09 Septembre 2020 À 19:47
Conseil : En cette période de crise sanitaire, on parle de plus en plus du concept de la «nouvelle normalité». Concrètement de quoi s’agit-il ?r>Malgorzata Saadani : Le terme «nouvelle normalité» est apparu d’abord dans les discussions, puis dans les écrits à la suite d’une conclusion générale que la survenue du coronavirus avait définitivement changé le visage du monde que nous connaissions. Son caractère global et la profondeur de son impact jamais vus auparavant ont fait que le monde dans son ensemble ne sera plus jamais identique à celui d’autrefois, quelle que soit la vitesse du retour à l’activité dite «normale». Le rouleau-compresseur de la maladie elle-même, des peurs légitimes, des théories du complot, des confinements et de la crise économique est passé par là, et nous sommes actuellement au stade de la recherche du nouvel équilibre tout en admettant que ni le virus ni la crise économique ne sont encore terminés. La «Nouvelle normalité» est donc un défi institutionnel et individuel de trouver les points de repère sur lesquels on pourra construire l’avenir.
Qu’est-ce que cela implique pourla vie en entreprise ?r>Au sein d’une entreprise, il y aura deux aspects majeurs qui canaliseront l’attention. Le premier c’est tout naturellement la sécurité sanitaire au travail et sa conformité avec la législation en cours qui change en permanence dans le but de s’adapter au mieux à la situation épidémique. Le deuxième, c’est un défi de l’innovation et de la recherche pour préserver la viabilité économique de l’entreprise à court et moyen termes et de garantir son développement stratégique à long terme. De ce point de vue, la «Nouvelle normalité» est un challenge qui va départager les vrais leaders visionnaires des simples administrateurs.
Quels sont les nouveaux enjeux pour les managers d’entreprises ?r>D’après ma connaissance des profils et aussi d’après l’observation du terrain, la première compétence sollicitée actuellement chez un manager est sa capacité de gestion de crise dans le sens le plus large du terme, ce qui va avec les attributs qui le rendent possible : le sang froid, l’aptitude de communication, la réflexion cartésienne, la souplesse, la rigueur, la capacité d’adaptation et l’anticipation. Pour ainsi dire, les qualités regroupées d’un bon général sur le front. Finalement, ce n’est pas pour rien que «L’Art de la guerre» de Sun Tzu (datant pourtant de l’antiquité) a toujours été une lecture recommandée aux leaders en business. Évidemment, cette liste ne serait pas complète sans la créativité et l’empathie puisqu’il s’agit de diriger des Hommes et d’assumer une certaine responsabilité sociale de l’entreprise. D’ailleurs, c’est le bon moment pour vérifier l’application pratique de toutes les stratégies et réalisations RSE si fièrement présentées depuis des années sur les forums professionnels et dans les médias. r>Qu’en est-il dans la pratique aujourd’hui ? Est-ce possible de s’attendre à ce que toutes ces qualités managériales soient réunies chez une seule personne ? On peut toujours l’espérer, mais il suffit qu’un manager éclairé et averti soit conscient de ses propres atouts et limites, et qu’il s’entoure des collaborateurs dont les compétences particulières pourront le soutenir et compléter dans ses efforts.r>Les managers et les RH sont appelés à cultiver les aspects positifs pour mieux dépasser cette épreuve et s’adapter aux changements. Par quels moyens doivent-ils relever ce défi ?r>Je pense qu’ils doivent commencer par soi-même pour montrer le bon exemple à suivre. C’est une belle occasion pour démontrer l’efficacité des nombreuses formations en développement personnel et en management moderne qu’ils ont certainement suivies à la demande de l’entreprise durant ces dernières années. Si revoir la documentation et se souvenir des enseignements ne sont pas suffisants pour faire face à la situation, ça sera peut-être le moment de se faire accompagner par un coach expérimenté ou de compléter les connaissances grâce aux outils d’e-learning. Quels que soient les enjeux du travail quotidien, la crise exige des managers l’abandon du superflu pour mieux se concentrer sur les actions essentielles. Dans cette voie, les valeurs partagées et inscrites sur la charte des valeurs communes constituent un socle incontournable et un outil tout trouvé. Qui se rappelle aujourd’hui des séances de cohésion d’équipes consacrées à ce sujet ? Pourtant, poser le regard sur ces contenus permet de trouver une bonne perspective et de voir la situation sous tous ses aspects.
Côté salariés, quelles sont les compétences à développer pour mieux vivre dans cette nouvelle normalité ?r>Au sein d’une entreprise chacun a un rôle à jouer : c’est ce que les salariés ont parfois tendance à oublier en adoptant une posture passive, voire revendicatrice. Or, les droits et les obligations sont partagés et l’idéal serait qu’ils soient respectés de part et d’autre. r>La meilleure compréhension des enjeux de l’entreprise, la motivation à l’effort supplémentaire et l’engagement sincère distinguent les employés fidèles si précieux en temps durs. Bien évidemment, le même esprit d’équipe et le sens du sacrifice doivent aussi être témoignés par les dirigeants. Dans ce sens-là, la nouvelle normalité ne serait-elle pas juste un vrai retour à la normalitér> tout court ?
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Les erreurs à éviter face à la Nouvelle normalité
La plus grande erreur, et aussi la plus fréquente qui existe, serait de rester dans le déni pur et simple du changement fondamental qui est toujours en cours. Sans cela, le concept même de la Nouvelle normalité (et aussi le Renouveau) est impossible. La sincérité envers soi-même et envers les autres est ici cruciale. Cela concerne aussi les situations où nous n’avons pas réponse à tout : dire «je ne sais pas encore, mais je fais de mon mieux pour comprendre» est un exercice très difficile pour certaines personnes ayant une grande idée d’elles-mêmes et de leur pouvoir sur les éléments. Un autre danger serait de se laisser aller à l’émotionnel incontrôlé et débordant. Savoir faire la différence entre les faits, les opinions ou croyances et les émotions bien nommées est un défi de tous les jours.
Propos recueillis par Nabila Bakkass