18 Février 2019 À 18:18
Le Matin : Parlez-nous de l’exposition «Elle, mais» ?r>Meriem Wakrim : «Elle, mais» c’est une partie du travail réalisé pendant ces deux dernières années. C’est comme mon carnet de dessin de deux étés, j’y raconte mes visions, mes sensations. Mais «Elle, mais» c’est surtout des histoires de rencontres. Des regards qui se confrontent. C’est une envie d’ouvrir des fenêtres. «Elle», c’est sans doute moi ou la femme que je représente socialement. «Mais», c’est l’objection du sentiment que cela implique. C’est tous les «mais» de la vie en réalité. C’est un coin arrondi. Un besoin de souligner des nuances.
Qu’est-ce que vous y représentez ?r>Dans un premier temps, des instants de vie commune, des visages de femmes ou pas, je ne sais pas, les visages sont souvent androgynes, mais ce n’est pas quelque chose de réfléchi. Je m’apercevais au fil du temps, quand je prenais du recul sur mes dessins ou que des amis les décrivaient, qu’il y avait une dimension évidente liée aux femmes, et à la vie de femme. Liée aux rôles des genres dans la société et à mon rapport à ces derniers. Quand on est féministe, il y a beaucoup de chances que ce que l’on crée soit porteur de cette vision, du moins si l’on est dans un processus de création automatique, sans contraintes, sans normes. Quand je dessine, je suis dans un lâcher-prise qui peut se remarquer d’ailleurs dans certains styles bâclés. L’objectif de chacun de ces dessins étant le fait de se libérer, il y a une tentative de représentation d’une liberté quelconque.
Qu’est-ce qui vous a inspiré ?r>La vie est une expérience très étrange. Je crois qu’elle a été suffisante en elle-même pour m’apporter de l’inspiration. Ensuite, il y a mon rapport à l’image, à la photographie et les études de cinéma dans cette spécialité, qui sont venus me poser de véritables questions sur la représentation des femmes à l’image. La manière de les cadrer, de les éclairer, de les faire paraître plus belles, les choix étant souvent orientés vers l’objectification des femmes ou à les réduire à leur apparence. r>C’est évident que notre culture visuelle influence notre vision du monde. Le cinéma et les médias de manière générale conditionnent beaucoup notre perception des femmes et les représentations véhiculées, dans lesquelles nous grandissons et évoluons, laissent souvent à désirer.
Que représente pour vous la femme ?r>Les femmes sont des êtres humains. Étant une femme, je ne peux que m’intéresser à la question du genre et à la place des femmes dans la société. Je pense que l’on est dans une société qui avance très doucement vers l’égalité homme-femme, mais qu’il y a encore énormément à faire pour arriver à mettre un terme aux écarts évidents qui les séparent.r>Quels sont les matériaux et techniques que vous utilisez ?r>Photographie, dessin manuel ou numérique et scan. Je travaille donc avec des techniques mixtes, mais je ne cherche pas à opposer les différents outils, je les mets à peu près à la même échelle et sur le même support. Marier le papier et le canevas numérique est pour moi une chose ludique.
Pourquoi avez-vous choisi les poèmes de Tanguy Maerten ?r>Tanguy est illustrateur de presse, mais il a un format bien à lui et un humour très particulier. J’aime tellement ce qu’il fait et sa manière de s’exprimer que je lui ai proposé d’écrire des poèmes drôles et touchants pour «Elle, mais», et c’est ce qu’il a fait. Je pense sincèrement que ses poèmes contribuent énormément à l’émotion de la série. r>Quand il me les a rendus, j’étais bien touchée, car il arrive à pointer du doigt des sentiments que je connais. Le fait de collaborer avec un homme sur quelque chose qui relève du féminisme est une bonne expérience ; surtout quand c’est avec l’enfant d’une féministe (rires).
Biographie
Meriem Wakrim
Née à Casablanca le 10 juillet 1995, Meriem a passé toute sa scolarité dans le système espagnol au Juan Ramón Jimenéz. Elle entame en 2014 des études de cinéma à l’ESAVM (École supérieure des arts visuels de Marrakech) où elle obtient une licence en filière image et poursuit avec un master dans la même spécialité, qu’elle termine actuellement. Parallèlement à ses études, dont le choix a été nourri par son intérêt pour l’image, elle fait de la photographie et du dessin, techniques qu’il lui arrive de mélanger sur le même support. Au cours de ses études, elle s’est très vite intéressée à la question du point de vue dans le cinéma, et en particulier aux représentations des femmes à l’écran. Dimension qu’elle tente d’aborder dans ses visuels.
Tanguy Maerten
r>Tanguy Maerten est né à Bruxelles le 3 octobre 1993 et a étudié à l’ERG (École de recherche graphique). Son travail «se penche sur une société aux fractures impayées et impayables qu'il aborde par le prisme d'un humour bancal (comme le bancal d'un poisson rouge)». Ses dadas sont la question du genre, le féminisme, l'extrémisme, la religion et les chevaux. r>Tanguy Maerten est illustrateur de presse (@riennepress), poète pour l’occasion et passionné de natation synchronisée en eaux troubles.