09 Avril 2021 À 19:48
Les deux pays d’Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire et le Ghana, qui produisent les deux tiers des fèves de cacao vendues dans le monde, avaient annoncé en fanfare un prix de 1.000 francs CFA (1,5 euro) par kilo en octobre 2020, en hausse de 20%. Grâce à une concertation inédite, ils avaient aussi réussi à imposer aux multinationales du cacao et du chocolat une prime de 400 dollars par tonne pour mieux rémunérer les planteurs tropicaux, qui ne touchent que 6% des 100 milliards de dollars annuels de ce marché mondial. Mais devant la difficulté à écouler la production, la Côte d’Ivoire, leader mondial avec plus de 40% du marché, a baissé la semaine dernière d’un quart son prix de référence à 750 FCFA (1,1 euro) pour la campagne dite «intermédiaire» (d’avril à septembre), qui représente 25% de la récolte annuelle. «Ce prix de 750 FCFA par kilo est un retour à la réalité, il correspond au prix réellement payé aux planteurs», avait commenté un expert. Plusieurs raisons expliquent les prix bas du cacao sur les marchés mondiaux, selon les experts. D’abord la «surproduction structurelle» de fèves depuis plusieurs années : pour la campagne 2020-21, elle est évaluée à 100.000 tonnes, qui favorise les acheteurs, dans un marché régi par la loi de l’offre et de la demande.
D’autant plus, deuxième raison, que le marché mondial du cacao et du chocolat est tenu par une douzaine de multinationales, face à des millions de planteurs ne disposant pas d’organisations collectives efficaces pour les défendre. «En coulisse, les multinationales ont fait plier le gouvernement ivoirien», ont affirmé des organisations de commerce équitable la semaine dernière, leur reprochant d’avoir préféré puiser dans leurs importants stocks de fèves, qui représentent un tiers de la production annuelle mondiale, plutôt que d’accepter de payer des prix plus élevés aux planteurs. S’ajoute à cela une raison conjoncturelle : la pandémie de la Covid-19 a provoqué une crise économique mondiale, qui a un gros impact sur la consommation de chocolat. Un constat toutefois remis en cause par les organisations de commerce équitable. «On se pose des questions, car certaines enquêtes disent que la consommation de chocolat était forte pendant la crise», note Franck Koman, coordinateur du Réseau ivoirien du commerce équitable. En décembre, plusieurs organisations de producteurs ivoiriens avaient menacé de «boycott» les multinationales si elles ne payaient pas la prime spéciale aux planteurs. Une stratégie médiatisée qui avait payé, les grandes firmes craignant pour leur image.