04 Novembre 2020 À 18:48
Conseil : Dans ce contexte de crise sanitaire, les entreprises sont contraintes d’adapter les conditions de travail aux nouvelles circonstances imposées par le coronavirus Covid-19. Pourriez-vous nous en dire plus ? r>Jean-Yves Arrivé : Il est clair que le coronavirus Covid-19 est venu bousculer sans préavis les modes de travail. D’abord, dans le monde de l’industrie, il a contraint à remettre en cause des process huilés, des timings exigeants. La chute de la demande dans certains secteurs : industries aéronautique et automobile, mais aussi l’indisponibilité de nombreux salariés, touchés par le virus ou cas contacts, les risques de contamination liés à la proximité des postes de travail sont autant de facteurs qui ont contraint la production à plus d’adaptabilité, de flexibilité et d’autonomie des salariés. C’est tout aussi vrai pour le secteur tertiaire contraint de mettre en place, parfois même à la hâte, le travail à distance qui n’était même pas imaginable quelques mois plus tôt dans la tête de nombre de dirigeants et de managers.
Dans quelle mesure cette nouvelle organisation du travail peut-elle être une opportunité pour l’entreprise ? r>Cela fait quelques années déjà que certains nous parlaient de l’entreprise agile, en expliquant qu’elle devait s’adapter rapidement pour face aux contraintes de son environnement. Même si c’est un raccourci, car l’entreprise agile, c’est d’abord un état d’esprit orienté sur la satisfaction du client, et pas seulement la quête d’une plus grande productivité. Cela signifie que l’organisation en mode projet, la pluridisciplinarité sont au cœur du processus. Le management est basé sur l’autonomie et la confiance. L’erreur est permise, dès lors qu’elle est source d’apprentissage et de réussite. La règle est la remise en question permanente, c’est le primat de l’innovation continue. On est encore bien loin de cet état d’esprit dans nombre d’entreprises marocaines. Mais la période que nous traversons peut être l’opportunité pour les patrons d’innover dans le management, l’organisation, la gestion de la relation client/fournisseur interne et externe. Du chaos provoqué par cette crise sanitaire et économique mondiale peuvent émerger des comportements nouveaux, tant chez les dirigeants que chez les salariés qui sont inéluctablement dans l’interdépendance. Au-delà des discours convenus, des querelles de façade, ils ont en fait besoin les uns des autres !
Quelles sont les règles à respecter pour une organisation optimale du travail ? r>C’est pourtant simple, mais peut-être trop : dans une période de crise durable, et c’est le cas actuellement, il faut installer sur la durée une relation gagnant/gagnant. Les collaborateurs doivent être considérés comme des partenaires et il faut travailler avec eux, dans le respect et la confiance. Les salariés veulent conserver leur emploi et les entrepreneurs veulent continuer à produire, et avec une valeur ajoutée qui permet de préparer la sortie de crise. Il est donc nécessaire d’associer toutes les parties pour trouver les meilleures façons d’organiser le travail et de maintenir l’entreprise à flot tout en réfléchissant à ce que pourra être la meilleure manière de travailler demain.
L’adoption du télétravail est un sujet qui revient assez souvent. Pensez-vous que ce mode d’organisation aura plus de chance dans l’avenir ? r>Il est clair que grâce aux progrès technologiques, travailler à distance est presque un jeu d’enfant, même si certains risques demeurent, tel le piratage informatique ! Néanmoins, il faut retenir deux choses : tous les emplois ne sont pas adaptés à cette forme de travail et tous les salariés ne peuvent pas aisément exercer leur activité à la maison. De plus, l’être humain recherche les relations, les contacts et peut souffrir psychologiquement d’être coupé de ce lieu de vie qu’est le travail. Donc oui, il est possible de partager l’activité entre le télétravail et le présentiel, mais là encore, il faut que cela ne soit pas imposé au salarié, mais négocié avec lui. Et il faudra aussi former les managers à la gestion des équipes à distance, car ils sont loin d’être prêts pour cela !
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Les premières leçons que l’on peut tirer de cette crise sanitaire
Les premiers constats que l’on peut faire après cette alternance de confinement et de déconfinement montrent une adaptabilité des salariés qui comprennent les enjeux et qui acceptent de fournir des efforts pour s’adapter à la situation. On constate que ceux qui exercent en télétravail produisent au moins autant, voire plus qu’en présentiel. L’autonomie et la confiance sont les cartes gagnantes à jouer dans l’après-crise. Le management directif, contraignant, qui méconnaît même les réelles compétences des collaborateurs doit cesser. Il est temps de réenchanter la supervision, de jouer la carte de la coopération, de la confiance. Cela n’exclut bien sûr pas le contrôle, mais il doit être fait de façon intelligente, sur la base de contrats d’objectifs négociés et d’indicateurs de résultats définis à l’avance.
Entretien réalisé par Nabila Bakkass