01 Mars 2020 À 18:05
«Mon fils est hospitalisé dans un état critique et j’attends depuis ce matin qu’on me livre les poches de sang prescrites par son médecin !» s’indigne un père qui paraît avoir perdu tout espoir. D’ailleurs, il n’est pas le seul. Il suffit de se rendre au centre régional de transfusion sanguine de Casablanca pour réaliser à quel point la situation est alarmante : des personnes, tous âges confondus, attendent avec impatience qu’on leur livre des poches de sang. Malheureusement, et nous en sommes tous conscients, le don reste la seule véritable solution pour faire face à cette situation. D’après le Centre national de transfusion sanguine, le nombre de donneurs a augmenté de 4% entre 2018 et 2019, passant de 321.336 à 334.510. Malheureusement, ces chiffres sont loin de couvrir les besoins qui vont croissant. «Au Maroc, nous sommes à peine à un taux de donneurs de sang de 0,96% par rapport à la population générale, soit moins du 1% recommandé par l’OMS», regrette Dr Amal Darid Ibnelfarouk, directrice du Centre régional de transfusion sanguine de Casablanca. Elle fait savoir que «la pénurie concerne aujourd’hui tous les groupes sanguins et que le centre régional de Casablanca-Settat délivre quotidiennement 600 poches de sang, alors que le nombre de donneurs ne dépasse même pas 200». Mais pourquoi donc cette culture du don de sang n’est-elle pas encore développée chez les Marocains, sachant que ces derniers sont connus pour leur générosité et leur solidarité ? En tête des principales causes de cette résistance figure une croyance populaire bien enracinée et qui veut que les centres «vendent le sang, alors qu’il est censé être gratuit», comme l’a affirmé une femme interrogée par «Le Matin». Interpellé sur ce sujet, Dr Amal Darid Ibnelfarouk répond qu’il s’agit d’une idée fausse. «On ne vend pas le sang, car nous n’en avons pas le droit, ni religieusement ni légalement», a-t-elle tenu à souligner. Le citoyen, a-t-elle ajouté, doit savoir que le prix qu’il paie pour une poche de sang, et qui varie entre 290 et 310 DH, ne couvre même pas le 1/3 du prix des analyses qu’on effectue sur chaque poche afin qu’il puisse l’utiliser en toute sécurité. Et de préciser que l’État prend en charge d’autres frais. L’experte donne l’exemple du stockage qui se fait au niveau des chambres froides. «Cette dernière a été conçue à des millions de dirhams et c’est l’État qui paie tout cela», précise-t-elle.
La pénurie de sang est l’affaire de tous ! r>Pour sensibiliser les citoyens à l’importance du don de sang, les Centres de transfusion sanguine organisent depuis des années plusieurs actions, notamment des campagnes de collecte de sang. Ces efforts demeurent néanmoins insuffisants compte de tenue de la gravité du phénomène. «Pour faire face à cette situation, il faut qu’il y ait une communication entre les Centres de transfusion sanguine et les citoyens. Les centres font des efforts à leur niveau, mais il faut qu’il y ait une volonté gouvernementale dans ce sens et une contribution de la part des médias. C’est l’affaire de tous!» note Dr Amal Darid Ibnelfarouk. Pour elle, la sensibilisation doit aussi concerner les médecins et les cliniciens qui doivent commencer à rationaliser leurs demandes. «Certaines prescriptions sont en inadéquation avec les besoins, ce qui cause un vrai problème. À notre niveau, nous essayons de gérer selon l’urgence de chaque demande. Nous disposons d’ailleurs aujourd’hui d’une équipe de médecins éligibles pour statuer sur le degré de l’urgence de chaque demande», explique-t-elle. Autre problème et non des moindres : l’absence de sécurité transfusionnelle en termes de livraison des poches de sang. À la question «qui vient chercher les poches ?» Dr Amal Darid Ibnelfarouk nous révèle que sur la région de Casablanca-Settat, c’est généralement le patient lui-même ou un membre de sa famille qui effectue cette opération. C’est une autre problématique qui n’est pas du tout facile à gérer. «Depuis 2019, nous avons lancé un marché pour pouvoir assurer la livraison des poches à partir du centre vers les établissements publics. On a essayé d’avoir des livreurs qui assurent cette démarche, mais le problème persiste encore au niveau des établissements privés», regrette Dr Darid. Il faut savoir que les patients ne sont pas généralement sensibilisés et conscients des conditions dans lesquels les poches de sang doivent être transportées. Nombreux sont ceux qui transportent ces poches dans des glacières et les emmènent chez eux, alors qu’ils doivent les livrer immédiatement à la clinique. r>Soulignons, en guise de conclusion, que le don de sang est aujourd’hui l’affaire de tous. Accidentés de la route, hémophiles, leucémiques… les personnes dont la survie dépend de notre générosité sont nombreuses. Mobilisons pour cet acte humain qui ne peut qu’être bénéfique et laissons de côté les idées fausses qui ne font qu’aggraver la situation.
«À ce jour, on ne peut ni fabriquer, ni synthétiser artificiellement le sang. Le don reste le moyen unique pour sauver des vies et pour opérer une transfusion pour le malade avec le sang d’un donneur sain. Contrairement à certaines croyances limitantes, la quantité à prélever est à environ 450 ml, l’équivalent de 7% du volume global du sang humain normal. Le donneur ne risque aucune infection, car le matériel utilisé est stérilisé et est à usage unique. Bien au contraire, le don de sang est bénéfique pour la santé. En effet, cette opération participe à la régénération des cellules sanguines et diminue le risque de contracter des maladies circulatoires cardiaques et la leucémie. Sont éligibles au don de sang les personnes de bonne santé, âgées de 18 à 60 ans et qui pèsent plus de 50 kg. En tant que spécialiste dans le domaine, j’encourage au don de sang, car on souffre d’une vraie pénurie et cela permettra réellement de sauver des vies.»