notaire qui authentifie l'opération et veille à son exécution. Elles vident, donc, la Mourabaha de toute son acception.

Quels sont les autres problèmesr>rencontrés pour la Mourabaha immobilière et les produits participatifs en général ?r>D'autres problèmes d'ordre purement juridique peuvent également surgir et avoir une incidence sur le contrat Mourabaha, notamment les difficultés soulevées par la nature juridique de la promesse unilatérale émanant du bénéficiaire de la Mourabaha. Or selon la loi, l’on ne peut pas vendre un bien dont on n’est pas propriétaire. La promesse d’achat peut donc facilement être invalidée.r>Un autre problème recensé concerne les prélèvements sur le dépôt de garantie. En cas de désistement, ces prélèvements sont jugés contestables sur le plan juridique. Les notaires peuvent être attaqués pour détention abusive de fonds en raison des engagements imposés par les banques participatives. Il faut savoir que cela s’oppose avec le principe de délai de rétractation garanti par la loi sur la protection du consommateur.

Qu’en est-il de l’absence de l’assurance Takaful et que font les notaires pour protéger les consommateurs et les ayants droit en cas de décès ou de sinistre ?r>Permettez-moi de rappeler que l'assurance Takaful est l'équivalent islamique de l'assurance conventionnelle, offrant à la fois des produits d'assurance-vie et d'assurance dommages.r>En fait, à toutes les difficultés fiscales et juridiques vient s'ajouter l'absence au Maroc d'une telle assurance susceptible de répondre aux besoins du consommateur et rendre cette institution plus complexe. Les notaires veillent à attirer l’attention des acquéreurs en Mourabaha de l’absence de l’assurance Takaful et des risques qu’en conséquence ils peuvent encourir ou faire encourir à leurs ayants droit. Actuellement, ce produit Mourabaha intéresse énormément une catégorie de consommateurs. Ces derniers trouvent satisfaction dans ce produit, malgré l'absence du Takaful qui tarde à voir le jour, alors que les banques participatives ont, depuis une année, mis en commercialisation les produits Mourabaha immobilière et Mourabaha automobile.r>Il est temps pour le gouvernement de prendre en considération les réclamations, les doléances et les propositions des professionnels afin d’accélérer la mise en conformité de la Mourabaha avec le droit positif marocain et mettre en place l'assurance Takaful.

Quelle est la vision des notaires aujourd’hui pour le développement du marché de la finance participative au Maroc ?r>Nous pensons que la finance participative, notamment par le biais de la Mourabaha, doit jouer un rôle d’acteur dans le secteur immobilier en procédant à l’acquisition d’actifs à placer auprès de sa clientèle, et ne pas se baser sur la démarche classique du secteur bancaire historique, attendre la demande d’un client pour aller procéder à cette acquisition. Il est à noter que d’après les banques participatives, leurs résultats sont au-delà des attentes. Le Royaume dispose de tous les préalables en matière de régulation pour développer un système de finance islamique efficient, à charge pour ce secteur de se démarquer encore une fois du secteur bancaire historique et d’innover dans ses approches. 

r>Propos recueillis par Moncef Ben Hayoun

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