Économie

Alerte sur les créances douteuses des banques

Les banques devront faire face à des hausses significatives de créances douteuses, en raison de la crise Covid-19. Cette évolution sera financièrement très douloureuse, vu que les normes comptables IFRS-9 les ont empêchées de constituer des stocks de provisions de précaution en période d’aisance économique. L’impact sur les résultats en fin d’année sera probablement élevé, selon une analyse du groupe Crédit Agricole France sur la région MENA.

13 Juillet 2020 À 17:07

En raison de la crise du coronavirus, les impayés, les faillites et les pertes d’emplois devront augmenter. Les banques commerciales feraient, ainsi, face à des hausses significatives de créances douteuses. «Cette évolution sera financièrement très douloureuse, car les normes comptables IFRS-9 les ont empêchées de constituer des stocks de provisions de précaution en période d’aisance économique et l’impact sur les résultats en fin d’année sera probablement élevé», souligne la direction des Études économiques du groupe Crédit Agricole France. Dans une analyse fraichement publiée, les experts du groupe français soulignent que la plupart des données macro-économiques de la région Moyen-Orient – Afrique du Nord (MENA) ont été revues à la baisse depuis le début de la crise sanitaire. Les économies de la région font face à des récessions plus profondes, à des déficits plus élevés. Elles connaissent des dérapages des niveaux de dettes externe et publique, une baisse des réserves en devises, des tensions sur les changes avec un recours accru aux financements des multilatéraux pour les pays déjà en forte tension de liquidité en devises. Et «contrairement aux crises financières passées, en grande partie exogènes, la micro-économie sera aussi particulièrement affectée, notamment les entreprises des secteurs industriel et touristique, avec des effets en retour sur la santé des systèmes bancaires», estiment les économistes du groupe Crédit Agricole France. Dans ce contexte exceptionnel, et malgré les plans de soutien étatiques, les banques de la région souffriraient des hausses importantes de créances douteuses, ces prêts que les emprunteurs peinent à rembourser, et dont l’accumulation pèse sur les banques au point de freiner leur capacité à proposer des crédits. Au Maroc, rappelons-le, les créances en souffrance ont augmenté d’environ 9% à fin mai pour atteindre 73,74 milliards de DH, selon Bank Al-Maghrib. La part des sociétés non financières privées frôle les 40 milliards, après une augmentation d’environ 6% sur un an. Mais pas que les entreprises. Les créances en souffrance sur les ménages ont bondi de plus de 14% pour atteindre 32 milliards de DH. r>Par ailleurs, les experts du groupe Crédit Agricole France saluent la politique monétaire très réactive de Bank Al-Maghrib face à la crise, notamment le tirage immédiat dès avril dernier sur la ligne de liquidité du FMI pour atténuer les tensions monétaires sur le dirham. À leurs yeux, la Banque centrale a poursuivi sa politique de soutien à l’économie en utilisant tous les moyens conventionnels dont elle dispose pour contrer la crise du Covid et en atténuer l’impact négatif sur les entreprises et les banques. Outre la réduction du taux directeur, «les espoirs de relancer le crédit afin de soutenir les PME mises en difficultés par la crise du coronavirus et le confinement sont également soutenus par la réforme des réserves obligatoires», est-il expliqué.  Les économistes du groupe français soutiennent aussi l’approche très conservatrice et prudente de Bank Al-Maghrib en termes de politique non conventionnelle. «BAM a renoncé à utiliser la création monétaire pour financer la relance, estimant que les moyens non conventionnels utilisés en Europe ou aux États-Unis sont porteurs de risques inflationnistes et ne sont pas appropriés pour les économies émergentes comme le Maroc», indiquent les experts français. Si d’autres pays de la région MENA ont utilisé par le passé des politiques de création monétaire massive pour financer les déficits publics, «ces politiques se sont généralement révélées très destructrices en termes de solvabilité souveraine ou d’inflation». 

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