16 Décembre 2020 À 18:53
Natif de Tanger en 1948, Noureddine Saïl, passionné de cinéma, lance dans son garage un vidéo-club qui comptera 80.000 membres à l’échelle nationale. Après l’édition de son magazine militant pour une plus forte industrie du cinéma marocain, il rejoint la chaîne TVM, en 1984, comme directeur des programmes. Puis, cinq années plus tard, il a été sollicité par la télévision payante Canal+. Noureddine Saïl retourne, en 2000 au Maroc, pour diriger la chaîne 2M, puis a été proposé comme directeur général au Centre cinématographique marocain (CCM) où il contribue vivement à la montée des aides à la production nationale. Les résultats de ses actions ne se sont pas fait attendre, puisque la production marocaine a connu un grand bond au niveau de la quantité. Comme il a été question de s’attaquer à tous les sujets considérés auparavant comme tabous, notamment la religion, les contre-cultures ou encore le statut de la femme. Il a également offert un grand soutien aux jeunes cinéastes traitant des sujets de société peu abordés. De ce fait, nul ne peut nier le rôle essentiel qu’il a joué dans la restructuration et l’émergence d’une industrie cinématographique marocaine. En hommage posthume à ce grand écrivain et critique chevronné qui a fait énormément pour le cinéma marocain et africain, nous re-publions l’entretien intégral qu’il avait accordé, en 2014, au «Matin», alors qu’il était directeur général du CCM et président du Festival national du film à Tanger (lire infra).
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Entretien avec Noureddine Saïl, directeur général du CCM et président du Festival national du film
«Il faut maintenir les acquis et développer le festival de façon harmonieuse
L’organisation du Festival national du film à Tanger, dans sa quinzième édition, suscite encore des critiques et remises en questions de la part de certains professionnels du secteur. Notre rencontre avec Noureddine Saïl, président du FNF, nous éclaire sur quelques points et problématiques de cette manifestation nationale.
Le Matin : Quinze ans après la création du Festival national du film, qu’a-t-il apporté de concret pour les cinéastes et l’univers cinématographique marocains, sachant que cela fait huit années que vous veillez à son organisation ?r>Noureddine Saïl : La première fois que nous avons fait le festival à Tanger en 2005, où il y avait des techniciens, des acteurs, des réalisateurs, des critiques marocains, notre objectif était d’informer les Marocains sur l’évolution de leur propre cinéma. Mais, petit à petit, cette information a pris plus d’ampleur, puisque beaucoup de festivals étrangers ont commencé à venir y assister. D’abord trois festivals, puis six, puis neuf. Cette année, nous avons dépassé la barre de vingt festivals internationaux qui sont là pour choisir les films qu’ils vont présenter dans leur compétition. Comme il y a, aussi, des distributeurs, bien sûr nationaux, mais aussi espagnols, portugais et français. Donc, la création de ce rendez-vous permanent a permis, ces dernières années, de cueillir les fruits. Cela prouve que le festival est bien installé.
Est-ce que l’existence de ce festival a une relation avec la progression du chiffre de la production marocaine ?r>L’existence de ce festival, à l’instar de celui de Marrakech, est avant tout de jouer un rôle de vitrine, c’est-à-dire montrer ce que nous faisons et intéresser les gens à cela. Maintenant, l’incidence directe sur la progression du chiffre est plausible, mais ce n’est pas l’essentiel. Ce qu’il y a, c’est le taux d’augmentation de l’aide à la production. En fait, les deux se complètent. À partir du moment où il y a un lieu pour fait voir au public ce qui se fait, cela devient un besoin chez nos responsables d’aider plus. Nous avons commencé le fonds de soutien avec 30 millions de DH, aujourd’hui nous en sommes à 60 millions de DH. L’État est donc convaincu par ce qui se passe et ce qui se dit autour des films marocains. Il y a, aussi, les échos des étrangers sur ces productions. À vrai dire, tout est lié et nous essayons de garder ce lien entre le festival, la production et les professionnels. C’est ce qui fait marcher le FNF.
À propos de l’infrastructure du Festival, vous avez souligné qu’elle est suffisante pour accueillir ce festival. Mais nous avons constaté qu’il y avait chaque jour des problèmes de places à la cinémathèque de Tanger ?r>Ce n’est pas facile de placer dans une salle de 300 à 400 places. Cela peut marcher les jours où les films sont présentés et encore. C’est toujours chaleureux et très plein. Mais les cérémonies d’ouverture et de clôture, ça devient petit. Maintenant, les responsables ont commencé à comprendre qu’il y a aussi 400 places à la salle Le Paris où ils pouvaient voir le même film une demi-heure plus tard. Je pense qu’il faut faire une sorte de pédagogie pour que les gens acceptent de faire avec ce qu’il y a maintenant, le temps que le grand complexe culturel de Tanger avec des salles projections voie le jour. À ce moment-là, nous pourrons faire une ouverture avec une salle de mille places. Il faut seulement savoir attendre.
Les longs métrages de la compétition officielle présentent une grande dissemblance. Ne pensez-vous pas encore à faire une présélection pour donner plus d’importance à cette compétition nationale ?r>À partir du moment où on met l’ensemble de la production nationale, il y aura certainement des films très bons, des films bons et d’autres pas bons du tout. Si l’année prochaine on prend la décision de faire une sélection, il est certain qu’au lieu des 22 ou 24 films, on aura seulement 14 et il est certain que ceux qui n’arrivent pas au niveau seraient éliminés. En tout cas, c’est le mouvement naturel du festival. Il fallait d’abord commencer par programmer ces films, montrer tout ce que nous faisons et puis une fois que le festival est pleinement installé, on peut commencer à rentrer dans les détails. Donc l’année prochaine, soyez persuadés que les 14 ou 15 films que vous aller voir seront du point de vue technique, esthétique… à un niveau à peu près acceptable par tout le monde.
Que pensez-vous du Prix de la critique qui a été retenu cette année pour les courts métrages ?r>C’est un jury qui n’est pas officiel. Il est libre de prendre les décisions qu’il veut. Un jury peut aussi, s’il le souhaite et s’il analyse la situation de façon rationnelle, décider de ne pas donner un Prix. Les membres ont fait le tour d’horizon des films présentés et ont trouvé qu’il n’y a aucun court métrage valable. C’est leur responsabilité.
Avez-vous un rêve pour ce festival ?r>Moi, je ne rêve pas, je réalise.
r>Entretien réalisé par O.B.