03 Janvier 2021 À 20:16
Quelles implications du mode d’insertion du Maroc dans l’économie mondiale sur sa croissance et sur son développement ? Ce questionnement a fait l’objet d’une étude réalisée par la Direction des études et des prévisions financières (Depf), avec le soutien du Policy Center for the New South (PCNS). Et ce, dans le cadre de la contribution à «l’approfondissement de la réflexion et à l’enrichissement du débat sur les dimensions économiques pertinentes du modèle de développement national», est-il expliqué.r>Il en ressort trois principaux constats. Le premier est que le rythme de croissance tendanciel du PIB marchand ne s’est pas nettement accéléré dans le cadre du choix de l’ouverture. Le deuxième est qu’après 2013, une fois enregistrés les effets négatifs sur l’économie marocaine de la «crise de 2008» (et ses suites en Union européenne), l’activité marchande non agricole n’a pas connu une nette reprise se poursuivant à moyen terme. Le troisième constat est qu’il n’y a pas eu globalement une dynamique d’industrialisation.r>Les auteurs de l’étude ont expliqué qu’au cours de la période 1998-2018 où se sont manifestés les effets du choix acté et assumé politiquement de l’ouverture, la crise de 2008 n’a pas arrêté la croissance, relativement forte, enregistrée au cours des dix premières années (+5,1% par an sur 1998-2018), mais elle en a fortement ralenti le rythme (+3,2% par an sur 2008-2013).r>Ils ont avancé qu’on pouvait s’attendre à une accélération de ce rythme, avec la nette reprise de la demande mondiale de biens adressée au Maroc ainsi que du tourisme. Or, il n’en a rien été, puisque le rythme de la croissance fléchit de nouveau (+2,8% l’an sur 2013-2018). Ce qui paraît paradoxal, relèvent-ils, dans la mesure où «la politique industrielle visant un fort développement des exportations dans de nouveaux métiers a porté ses fruits, en donnant lieu à une importante transformation de la structure proprement industrielle au profit des industries mécaniques et électriques». Mais, cela l’est moins si on ajoute le constat que la part de l’industrie manufacturière dans l’ensemble des activités marchandes (agriculture comprise) n’a pas progressé en termes de valeur ajoutée, font-ils remarquer.r>Comment lever ce paradoxe et expliquer les trois constats avancés ? L’étude de la Depf apporte deux principales explications. La première que «le processus d’industrialisation s’est résumé à une sous-industrialisation dépendante». Il s’agit d’une sous-industrialisation, explique l’étude, car elle ne s’est faite que sur certains segments des chaînes de valeur, en l’occurrence ceux qui ne mobilisent qu’une main-d’œuvre peu qualifiée, et qui se caractérisent à la fois par un faible taux de transformation et par l’obtention d’une valeur ajoutée par emploi faible. Elle a été dépendante parce que, ajoute la Depf, souvent, les processus et les produits ne sont pas conçus au Maroc. En fait, soulignent-ils, une importante proportion des entreprises industrielles marocaines sont des «sous-traitants», surtout pour les entreprises tournées vers l’exportation. Très peu d’entreprises industrielles réalisent en interne une activité de R&D.r>La deuxième explication est qu’une part encore assez importante des entreprises marocaines, au sens où leur gestion est commandée par des Marocains, relève de ce qui est appelé le «monde de production domestique», c’est-à-dire une entité dans laquelle les pratiques en matière commerciale, salariale et financière conservent encore certaines des caractéristiques propres à la production artisanale de la «société traditionnelle», à commencer par la place qu’y tient la «réciprocité». L’objectif primordial d’une entreprise de ce monde n’est pas «la croissance», en particulier elle ne fait pas appel au crédit d’un intermédiaire financier pour financer sa formation brute de capital fixe, à savoir son investissement (ce qui serait nécessaire si elle augmentait nettement).
Propositions concrètes pour l’avenir du Maroc
Suite à ce diagnostic, les auteurs de l’étude de la Depf ont avancé deux propositions concrètes pour l’avenir du Maroc à moyen terme, en prenant en considération la marge de manœuvre dont il dispose au sein des contraintes imposées par la mondialisation existante.r>La première est de faire évoluer les accords de libre-échange déjà conclus vers des accords de co-développement et en conclure de nouveaux dans le même esprit. La deuxième est d’instituer des accords-cadres État-branche portant sur les produits à réaliser et les exigences de qualité à respecter, tout particulièrement en matière de contenu de la production en eau, de contenu en émissions de CO2, de consommation de matières premières primaires (hors provenance du recyclage) et d’effet sur la santé des utilisateurs. Ces deux propositions sont intimement liées, selon les auteurs de l’étude, puisqu’il s’agit tout à la fois d’impliquer les responsables d’entreprises dans la négociation des accords commerciaux et de convenir dans ces accords de normes communes concernant les produits exportés/importés, expliquent-ils. Ils nuancent, toutefois, qu’il ne s’agit pas pour le Maroc de mettre en place des «protections non tarifaires» pour contourner le libre-échange, échapper à ses contraintes, mais de garantir un «bon» développement, en convenant avec les pays avec lesquels des accords sont discutés et conclus que ce souci est partagé.r>D’ailleurs, concluent-ils, c’est à propos des problèmes à résoudre pour réaliser des produits qui répondent aux normes instituées que peut être abordée, avec des chances de réussite, la question de la formation professionnelle.