Société

La couverture Santé universelle, un enjeu de développement

Le monde a célébré, samedi 12 décembre, la Journée internationale de la couverture sanitaire universelle intervenue cette année dans un contexte de pandémie ayant mis à rude épreuve les systèmes de santé à travers la planète. Au Maroc, cette Journée a été célébrée dans un contexte marqué par la Décision Royale de généraliser la couverture sociale à tous les Marocains.

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16 Décembre 2020 À 19:09

Dans la définition donnée par l’Organisation mondiale de Santé (OMS), le but de la couverture universelle en matière de santé (CSU) est de «faire en sorte que tous les individus aient accès aux services de santé sans encourir de difficultés financières. Pour cela, il faut un système de santé solide, efficace et bien géré, des soins à un coût abordable, l’accès aux médicaments et technologies médicales et un personnel de santé en nombre suffisant, bien formé et motivé». Le 12 décembre de chaque année est donc une occasion pour sensibiliser le public à l’importance de la CSU pour permettre un accès équitable aux services de santé et lancer un appel aux responsables afin qu’ils investissent davantage dans le secteur de la santé. «L’objectif étant de parvenir à une couverture sanitaire universelle d’ici à 2030», indique l’organisation.

C’est dans ce cadre que s’inscrit l’initiative du bureau de l’OMS au Maroc qui a organisé, samedi dernier, un webinaire sur le thème «CSU : pour une protection de tous sans laisser personne pour compte», avec la participation de plusieurs responsables représentant les différentes parties prenantes de ce sujet au Maroc et modéré par Rachid Hallaouy.r>Pour lancer le débat, Pr Jaâfar Heikel, chercheur en système de santé, a tenu à rappeler que la CSU n’est pas un concept nouveau au Maroc. «L’accès aux services de santé est garanti de façon équitable», indique-t-il en expliquant que déjà dans les années 1990, il y a eu un intérêt particulier pour la couverture sanitaire, puis en 2002, il y a eu la loi 65-00 portant Code de la couverture médicale de base. En 2012, la couverture médicale a été élargie grâce au Ramed, et puis la dynamique a été accélérée grâce aux Orientations Royales incluses dans différents discours du Souverain. Le dernier en date est le discours du 29 juillet dans lequel le Souverain a annoncé la généralisation de la couverture sociale, un chantier qui s’étendra sur 5 ans et nécessitera d’importants investissements et des efforts colossaux en termes de gouvernance et d’organisation. «La CSU est un enjeu sociétal qui consiste à pouvoir assurer à la population l’exercice de leur droit constitutionnel qui est l’accès équitable aux soins de santé», note encore Pr Heikel, ajoutant que cet accès aux services de santé suppose une certaine qualité de ces services et la disponibilité des ressources humaines compétentes sans que cela n’engendre des dépenses supplémentaires pesantes pour les citoyens. Et de conclure que «la CSU n’a d’intérêt que si elle permet au maximum de citoyens d’accéder aux services de santé. Ce principe, dans sa philosophie globale, nécessite forcément que le système de santé soit suffisamment adapté pour assurer l’adéquation entre le besoin de santé, la demande de santé et l’offre de soins.»r>De son côté, Anass Rihani, chef de la division du Ramed au ministère de la Santé, a présenté un certain nombre d’indicateurs qui montrent les avancées sanitaires et sociales au Maroc tout en précisant que d’autres efforts restent à consentir pour améliorer la situation. Il a ainsi rappelé l’évolution de la couverture médicale qui est passée de 16% en 2005 à 70% en 2020, l’effort budgétaire de l’État pour renforcer l’offre de soins et les ressources humaines compétentes. «L’offre de santé comprend la gratuité des soins de santé primaires à toute la population et la mise à niveau des structures hospitalières et des SSP. Il faut noter également un rythme maintenu de la réduction des prix des médicaments et la promotion du générique», explique M. Rihani qui évoque le cadre réglementaire renforcé et la mise en place d’instances de pilotage et de suivi de la réforme de la CMB. Abordant les chiffres clés de l’AMO, l’intervenant a rappelé qu’elle bénéficie à 40% de la population, dont des salariés du secteur public et privé, des assurés de l’article 114, les étudiants et les populations spécifiques. «Le gap en couverture, qui est de 30%, comprend les travailleurs non-salariés, les rentiers chômeurs, les MRE de retour, etc.», indique-t-il. L’invité a noté par ailleurs le chantier lancé par le ministère de la Santé au niveau du panier de soins pour le réévaluer en fonction de critère d’efficience et d’efficacité, tout en veillant à mieux répondre aux attentes des citoyens et à le rendre disponible sur tout le territoire. Ce chantier est intimement lié, note le responsable, à la redéfinition du parcours de soins dans le but de coordonner les prestations de soins, notamment entre le secteur public et privé et de contrôler les dépenses liées à la consommation médicale. 

Plaçant le débat dans une dimension macro-économique, le chercheur Najib Guedira a indiqué que le développement a besoin d’un lien social fort. «Une société où la cohésion sociale est faible, est une société fracturée dans laquelle il y a certaines catégories qui ne contribuent pas au développement», explique-t-il. «En mettant en place un système de protection sociale élargie et universelle, on renforce le lien social, on réduit les fractures et donc on contribue au développement», note l’intervenant. Omar Benjelloun, chef de division à l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM), a également insisté sur l’importance de ce chantier en affirmant que la couverture sociale est le socle de toute stratégie de développement économique et social. «Le Maroc a certes marqué des avancées importantes dans le chemin vers la CSU, surtout en termes d’extension de la population couverte et l’amélioration au niveau du financement de l’offre santé, néanmoins d’autres défis restent à relever et nécessitent une véritable réforme», alerte-t-il. En effet, au-delà de l’élargissement de la couverture sanitaire, il est primordial de s’interroger sur la qualité de cette couverture. «Il faut savoir qu’actuellement, le reste à charge des assurés ne cesse d’augmenter. Nous sommes passés de 28% en 2010 à près de 34,3% en 2019. Ceci est lié principalement au non-renouvellement des conventions de la nomenclature nationale et la limite des financements basés exclusivement sur la contribution des assurés et des employeurs, pour l’AMO et de l’État pour le Ramed», indique M. Benjelloun. L’intervenant met également en avant la multitude des régimes d’assurance maladie qui implique donc des régimes fragmentés, cloisonnés et hétérogènes. «Le CSU n’est pas un processus facile et sa mise en place nécessite du temps. De plus, ce processus peut être retardé pour plusieurs raisons, notamment la structure de l’économie, l’engagement politique et le grand chantier de la réforme du système de santé basé sur la bonne gouvernance, un mode de financement innovant, une offre de soin équitable et une opérationnalisation du partenariat public-privé», résume l’intervenant. 

Réagissant aux différentes interventions, Maryam Bigdeli, représentante de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au Maroc, a voulu partager sa conviction que pour atteindre une couverture sanitaire universelle, il faut parcourir un long chemin. «La CSU n’est pas un état qu’on peut atteindre une fois pour toutes et le garder tel quel, mais un processus qui se construit progressivement», a-t-elle dit en évoquant également le chemin parcouru par le Maroc dans ce sens. «Les indicateurs de santé au Maroc ne cessent d’évoluer, que ce soit la mortalité maternelle ou infantile, la couverture de la vaccination infantile qui est parmi les meilleures dans la région», a précisé M. Bigdeli en expliquant que ces deux indicateurs sont directement liés à la CSU qui ne se limite pas à la couverture médicale. «La CSU est un droit fondamental de tous les citoyens du monde. Leur droit d’avoir accès aux services de santé dont ils ont besoin et quand ils en ont besoin sans devoir payer des sommes démesurées qui seraient hors de leur portée», réaffirme la représentante de l’OMS au Maroc. Sur le volet assurance maladie, la responsable indique que le Maroc a fait beaucoup de progrès dans un chemin qui mènera très sereinement vers la CSU. 

La CSU est un contrat social entre les décideurs et les citoyens qui définit par ailleurs la confiance que ces derniers peuvent placer dans les responsables, et qui amène ces derniers à garder comme objectif la priorisation de la santé des citoyens en leur assurant un accès équitable aux soins de qualité, ajoute Mme Bigdeli. Et de conclure que c’est justement ce cadre de référence qui oriente les actions de l’OMS qui travaille en étroite collaboration avec le ministère de la Santé pour éventuellement poursuivre les réflexions sur la réforme du système de santé, sur le financement de ce système et sur la réforme de l’assurance maladie. 

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Pacte mondial CSU2030

Le Maroc s’est engagé dans le cadre du Pacte mondial CSU2030 qui vise à accélérer les progrès équitables et durables sur la voie de la couverture sanitaire universelle (CSU). La signature de ce pacte a eu lieu lors de la réunion ministérielle des pays de la région tenue à Oman du 3 au 5 septembre 2018. Le Pacte mondial CSU2030 a été signé par les représentants des pays de la région, dont le Maroc, faisant ainsi de la région de la Méditerranée orientale la première des six régions de l’OMS à le faire. Le Pacte mondial CSU2030 vise à créer une dynamique politique et à plaider en faveur de l’allocation de ressources suffisantes, adéquates et bien coordonnées aux systèmes de santé et à encourager les partenaires à suivre les progrès et à rendre des comptes. En signant ce Pacte mondial, les gouvernements des pays de la région s’engagent à travailler ensemble pour accélérer effectivement les progrès sur la voie de la CSU en construisant des systèmes de santé équitables, résilients et durables.

 

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