Économie

Le détail d’une réforme choc du secteur public

Le gouvernement et la Banque mondiale sont parvenus à un accord de principe pour le financement d’un nouveau programme «Performance du secteur public marocain». Ce prêt de 300 millions de dollars devra être approuvé en septembre prochain. Il soutient trois domaines abordant les éléments fondamentaux de la transformation du secteur public : efficacité des dépenses, amélioration de la gestion des recettes et renforcement des performances d’une administration basée sur des données probantes. Ce programme est censé renforcer la transformation numérique par l’interopérabilité et l’Open Data.

04 Juillet 2021 À 20:42

Le Maroc s’apprête à lancer une réforme-choc de son secteur public. Le pays sera accompagné par la Banque mondiale dans ce chantier dont l’objectif est d’améliorer fortement la performance et la transparence des opérations gouvernementales. Selon nos informations, le gouvernement et l’institution de Bretton Woods sont parvenus à un accord de principe pour le financement de la mise en œuvre d’un nouveau programme «Performance du secteur public marocain». Ce Prêt-Programme axé sur les Résultats (PPR) s’élève à 300 millions de dollars, en négociation depuis deux ans, comme nous l’annoncions en exclusivité en juillet 2020. Ce financement devra être approuvé en septembre 2021 par le Conseil des administrateurs de la Banque mondiale au profit du ministère de l’Économie, des finances et de la réforme de l’Administration.r>Selon un nouveau document officiel, dont «Le Matin» détient copie, les activités du programme sont alignées sur les priorités de la loi de Finances 2021, dont l’une consiste à accélérer la réforme administrative. Ce PPR soutient trois domaines qui, d’après la Banque mondiale, abordent les éléments fondamentaux de la transformation du secteur public marocain. Il s’agit de l’efficacité des dépenses publiques, de l’amélioration de la gestion des recettes et du renforcement des performances d’une administration basée sur des données probantes. À cet effet, le programme vise à renforcer les fondements de la transformation numérique par l’interopérabilité et l’Open Data.r>Le document confirme que la crise de la Covid-19 a été un coup dur pour l’économie et le secteur privé marocains. La situation économique tendue a également poussé le gouvernement à accroître ses efforts pour moderniser son administration publique. D’ailleurs, la baisse considérable des recettes publiques combinée à l’augmentation substantielle des dépenses publiques pour financer le plan de relance et le nouveau fonds d’investissement stratégique ont exacerbé la nécessité de poursuivre la réforme de l’administration publique. Ainsi, dans la note de présentation de la loi de Finances 2021, l’amélioration des performances du secteur public et la création d’une culture d’excellence dans les institutions de l’État constituent l’un des quatre piliers du plan d’action du gouvernement pour l’exercice 2021 et au-delà.

 Améliorer l’efficacité des dépenses publiquesr>Le Programme soutiendra les efforts du gouvernement pour améliorer l’efficacité des dépenses publiques. La réalisation de cet objectif dépend d’un meilleur contrôle des dépenses. À cette fin, le programme concentrera son soutien sur le renforcement de l’approche de la performance induite par la Loi organique des Finances (LOF) 2015. Pour rappel, cette LOF a introduit une nouvelle architecture budgétaire (avec des objectifs et des indicateurs) et a jeté les bases d’une gestion publique axée sur les résultats. Selon le document de prêt, jusqu’à présent, elle n’a pas été utilisée pour soutenir les processus décisionnels des administrations publiques, éclairer les choix budgétaires et alimenter les débats sur les lois budgétaires, ou pour faciliter le dialogue de gestion entre les administrations centrales et leurs services décentralisés. En outre, l’approche fondée sur les performances n’intègre que marginalement la notion d’efficacité des dépenses publiques. Le programme vise ainsi à relever ces défis et à éviter le risque que l’approche de la performance devienne un simple exercice de conformité coûteux plutôt qu’un moyen d’améliorer le fonctionnement des administrations publiques. Cet objectif sera atteint grâce à trois actions : réviser les projets de performance pour améliorer leur pertinence et leur cohérence ; assurer une mise en œuvre efficace de l’approche de performance au niveau décentralisé ; et adopter une approche structurée et institutionnalisée pour identifier les inefficacités dans les dépenses publiques.r>En outre, le programme soutiendra le processus de réforme, déjà en cours, du cadre des marchés publics. Selon l’institution, le gouvernement s’est déjà engagé dans un ambitieux processus de réforme multidimensionnel impliquant un ensemble d’instruments juridiques, institutionnels et numériques. Ce processus de réforme vise à moderniser et à renforcer le système marocain de passation des marchés publics en mettant davantage l’accent sur la mise en place d’un système électronique de passation des marchés afin de garantir une utilisation judicieuse, économique, transparente et efficace des ressources de l’État dans les marchés publics. À cet égard, plusieurs avancées majeures ont été réalisées. Néanmoins, le système doit encore être amélioré, notamment en ce qui concerne l’aspect relatif à la production, à l’analyse et à la divulgation des données pertinentes relatives aux marchés publics.

 Améliorer la gestion des recettes publiquesr>Le nouveau programme incitera le gouvernement à renforcer la gestion des données, depuis l’acquisition de données de tiers jusqu’à leur application, en passant par leur traitement et leur analyse. Au niveau local, le programme soutiendra les efforts visant à accroître l’efficacité de la collecte des impôts locaux par les dix plus grandes municipalités. Pour ces municipalités, la collecte efficace des recettes qu’elles mobilisent elles-mêmes est d’une importance capitale, car elles représentent 80% de leurs revenus. Selon le document de prêt, la collecte des impôts locaux se caractérise actuellement par toute une série d’inefficacités. L’écart considérable entre les impôts locaux et les autres taxes à un impact sur les investissements dans les infrastructures et les services publics. Un doublement des recettes fiscales et parafiscales des dix plus grandes villes multiplierait par plus de six l’épargne brute et offrirait un espace pour les investissements, qui pourrait encore être développé par l’emprunt. Le manque de recettes locales a des répercussions négatives, fiscales et sociales, tant au niveau local que national. En outre, certains fonds de la TVA sont détournés du soutien aux municipalités les plus pauvres pour aider à financer les lacunes en termes d’investissement dans les grandes villes, ce qui diminue la capacité du gouvernement à réduire les différences régionales. L’augmentation des recettes des plus grandes municipalités est donc une priorité nationale.

 Renforcer la transformation numériquer>Le programme encouragera la mise en œuvre des principaux éléments techniques, juridiques/réglementaires et organisationnels nécessaires pour soutenir la transformation numérique du gouvernement en un secteur public efficace, transparent et responsable, axé sur les données. r>Pour atteindre ces objectifs, le programme travaillera sur l’intégration des services via l’interopérabilité et l’Open Data. Ainsi, il renforcera l’ouverture et la transparence du gouvernement et améliorera l’accès aux données qui répondent aux besoins des utilisateurs en publiant des données de qualité, actualisées et pertinentes sur le portail national (www.data.gov.ma). Pour soutenir l’utilisation et la réutilisation de ces datas, les ensembles de données seront publiés en priorité selon des critères centrés sur l’utilisateur, élaborés de manière participative par le comité directeur intergouvernemental dirigé par l’ADD en coordination avec un large éventail de parties prenantes au sein et en dehors du gouvernement. En outre, les ensembles de données seront publiés gratuitement et dans un format ouvert et réutilisable.r>Selon le document, le renforcement de la performance d’une culture axée sur les données dans l’administration publique marocaine nécessite une coordination efficace entre les différents acteurs de l’écosystème des données.r>Ainsi, les activités de coordination et de gestion du changement seront priorisées pour soutenir leur mise en œuvre.r>À noter que le Programme «Performance du secteur public marocain» durera cinq ans (2022-2026). Conformément aux modalités des décaissements convenues en commun accord entre la Banque mondiale et le gouvernement, les décaissements du prêt de 300 millions n’étant pas liés à des dépenses spécifiques mais plutôt à leurs indicateurs. Ainsi, les décaissements seront effectués en fonction de l’atteinte de résultats définis de manière concertée avec le ministère des Finances et ses partenaires : le ministère de l’Intérieur et celui de l’Industrie à travers l’Agence de développement du digital (ADD). 

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