Nation

Les alliances territoriales pour favoriser une croissance ascendante

27 Octobre 2021 À 19:29

Pour sa sixième conférence de cette année 2021, l’Institut CDG a organisé, mardi 26 octobre, en partenariat avec le Direction générale des collectivités territoriales (DGCT), un webinaire dédié aux «alliances territoriales». Cette rencontre a ainsi été l’occasion de cerner les enjeux et défis liés à l’attractivité territoriale ainsi que de s’interroger sur les mécanismes d’alliance et de co-construction à même de fédérer les actions et efforts des acteurs du développement territorial.r>Les experts, Ghita Lahlou, directrice générale de l’École Centrale de Casablanca, Charles Benoît Heidsieck, président et fondateur du laboratoire d’innovations partenariales «RAMEAU», Mohssine Semmar, membre du directoire de MedZ, et Mohamed Sabri, directeur général du Centre régional d’investissement de l’Oriental, ont successivement tâché d’expliquer, à partir de leur propre point de vue, comment les territoires se sont positionnés au cœur du processus de développement et qu’ils sont en effet les mieux disposés à apporter des solutions aux nombreux défis qui se posent à leur échelle.r>L’ancienne membre de la Commission spéciale sur le nouveau modèle de développement, Ghita Lahlou, a ainsi précisé que la question du développement requiert aujourd’hui, en plus de l’approche «Top-down» (approche descendante émanant de l’État), une autre approche «Bottom-down» (ascendante), émanant des territoires. Cette approche, dit-elle, consiste à mobiliser tous les acteurs et tous les citoyens autour de principes d’action commune, à clarifier leurs rôles et leurs interactions et à les responsabiliser (avec des règles de jeu transparentes), et ce en faveur d’un développement durable et inclusif.

Rappelant que «la stratégie des territoires durables, résilients et lieux d’ancrage du développement» est l’un des quatre axes du nouveau modèle de développement, Mme Lahlou a expliqué que le développement territorial fait désormais appel à plusieurs acteurs :r>•  Des acteurs de terrain qui portent l’émergence dans une sphère territoriale et qui sont capables d’être des leaders.r>• Des catalyseurs qui permettent aux émergences de se déployer par le biais d’alliances.r>• Des facilitateurs (généralement des institutions publiques) qui permettent la démultiplication des émergences.r>• Des éclaireurs qui, ayant du recul et de l’expérience, peuvent orienter les politiciens.r>• Et les institutionnels qui auront à élaborer des politiques ascendantes plus éclairées et plus proches des territoires.r>Aujourd’hui, cette notion d’État pourvoyeur de tout est dépassée et place est désormais faite aux ingénieries d’alliances (territoriales, subterritoriales, transversales...) qui n’excluent aucun acteur, aux fins de parvenir au développement.r>Charles Benoît Heidsieck a indiqué, de son côté, qu’on a besoin d’innovation territoriale pour faire face aux problématiques territoriales. «Les solutions doivent émaner du territoire. Certes, avec des réflexions menées au niveau territorial, nous pouvons rationaliser et optimiser l’intervention de l’État. L’impact sera par conséquent énorme, étant donné que nous allons toucher vraiment les besoins de la population», a-t-il dit. Le président du RAMEAU a souligné que l’action sur le terrain permet aux organisations de comprendre par la pratique ce qu’elles n’arrivaient pas à «conscientiser».

S’arrêtant sur l’expérience française, M. Heidsieck a fait savoir qu’«ils avaient une difficulté à faire un récit commun des multitudes des initiatives territoriales», indiquant que le 17e objectif de développement durable de l’ONU offre désormais «des éléments de sémantique» qui permettent de faire appel aux entreprises, aux associations, aux acteurs académiques, aux citoyens et aux collectivités locales. Et de mettre en avant qu’il existe des leviers pour activer l’intérêt général, à savoir une vision partagée, une action collective transformatrice et une gestion régulatrice. Si «la vision partagée» peut être le résultat d’une sémantique commune, «l’action collective transformatrice» requiert trois éléments déterminants :r>• Les compétences : de quelles compétences avons-nous besoin pour conduire la transformation à l’œuvre ?r>• Les modèles économiques : quelles ressources financières et comment les hybrider pour pouvoir mener des programmes ?r>• Les alliances : l’action d’une entreprise publique ou privée ne peut être pérenne sans le recours à des alliances.r>«La gestion régulatrice» nécessite, elle, un cadre légal pour expérimenter localement ces alliances d’intérêt général. «Ce n’est pas en opposant les approches locales aux politiques nationales et internationales que se construiront les choses, mais en les articulant (puisque l’une permet d’inventer ce que l’autre peut permettre de déployer), et là nous sommes dans une spirale vertueuse où chaque niveau territorial aura un rôle structurant à jouer», explique l’expert français.r>Mohssine Semmar a fait remarquer, à son tour, que certainement les territoires, pour établir leurs feuilles de route et leurs plans de développement, partent des grands choix stratégiques nationaux, mais aussi des particularités de leurs éléments différenciateurs. «Il faut donc essayer de voir, à partir de ces éléments de différenciation, comment en faire de véritables moteurs de croissance afin de parvenir à un développement inclusif, durable et résilient».

Pour sa part, Mohamed Sabri a affirmé que les territoires s’imposent aujourd’hui dans la réflexion sur les politiques publiques et il convient de les prendre en compte et d’innover en leur sein pour un développement allant du local vers le global. Relevant que les besoins varient d’un territoire à l’autre – là où nous avons besoin d’une route, dans un autre territoire nous avons besoin d’une usine –, le DG du CRI de l’Oriental a fait observer que nous avons quitté une logique de «développement pour le territoire» pour une logique de «développement par le territoire». «C’est le territoire qui prend en charge son propre développement». «Aujourd’hui, il n’y a pas une reconsidération des territoires, mais il y a des territoires au cœur du processus de développement à la fois inclusif et durable», fait remarquer M. Sabri, ajoutant que «les enjeux territoriaux doivent avoir une réponse au niveau territorial, car l’enjeu est né dans le territoire». 

Hicham Oukerzaz

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