13 Juin 2021 À 21:26
Le Matin : Vous venez de signer plusieurs accords visant à relancer la coopération avec le Maroc. Quels atouts la Hongrie peut-elle faire valoir aujourd’hui pour occuper une place plus importante dans le schéma des relations Maroc-UE post-Covid ?r>Péter Szijjártó : Nos deux pays ont une approche similaire sur les grandes questions de l’économie mondiale et de la politique internationale. Nous sommes deux nations avec une longue histoire et une longue tradition. Nous sommes tous les deux fiers de notre héritage, de notre passé, de notre religion, de notre culture et de notre patriotisme. Cela devient rare, surtout en Europe, et nous croyons tous les deux en la souveraineté. Nous croyons aussi tous les deux au respect mutuel comme fondement des relations en politique internationale. Nous abordons donc ces grands enjeux de valeurs sur une base similaire, et cela nous permet de construire une relation saine dans les domaines concrets de la vie : l’économie, la culture, l’éducation…r>Nous nous sommes mis d’accord sur la coopération, la culture, les sports et sur l’organisation d’un forum d’affaires encore cette année. J’ai rencontré aujourd’hui (mercredi 9 juin, NDLR) les représentants des entreprises marocaines. Nous avons ouvert une ligne de crédit de 250 millions de dollars pour financer la coopération entre les entreprises hongroises et marocaines. Nous sommes prêts à encourager davantage d’entreprises hongroises à venir investir au Maroc et nous recherchons des entreprises marocaines pour s’implanter en Hongrie.
Quelles étaient les sujets évoqués lors de votre discussion avec votre homologue marocain, Nasser Bourita ?r>M. Bourita et moi sommes de vieux amis. Nous apprécions mutuellement la compagnie l’un de l’autre. J’aime beaucoup ses déclarations lors des événements multilatéraux et il dit la même chose à mon sujet. Nous avons signé aujourd’hui (mercredi 9 juin, NDLR) dix accords dans divers domaines portant sur la coopération entre les Académies diplomatiques, l’augmentation du nombre de bourses, le sport, la recherche et le développement, la facilitation des voyages, la justice, la fiscalité…r>Nous avons également discuté des questions de la région, mais aussi des relations entre l’UE et le Maroc. J’ai dit très clairement que l’intérêt de l’Union européenne est dans un Maroc fort. Pourquoi ? Car si le Maroc est fort et stable, il peut stopper le flux de migration illégale. Sinon, l’Europe sera confrontée à des défis énormes, et c’est ce que nous voulons éviter. C’est pourquoi nous continuerons à œuvrer pour que l’Union européenne consdère le Maroc comme un pays clé aussi bien en matière de migration que d’économie et de sécurité. Dans ce cadre, la Hongrie soutient la candidature du Maroc au Conseil de sécurité des Nations unies. Elle soutient également la candidature du Royaume au Conseil des droits de l’Homme. Je rappelle aussi que nous avons aussi contribué financièrement à la création du Bureau des Nations unies contre le terrorisme à Rabat.
Votre visite intervient à un moment où les relations du Maroc avec certains de ses partenaires classiques passent par une zone de turbulence, notamment pour des raisons liées à la question de l’unité territoriale du Royaume. Avez-vous abordé cette question (Sahara) avec les responsables marocains ? Quelle est la position de votre pays sur ce sujet ?r>Chaque fois que vous parlez à des responsables marocains, vous ne pouvez pas éviter ce sujet. Ce que je peux vous dire, c’est que nous croyons que l’intégrité territoriale est une base et que le respect de cette intégrité est la base de la coopération politique internationale. Si nous ne parvenons pas à nous mettre d’accord sur ce principe à respecter, alors les relations internationales seront très difficiles à aborder. C’est pourquoi notre position est que l’intégrité territoriale du Maroc doit être respectée.r>Sachez aussi que la Hongrie a fait partie de la mission de l’ONU au Sahara. Nous avons sept fonctionnaires hongrois qui servent au sein de la Minurso. Nous n’avons jamais commenté la décision des États-Unis de reconnaître la souveraineté ou l’autorité du Maroc sur le Sahara, parce que nous pensons que tous les pays ont le droit d’avoir leur opinion sur cette question. De même, nous n’avons pas commenté leur décision d’établir une représentation consulaire, car nous pensons que c’est le droit souverain des États-Unis de prendre une telle décision. Cela dit, nous souhaitons vivement qu’on parvienne à une solution pacifique de ce conflit. En tout cas, le Maroc peut compter sur notre soutien dans ses efforts visant à résoudre pacifiquement cette question.
On parle d’une prochaine visite du Chef du gouvernement à Budapest, et ce sera la première visite de ce niveau depuis 22 ans. Dans quelle mesure pourra-t-elle booster davantage les relations entre les deux pays ?r>Nous sommes très heureux que le Chef du gouvernement vienne nous rendre visite. Nous comprenons que les échéances électorales l’empêchent maintenant de faire le déplacement, mais j’espère qu’on aura l’honneur de le recevoir à Budapest. Les visites de haut niveau sont révélatrices et si une telle visite a lieu après 22 ans de la dernière visite de ce niveau, cela signifie que les relations bilatérales entrent dans une nouvelle ère. Les accords signés lors de mon séjour au Maroc, la présence d’importants représentants des entreprises marocaines que j’ai rencontrés, la bonne relation personnelle que j’entretient avec M. Nasser Bourita, le fait que nous ayons pu augmenter nos échanges cette année déjà de 12% par rapport à l’année d’avant… montrent que nous avons une très bonne base de coopération et nous comptons bien continuer sur cette voie.r>Le Maroc est notre troisième partenaire commercial en Afrique, après l’Égypte et l’Afrique du Sud, et cette position peut encore être améliorée. Je pense que mes discussions avec le monde des affaires ici ouvrent de nouvelles voies dans ce sens. Nous nous sommes mis d’accord sur un forum d’affaires à organiser dès cette année. Nous avons convenus que la prochaine session de la Commission mixte sur l’économie devra avoir lieu au début de l’automne prochain. Nous avons également convenus que la Hongrie, qui prend la présidence de l’Alliance d’Europe centrale appelée «Visegrád 4», mettrait l’accent sur la coopération entre le Maroc et l’Europe centrale. J’ai donc déjà invité Nasser Bourita à se joindre à la réunion des ministres des Affaires étrangères des pays de «Visegárd 4» au début de l’automne prochain.
Comment les relations économiques en constant développement pourraient être intensifiées davantage ? Et quelles sont les pistes de coopération entre les entreprises hongroises et marocaines ?r>Nous, les Hongrois, avons beaucoup travaillé pour nous préparer à la nouvelle ère de l’économie mondiale. Nous avons aidé nos entreprises à investir dans des capacités croissantes de production et dans des technologies avancées. Elles ont maintenant les capacités nécessaires pour répondre à la demande croissante du marché. Ainsi, face à la compétition mondiale, nous sommes bien préparés. Concernant nos relations avec le Maroc, elles sont basées sur une coopération mutuellement bénéfique. Ainsi, par exemple, les entreprises marocaines et hongroises peuvent travailler ensemble sur le marché africain en pleine croissance, cela peut être profitable aux deux parties.
Lors de cette visite, vous avez évoqué la question de la reconnaissance mutuelle des certificats de vaccination. Qu’est-ce qu’on entend par cette reconnaissance et quelles sont ses avantages pour les citoyens des deux pays ?r>Nous avons finalisé l’accord sur ce sujet et nous l’appliquons dès jeudi 10 juin. Nos deux pays ont décidé de reconnaître mutuellement leurs certificats de vaccination. Ainsi, les Marocains qui ont déjà été vaccinés peuvent entrer librement sur le territoire de la Hongrie sans aucune obligation de quarantaine ou de test. De la même manière, les Hongrois déjà vaccinés pourront entrer au Maroc sans test ni quarantaine. De plus, les détenteurs de ces certificats de vaccination bénéficieront exactement des mêmes droits qu’un Hongrois en Hongrie ou qu’un Marocain au Maroc dans chacun des deux pays. r>Dans le cas de la Hongrie, par exemple, vous pouvez assister à des événements sportifs, à des événements culturels, aller dans des hôtels, vous rendre à l’intérieur des restaurants, mais uniquement si vous avez votre certificat de vaccination. Ainsi, les Marocains vaccinés en visite dans notre pays bénéficieront de ces mêmes droits, comme les Hongrois. En parallèle, les Hongrois ne seront pas limités par le couvre-feu ou d’autres restrictions à la libre circulation ici au Maroc.
Comment la Hongrie a-t-elle pu relever le défi de la Covid-19 et partant assurer sa relance économique ?r>La Hongrie est aujourd’hui le meilleur élève d’Europe en matière de vaccination. Je pense que le secret de ce succès est similaire à celui du succès du Maroc dans ce domaine et qui lui permet d’occuper cette très bonne position comparé aux autres pays d’Afrique. En effet, le Maroc et la Hongrie n’ont pas vu les vaccins sous un angle géopolitique ou idéologique, nous les avons tout simplement considérés pour ce qu’ils sont réellement : des outils pour sauver des vies. C’est pourquoi, nos deux pays se sont approvisionnés en vaccins non seulement à l’Ouest mais aussi à l’Est, cette décision ayant permis à nos pays d’augmenter le nombre de doses à leur disposition. Grâce à cette décision, nous sommes au top des classements en matière de vaccination dans nos continents respectifs. En Hongrie, nous avons déjà vacciné plus de 60% de notre population adulte et nous avons été le premier pays d’Europe à pouvoir ouvrir entièrement son économie. Ce faisant, nous avons été le premier pays à faire des pas importants vers un retour à la normale. C’est bien cette décision d’acheter des vaccins là où ils étaient disponibles rapidement qui a finalement été fort salutaire.
Entretien réalisé par Ayoub Lahrache