12 Septembre 2021 À 23:00
S’il y a bien un sujet qui concentre cette année l’attention et les efforts des acteurs de l’enseignement supérieur au Maroc, c’est bien le déploiement du système bachelor qui s’apprête à faire «sa rentrée» dans quelques jours au sein de nos universités.r>Même s’il ne s’agit que d’une phase d’amorçage, le défi demeure entier puisque cette étape devra jeter les fondements d’un passage réussi vers la généralisation de ce nouveau système.r>«Les défis de la mise en place de cette première expérience du Bachelor sont nombreux, mais aussi très intéressants», souligne Aawatif Hayar, présidente de l’Université Hassan II de Casablanca. «À mon avis, le plus important parmi ces défis est la nécessité pour les étudiants de se familiariser avec le système de crédits», ajoute-t-elle. En effet, dans le cadre du nouveau système, il ne s’agira plus de réussir trois années pour obtenir son diplôme mais de collecter un certain nombre de crédits d’une année à l’autre, 240 précisément, pour décrocher son bachelor. L’enjeu est donc de faire en sorte que cette flexibilité soit une amélioration du système d’enseignement supérieur au bénéfice de l’étudiant.r>«Nous sommes conscients des défis à affronter pour réussir le challenge de la mise en œuvre du Bachelor», affirme de son côté Moulay Lhassan Hbid, président de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech. Pour lui, le premier défi avant tout a été la situation sanitaire qui a retardé la concrétisation de ce projet qualifié de «prometteur». «La résilience de notre ministère de tutelle, des universités marocaines, des acteurs régionaux, du monde socioéconomique en passant par le monde civil et associatif a été plus forte et a permis de transformer le Bachelor de son état de projet à une mise en action que nous espérons réussie et aboutie cette rentrée 2020/2021», se réjouit-il.r>Le responsable reste confiant quant à la mise en place du nouveau système pour cette année mais s’attend à plus de difficultés pour la suite. «La cohabitation se fera en douceur puisque les impératifs du Bachelor cette année ne sont pas énormes eu égard au nombre réduit des filières pour cette rentrée universitaire. Elle sera un peu plus ardue à partir de l’année prochaine, lorsque l’accès au bachelor dépassera le stade “pilote” et se généralisera», assure-t-il, soulignant que 22 filières ont accréditées pour cette année à Cadi Ayyad dans le cadre du bachelor, permettant d’enrichir, d’optimiser et de moderniser sa carte de formation.r>«Le défi sera donc de réussir les formations qui représentent une plus-value au cursus des étudiants et qui sont les langues, les soft skills, les civic skills, les professional skills, entre autres, ceci dans un contexte de massification», précise M. Hbid. L’autre défi majeur évoqué par Aawatif Hayar se pose au niveau de l’apprentissage via les plateformes numériques. «Que ce soit pour les langues ou les soft skills, un certain nombre d’heures sont comptabilisées sur des plateformes numériques. De ce fait, l’étudiant doit prendre l’initiative et apprendre à apprendre», explique-t-elle. Il s’agira ainsi d’accompagner les apprenants vers plus d’autonomie et plus de prise d’initiatives.r>«Les soft skills sont une nouvelle donne très importante dans ce système qui va permettre d’apporter, en plus des compétences disciplinaires que nous avons l’habitude de dispenser dans les universités, des activités ou des ateliers pour le développement personnel, l’initiation à l’entrepreneuriat et le renforcement de l’engagement civique et citoyen des étudiants», relève la responsable.r>Elle avance également un troisième défi relatif cette fois-ci à la préparation du personnel enseignant. «Il faut accompagner les enseignants pour qu’ils puissent se familiariser avec ce nouveau système, laisser plus de liberté à l’étudiant, lui faire confiance, l’accompagner et bien sûr s’appuyer sur les plateformes numériques», détaille-t-elle.r>Dans ce sens, poursuit-elle, «les enseignants peuvent s’appuyer sur des ressources numériques que nous avons mises en place pour les soft skills, mais aussi sur les contenus spécialisés offerts par de grandes universités internationales afin de compléter leurs cours et de les scénariser pour qu’une partie soit dispensée par eux, une autre par des ressources numériques et une autre par le travail personnel des étudiants». Il est ainsi question de switcher vers un format d’enseignement plus flexible et plus ouvert, dans lequel l’étudiant est acteur et non pas juste consommateur de connaissances, résume-t-elle.r>Toujours dans le rayon des défis liés aux ressources humaines, Moulay Lhassan Hbid a fait remarquer que la massification qui prévaut dans les établissements à accès ouvert exige des ressources humaines suffisantes pour l’encadrement des étudiants dont le nombre augmente d’environ 10% chaque année. «Si notre université ne trouvera aucun problème d’encadrement des matières disciplinaires lors de la période de cohabitation des systèmes LMD et Bachelor, le défi à relever est d’assurer tous les moyens liés aux modules transversaux», souligne-t-il. Un défi qui reste surmontable selon lui puisque les soubassements nécessaires sont déjà posés. La résistance au changement est un autre défi de taille cité par M. Hbid. «Ce défi nous a poussés à mettre en place un certain nombre d’actions, non seulement pour faire accepter le changement, et aider à apprendre à faire les choses autrement, mais également pour faire adhérer toutes les parties prenantes, notamment les familles, les étudiants et tous les acteurs qui seront impliqués dans le bachelor», indique le responsable.r>Il a par ailleurs spécifié que le ministère de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a ouvert de son côté des dialogues avec les universités et les acteurs régionaux depuis plus d’un an. «Les universités, quant à elles, ont organisé des rencontres avec les futurs bacheliers d’un côté, et de l’autre avec ses différents établissements, départements et filières, à travers des journées de sensibilisation et ensuite de préparation du projet du bachelor pour une approche participative», ajoute-t-il.
Les universités à pied d’œuvre pour relever les défisr>Les acteurs de l’enseignement public se sont mis à pied d’œuvre pour apporter des réponses pratiques aux différents défis identifiés afin de pouvoir mener à bien cette transition.r>À l’Université Hassan II de Casablanca, où plusieurs filières bachelor pilotes ont été mises en place parallèlement aux filières licence, les étudiants sont libres de choisir entre les deux systèmes. «Vu que plusieurs filières Bachelor ont des troncs communs, les étudiants ont même droit, dans les premiers mois, de revenir dans le système Licence ou bien d’intégrer le système Bachelor», fait savoir Mme Hayar.r>«Nous allons faire le point sur ce système vers la fin du premier semestre pour déterminer les effectifs qui ont intégré le Bachelor et la Licence», précise-t-elle .r>Ainsi, vers la fin de la première année, les étudiants vont pouvoir confirmer leurs choix de filière, sachant qu’ils auront également la possibilité de la changer lors de la deuxième année. «Cette flexibilité est importante pour pouvoir permettre aux étudiants d’être à l’aise et d’avoir plus d’options avant de confirmer leur choix parmi les deux systèmes», relève Aawatif Hayar.r>À cet effet, l’Université prévoit la mise en place d’un système de mentorat et d’accompagnement au profit des étudiants de première année, grâce à la mobilisation des doctorants qui endosseront une mission d’orientation et de suivi. «C’est une expérience enrichissante à la fois pour les doctorants et pour les étudiants nouvellement inscrits», note-t-elle.r>Toutefois, les changements d’un système à l’autre seront supervisés par les équipes pédagogiques au niveau des différents établissements. «Il s’agit d’un système d’orientation et non d’un système sélectif puisqu’on est dans un enseignement à accès ouvert», souligne la responsable. Et d’expliquer : «Au sein de notre université, nous comptons plus de 90.000 étudiants inscrits dans le système à accès ouvert. Tous ces étudiants doivent trouver une place, d’où l’intérêt de ce système d’orientation pour les accompagner à faire le meilleur choix selon leurs capacités, leurs ambitions et, bien sûr, selon l’offre pédagogique proposée.»r>Le corps professoral va également bénéficier d’un accompagnement sur mesure. «Nous sommes actuellement en train de former les enseignants sur l’utilisation des plateformes de langue et de soft skills qui vont être ouvertes aux étudiants», déclare-t-elle
Elle indique par ailleurs que plusieurs capsules vidéos ont été conçues pour expliquer aux étudiants comment accéder à ces plateformes, annonçant par la même occasion que les innovations pédagogiques seront bientôt mises en place en vue de garantir une rentrée réussie pour ce nouveau système d’enseignement.r>L’Université Cadi Ayyad, qui a déjà une longueur d’avance en matière d’innovation pédagogique, a pu pour sa part capitaliser sur son expérience pilote en soft skills et langues mise en place depuis 2017. «Ces quatre années ont permis à nos parties prenantes d’avoir le recul nécessaire pour garder les aspects positifs et réajuster les aspects qui le sont moins», signale son président. L’Université marrakchie a pu également s’appuyer sur différents partenariats et conventions pour accompagner et soutenir le système du bachelor et les matières transversales. Celles-ci portent notamment sur le renforcement des soft skills et l’engagement civique, mais aussi sur le renforcement des langues, outre des conventions institutionnelles scellées avec des partenaires internationaux, fait savoir M. Hbid.r>De plus, poursuit-il, l’Université Cadi Ayyad s’est dotée d’un centre de langues qui prendra en charge toute la gestion de l’enseignement des langues dans tous les établissements de l’université. «La pandémie nous a poussés à atteindre les résultats escomptés avec des moyens redistribués et revus à cause de la conjoncture», signale le président de l’UCA. «Mais eu égard à l’importance du déploiement du Bachelor dans les réformes de l’enseignement supérieur, notre ministère de tutelle a fait des efforts supplémentaires pour la création de postes spéciaux avec des budgets conséquents», explicite-t-il.r>À l’Université Mohammed V de Rabat, 8 formations de Bachelor ont déjà été ouvertes pour préinscription aux étudiants, annonce Omar Hniche, vice-président de l’Université Mohammed V chargé des affaires académiques et estudiantines. Celles-ci ont reçu l’accréditation du ministère de tutelle parmi 12 formations déposées. Elles portent sur plusieurs champs disciplinaires, notamment les sciences et techniques, les sciences humaines, les sciences de l’éducation et les sciences juridiques, économiques et sociales, détaille le responsable. «Ces formations, ayant un caractère innovant, constituent une grande valeur ajoutée et permettent de répondre aux attentes de la société et aux besoins du monde socioprofessionnel et constituent un dispositif de promotion des compétences de nos étudiants», relève-t-il .r>L’Université Mohammed V de Rabat, rapporte-t-il, a défini un ensemble compact de compétences basé sur les exigences d’emploi fréquentes mises en avant par les employeurs et sur les besoins de l’étudiant pour réussir son cursus académique et son développement personnel. Ces compétences sont réparties en 4 grands blocs : Study Skills, Life Skills, Civic Skills et Professional Skills.r>«En somme, le Bachelor étant le système le plus répandu dans le monde, il permettra à l’université marocaine de s’ouvrir davantage sur l’international, ce qui facilitera la mobilité de nos étudiants à travers le système de crédits et le supplément au diplôme, prévu en fin de formation, et qui donnera plus de visibilité au cursus de l’étudiant. Ce système rendra également les universités marocaines plus attractives pour les étudiants étrangers», conclut Omar Hniche.
Ils ont dit
«La possibilité pour l’étudiant de changer de filière au bout de la première année ou de la deuxième année apporte une dimension importante qui favorisera sa réussite et permettra aussi de réduire considérablement le taux de décrochage.» r>Aawatif Hayar, présidente de l’Université Hassan II de Casablanca
«Il ne s’agit pas seulement d’un passage d’un BAC+3 à un BAC+4, mais d’un changement de toute l’architecture pédagogique. L’objectif ultime de ce changement est de favoriser l’épanouissement et l’autonomie des étudiants, afin de faciliter leur insertion dans le marché de l’emploi». r>Mariam Filali, directrice pédagogique de l’ESLSCA Business School - Campus Rabat
«L’État a mis en place le modèle Bachelor pour répondre tant aux besoins du marché de l’emploi qu’aux attentes de la société de voir des jeunes ayant des compétences effectives et capables de contribuer au développement du pays tout en réussissant leurs vies. Les enjeux pour l’État sont relatifs aux centaines de milliers d’étudiants qui fréquentent nos universités.» r>Thami Ghorfi, président de ESCA Ecole de Management
«L’ambition de l’université marocaine est d’instaurer une architecture pédagogique qui ambitionne de faire de nos jeunes des acteurs efficaces qui apportent et accompagnent les changements. Nous sommes convaincus que le bachelor est un système qui matérialisera cette ambition parce qu’il allie, à la fois, la démarche universitaire et entrepreneuriale dans l’objectif de permettre aux lauréats d’avoir un langage commun avec le monde socio-économique et d’en faire des citoyens de la nation accomplis, et des citoyens du monde capables d’agir avec les transformations rapides que vit notre ère.» r>Moulay Lhassan Hbid, président de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech
«L’instauration du nouveau système Bachelor se veut une réponse aux attentes de la société et du marché de l’emploi et en adoptant ce diplôme, le système de l’enseignement supérieur marocain sera consolidé et les étudiants pourront, désormais, avoir l’avantage de se développer à l’international.» r>Omar Hniche, vice-président de l’Université Mohammed V chargé des affaires académiques et estudiantines
«Le système bachelor est très en vogue dans les pays anglo-saxons. Le cursus est organisé en 4 ans et a pour objectif d’améliorer l’employabilité et la mobilité internationale des apprenants. Il doit répondre à de nombreux critères : la qualité de l’enseignement, les langues, les soft skills, une pédagogie innovante, un encadrement personnalisé des apprenants ou encore l’expérience à l’international à travers les stages ou les programmes d’échange.» r>Zineb Aouni, DG du Campus Emlyon Casablanca