06 Décembre 2020 À 18:58
Si pendant les quatre années qui ont précédé la pandémie, de 2016 à 2019, la croissance des salaires au niveau mondial a oscillé entre 1,6 et 2,2%, au premier semestre de 2020, et en raison de la crise sanitaire et économique, l’OIT relève «une pression à la baisse sur le niveau ou sur le taux de croissance des salaires moyens dans deux tiers des pays pour lesquels on dispose de données récentes. Dans les autres pays, le salaire moyen a augmenté de façon largement artificielle, reflétant les suppressions d’emploi conséquentes qui ont touché les travailleurs faiblement rémunérés». Et ce n’est pas fini ! À brève échéance, la crise devrait faire subir aux salaires une très forte pression vers le bas, ajoute le rapport.r>Il faut noter, par ailleurs, que cette crise n’a pas eu les mêmes conséquences pour les hommes et pour les femmes. Ces dernières étant touchées de manière disproportionnée. Ainsi, les salaires des femmes et des travailleurs faiblement rémunérés ont été beaucoup plus impactés par la crise. Sur une sélection de pays européens, l’OIT a constaté une baisse de la masse salariale chez les femmes de 8,1%, et de 5,4% chez les hommes. «Un tel écart est surtout la conséquence de la réduction des heures travaillées plutôt que d’une différence au niveau du nombre de licenciements. La masse salariale perdue en raison de la baisse des heures travaillées était de 6,9% pour les femmes, contre 4,7% pour les hommes», indique le rapport.r>Cependant, dans un tiers des pays, pour lesquels des chiffres ont été publiés, où les salaires moyens ont semblé augmenter, il ne s’agit en réalité, et en grande partie, que de la conséquence du fait qu’un nombre substantiel de travailleurs faiblement rémunérés ont perdu leurs emplois, ce qui fausse la courbe moyenne puisqu’ils n’apparaissent plus dans les statistiques concernant les salariés, fait observer le rapport.r>Le Rapport mondial sur les salaires 2020-2021 souligne également que la crise a touché de manière disproportionnée les travailleurs faiblement rémunérés, en aggravant les inégalités salariales. «Des études ont montré que, dans de nombreux pays, la baisse du nombre d’heures travaillées a eu un impact sur les métiers peu qualifiés, en particulier les professions élémentaires, plutôt que sur les métiers d’encadrement et sur les emplois qualifiés mieux rémunérés», précise le document.r>Abordant le sujet des systèmes de salaire minimum, le rapport montre que ces derniers, qu’ils soient réglementés par la loi ou négociés, existent dans 90% des 187 États membres de l’OIT. «De manière globale, environ la moitié des pays qui disposent d’un salaire minimum réglementé par la loi applique un seul taux national de salaire minimum. L’autre moitié a un système plus complexe avec plusieurs taux de salaire minimum, déterminés par secteur d’activité, selon l’emploi occupé, l’âge de la personne employée ou la région géographique», note l’organisation. Différents systèmes sont compatibles avec la convention r>(n° 131) sur la fixation des salaires minima (1970) qui appelle à ce qu’ils s’appliquent de manière large, en consultation très étroite avec les partenaires sociaux, avec des niveaux prenant en considération les besoins des travailleurs et de leurs familles ainsi que les facteurs économiques, que des ajustements soient réalisés de temps en temps, et que des mesures permettant une application effective soient prises.r>Face à ces réalités, et pour contenir les effets de la crise et soutenir la reprise économique, l’OIT appelle à l’adoption de politiques salariales appropriées et équilibrées, élaborées dans le cadre d’un dialogue social à la fois approfondi et inclusif. Dans un avenir proche, les conséquences de la crise de la Covid-19 sur l’économie et sur l’emploi devraient entraîner une énorme pression à la baisse sur les salaires. «Dans ce contexte, on aura besoin d’ajustements salariaux équilibrés, prenant en considération les facteurs économiques et sociaux nécessaires, pour sauvegarder les emplois et assurer la viabilité des entreprises et, parallèlement, protéger les revenus des travailleurs et de leurs familles, soutenir la demande et éviter les situations de déflation», indique l’organisation.
Convention sur la fixation des salaires minima
La convention n° 131 de 1970, que le Maroc a ratifiée en mai 2013, porte sur la fixation des salaires minima. Elle va plus loin que celle de 1928 qui ne portait que sur les méthodes. Celle-ci précise dans son article 3, «les éléments à prendre en considération pour déterminer le niveau des salaires minima». Il est indiqué qu’«autant qu’il soit possible et approprié», ces éléments doivent comprendre «(a) les besoins des travailleurs, et de leur famille, eu égard au niveau général des salaires dans le pays, au coût de la vie, aux prestations de sécurité sociale et aux niveaux de vie comparés à d’autres groupes sociaux ; (b) les facteurs d’ordre économique, y compris les exigences du développement économique, la productivité et l’intérêt qu’il y a à maintenir un haut niveau d’emploi». Cette convention n’a été ratifiée que par 54 pays membres de l’OIT, qui compte 187 membres au total.
Déclarations
Guy Ryder, directeur général de l’OITr>«L’accroissement des inégalités entraîné par la crise de la Covid-19 menace de laisser derrière elle de la pauvreté ainsi qu’une instabilité sociale et économique, ce qui serait désastreux. (…) Notre stratégie de relance doit être centrée sur l’humain. Nous avons besoin de politiques salariales appropriées qui prennent en considération la durabilité des emplois et des entreprises et qui s’attaquent aux inégalités ainsi qu’à la nécessité de soutenir la demande. Si nous voulons vraiment reconstruire un avenir meilleur, nous devons aussi nous emparer de questions gênantes comme le fait de savoir pourquoi des métiers ayant une valeur sociale élevée, à l’image de ceux des soignants et des enseignants, sont très souvent mal payés.»
Rosalia Vazquez-Alvarez, une des auteurs du rapportr>«Un salaire minimum à un niveau approprié est susceptible de protéger les travailleurs contre les rémunérations faibles et de réduire les inégalités. (…) Cependant, pour nous assurer que les politiques en matière de salaire minimum soient efficaces, nous avons besoin d’une série de mesures complètes et inclusives, en l’occurrence un meilleur respect de la réglementation, une couverture plus large touchant un nombre plus important de travailleurs, ainsi que la fixation d’un salaire minimum à un taux approprié et réajusté qui puisse permettre aux populations de se construire une vie meilleure pour elles-mêmes et pour leurs familles. Dans les pays en développement et dans les pays émergents, un meilleur respect de la règlementation passe par l’intégration au sein du secteur formel des personnes ayant un travail informel.»