Nation

L’Espagne tente d’instrumentaliser le Parlement européen dans sa crise politique avec le Maroc

Habib El Mlaki : Il s’agit d’une tentative de détourner l’attention du vrai problème et d’une manœuvre qui vise à européaniser une crise purement bilatérale.

07 Juin 2021 À 20:24

Le président de la Chambre des représentants, Habib El Malki, a exprimé, dimanche, son «étonnement» et sa «déception» suite à «l’inscription d’un projet de résolution au Parlement européen sur une soi-disant “utilisation des mineurs par les autorités marocaines” dans la crise migratoire de Sebta». Dans une déclaration à la presse, M. El Malki a indiqué qu’il s’agit d’une «initiative qui est en total déphasage avec la qualité de la coopération entre le Parlement marocain et le Parlement européen».

Cette initiative «s’inscrit dans une tentative de détourner l’attention d’une crise politique purement bilatérale entre le Maroc et l’Espagne», a souligné El Malki. «Comme tout le monde sait, cette crise n’est pas liée à la migration mais à l’entrée en Espagne, de manière frauduleuse, d’un individu poursuivi par la justice espagnole, pour des crimes graves contre des victimes espagnoles», a-t-il expliqué. Il a, dans ce sens, affirmé que «l’instrumentalisation de la question migratoire, et notamment de la question des mineurs non accompagnés dans ce contexte, s’apparente clairement à une manœuvre qui vise à européaniser une crise bilatérale». «Je déplore l’exploitation d’un incident exceptionnel dans un partenariat où le Maroc joue un rôle exemplaire», a martelé M. El Malki.r>«Dans le domaine migratoire et comme l’ont affirmé les autorités marocaines, le Maroc n’agit pas en service commandé de l’Union européenne ou pour une contrepartie. Il le fait en partenaire et dans le cadre d’une responsabilité partagée, comme le démontrent les chiffres en matière de coopération migratoire et sécuritaire de ces dernières années, et que certains eurodéputés semblent ignorer», a-t-il précisé. M. El Malki a soutenu que «la Chambre des représentants, qui va suivre de très près cette question, espère que l’esprit constructif du partenariat saura prévaloir et que le Parlement européen ne tombera pas dans le piège de l’escalade».r>Les propos de M. El Malki rappellent les mises au point faites par le ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita. Le chef de la diplomatie marocaine avait déclaré le 23 mai dernier qu’«il faut placer la crise entre le Maroc et l’Espagne dans un contexte». Un contexte de «crise bilatérale entre le Maroc et l’Espagne» et «une crise qui n’a rien à voir avec l’Europe, une crise qui a été créée par une décision nationale de l’Espagne sans concertation avec ses partenaires européens».

Pour M. Bourita, qui était l’invité d’«Europe Soir week-end» sur Europe 1, «il y a une tentative de détourner le débat, d’aller vers cette question migratoire alors que le fond de la crise c’est un acte déloyal de l’Espagne envers le Maroc, envers son peuple et envers ses intérêts stratégiques». Sur la question migratoire, le ministre a tenu à rappeler quelques vérités et à présenter quelques faits «loin de tout discours émotionnel». À cet égard, le chef de la diplomatie marocaine a affirmé que le Maroc n’a jamais agi pour rendre service contre un solde ou en contrepartie financière. «Ce que reçoit le Maroc en moyenne de l’UE ne dépasse pas les 300 millions d’euros par an, soit moins 20% du coût assumé par le Royaume dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine». Pour lui, la crise avec l’Espagne, «c’est d’abord une crise migratoire née d’une crise politique entre deux partenaires».r>Durant les quatre dernières années, le Maroc a démantelé 8.000 cellules de trafic d’êtres humains. Le Maroc a aussi fait avorter 14.000 tentatives d’immigration clandestine, dont 80 tentatives d’assaut sur la ville de Sebta. De même qu’il a échangé avec l’Espagne plus de 9.000 informations sur la migration clandestine. «Le Maroc est dans une politique de bon voisinage et de partenariat». «Mais le bon voisinage n’est pas à sens unique. Le bon voisinage n’est pas une responsabilité du Maroc et une liberté de ses partenaires d’agir contre ses intérêts», a-t-il renchéri.

Au sujet des accusations lancées au Maroc de recourir au «chantage à l’immigration», dans ce conflit avec l’Espagne sur fond d’accueil par l’Espagne du chef de la milice du «polisario», le ministre a affirmé que «là encore le problème est mal posé : comme si le Maroc avait une obligation d’agir pour protéger l’Europe. Le Maroc n’est pas obligé. Le Maroc le fait en partenaire et le partenariat a des fondements. Le partenariat est réciproque. Il est fondé sur une compréhension des intérêts des uns et des autres». «On ne peut pas manigancer le soir contre son partenaire et lui demander le lendemain d’être loyal». 

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Chaoui Belassal : Le projet de résolution a été déposé par deux groupes à l’instigation de l’Espagne

Le différend entre le Maroc et l’Espagne est purement bilatéral (président CPM Maroc-UE). Le président de la Commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne (CPM Maroc-UE), Chaoui Belassal, a affirmé, lundi à Rabat, que le différend entre le Maroc et l’Espagne est purement bilatéral et «nous ne voulons pas l’européaniser». M. Belassal s’exprimait dans une déclaration à la presse en marge d’une réunion de la CPM Maroc-UE (partie marocaine), qui s’est déroulée en présence du président de la Chambre des représentants, Habib El Malki.

À ce sujet, M. Belassal a indiqué que cette réunion intervient suite à «l’inscription d’un projet de résolution au Parlement européen sur une soi-disant “utilisation des mineurs par les autorités marocaines” dans la crise migratoire de Sebta». La réunion vise en particulier à exhorter le Parlement européen à modifier ce projet de résolution, «qui a été déposé par deux groupes à l’instigation de l’Espagne», a-t-il relevé. «Nous voulons souligner au Parlement européen que le Maroc honore ses engagements» et entretient des relations «fondamentales et stratégiques» avec l’UE, des rapports que «nous voulons qu’ils s’inscrivent dans la continuité», tout en valorisant la coopération bilatérale pour englober un certain nombre de questions d’intérêt commun, a fait observer M. Belassal. Le président de la CPM a, dans ce sens, mis en avant les grands efforts déployés par le Maroc dans toutes les questions qui s’inscrivent dans le cadre de ses relations avec l’UE, notamment en matière migratoire, de lutte contre l’extrémisme, le terrorisme et le blanchiment de capitaux. Il a, en outre, émis l’espoir que «les recommandations contenues dans ledit projet de résolution soient modifiées par le Parlement européen pour ainsi préserver ses relations avec le Royaume, un partenaire clé dans la région qui s’acquitte d’un rôle très important».

 

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