25 Novembre 2020 À 17:53
L’inclusion financière. Voilà un chantier qui tient à cœur aux stratèges du pays. Et c’est normal puisqu’il s’agit de la possibilité pour les individus et les entreprises d’accéder à moindre coût à toute une gamme de produits et de services financiers utiles et adaptés à leurs besoins (transactions, paiements, épargne, crédit et assurance) proposés par des prestataires fiables et responsables. Qu’en est-il au Maroc ? «Ces dernières années, le Maroc a connu une forte croissance du marché financier aussi bien en volume qu’en valeur. En effet, de fortes croissances ont été enregistrées depuis 2013 sur le nombre de comptes bancaires (+26%) et d’épargne (+19%), le nombre de cartes bancaires (+32%) et le nombre de crédits aux particuliers (+15%)», note le premier rapport sur la Stratégie nationale d’inclusion financière publié par la Banque centrale et le ministère de l’Économie et des finances.Le document, qui détaille la stratégie menée depuis 2016, renferme les orientations et les leviers ciblant les jeunes de moins de 25 ans, les femmes, les ruraux et la Très Petite Entreprise, et ce, après avoir procédé à une analyse approfondie des composantes de l’inclusion financière au Maroc, mais aussi des pratiques nationales et internationales en la matière.
Une performance «mitigée» r>La progression de l’inclusion financière dans le Royaume a connu une croissance palpable en valeur, avec une forte évolution depuis 2010 sur les dépôts des particuliers (+41%), les échanges scripturaux en termes de nombre (+82%) et de montant (+12%) ainsi que les encours des crédits aux particuliers (+51%). En ce qui concerne l’assurance, les primes non-vies ont crû de 37% sur cette même période. «Néanmoins, l’analyse des données du côté de la demande sur la pénétration des services financiers auprès des particuliers et des entreprises révèle une performance mitigée du Maroc», note le rapport. r>Qu’est-ce qui entrave une inclusion financière plus ciblée dans le pays ? Selon les résultats de la dernière enquête Findex conduite en 2017 par la Banque mondiale, l’obstacle majeur cité par les Marocains est le «manque de fonds». En effet, la moitié des adultes non bancarisés au Maroc considère «l’insuffisance de fonds» comme l’unique raison de ne pas avoir de compte bancaire ou de paiement même si le questionnaire permettait des réponses multiples. «Des pourcentages similaires ont été constatés en Égypte (59%) et en Tunisie (52%), tandis que la moyenne pour la région MENA et les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure atteint 44 et 29% respectivement».
75% des communes rurales sans services financiers ! r>Outre les raisons soulevées dans le cadre de l’enquête Findex, l’inclusion financière est entravée par des facteurs associés à l’offre, dont la faible couverture de certaines zones, notamment en milieu rural par les points d’accès des institutions financières. «La capillarité des réseaux bancaires et assurantiels au Maroc a connu de fortes progressions certes, néanmoins, près de 75% des communes rurales demeurent sans aucun point d’accès», regrettent les auteurs du document.
Les femmes moins bien loties r>L’exclusion socio-économique associée à des facteurs culturels entraîne une forte exclusion financière des femmes par rapport aux hommes. «En effet, une étude menée par l’une des banques marocaines dévoile que les femmes salariées sont quasiment au même niveau d’inclusion financière que les hommes salariés (57% des hommes salariés ont un compte contre 54% pour les femmes salariées)». Cet écart se creuse significativement au niveau des travailleurs indépendants (35% pour les hommes vs 21% pour les femmes) et devient très significatif pour les segments sans emploi (34% pour les hommes vs 14% des femmes).r>Pour les jeunes, l’exclusion financière est fortement liée au niveau de chômage élevé de cette catégorie de la population.
Un coût du crédit élevé pour les TPE r>En ce qui concerne le segment des entreprises, le niveau d’inclusion financière demeure également très limité pour les TPE et les micro-entreprises. Selon une enquête réalisée en 2017 par la Fondation marocaine pour l’éducation financière sur près de 1.000 TPE, Moyennes Entreprises et auto-entrepreneurs, seuls 48% des petites entreprises détiennent un compte bancaire et seulement 6% ont un crédit même si 60% des entreprises sondées ont déclaré qu’elles rencontrent des problèmes de trésorerie. «Pour faire face à ce problème, elles recourent à l’entourage (53%) ou aux règlements différés auprès des fournisseurs (29%). Le coût des crédits est le principal critère de décision pour le choix d’une offre de financement (58%), suivi de la souplesse accordée en cas de difficulté de paiement (34%) et du montant de la traite (31%)», est-il constaté.
Les modèles alternatifs de financement vivement recommandésr>L’absence d’offres de financement ciblées représente une des barrières majeures à l’inclusion financière, indique le rapport. Au Maroc, après de nombreuses actions mises en œuvre au cours de cette dernière décennie par les différents acteurs, un véritable «choc» d’inclusion financière s’avère nécessaire. Il permettra, selon les auteurs du document, de combler les écarts les plus significatifs en termes de pénétration des services financiers entre femmes et hommes, ruraux et urbains, jeunes et adultes. «Ce choc d’inclusion ne pourrait être réalisé qu’en dépassant les paradigmes des modèles “classiques” et en investiguant des modèles alternatifs qui ont favorisé des sauts considérables en termes de pénétration et d’utilisation des services financiers à l’échelle internationale». n